La vie des explorateurs
Généralement l’explorateur passait la nuit à bord, mais, parfois, au cours d’un carénage ou pour honorer quelque chef très amical, il dormait à terre, faisant connaissance avec divers inconvénients, et en particulier avec les moustiques. Néanmoins, une escale signifiait la possibilité de trouver des vivres frais et les plantes médicinales, nécessaires aux inévitables malades du bord ou à ceux qui s’étaient blessés au cours de quelque manœuvre.
Certaines thérapeutiques ne pouvaient être introduites en Europe. En Amérique du Sud, par exemple, Philippe von Hutten, un aventurier allemand, avait été blessé au cours d’une escarmouche avec des Indiens Omagua ; les Indiens de son escorte choisirent un vieil esclave et, après l’avoir revêtu de l’armure de l’Européen, puis juché sur son cheval, ils lui infligèrent la même blessure. En découpant son corps en morceaux, ils déterminèrent l’exacte direction de la lésion, ce qui leur permit de guérir von Hutten.
Tout en veillant au bon état de son bateau et aux besoins de son équipage, une fois tirés des indigènes tous les renseignements possibles, mis à jour son journal et calculé sa latitude, le capitaine-général d’une expédition avait encore une tâche à accomplir : prendre possession des terres découvertes au nom de son pays. Des conventions aux origines incertaines régissaient cet acte, dont les instructions de route précisaient les modalités. Les Portugais érigeaient des stèles. Au Mexique, Fernand Cortez, faute d’instructions précises, prit possession du pays au nom du roi d’Espagne « en marquant un arbre de trois coups de sabre et en proclamant qu’il résisterait par les armes à quiconque objecterait à son action ». Les explorateurs anglais de l’époque élisabéthaine hissaient un étendard ou amoncelaient quelques pierres, pour signifier à d’autres voyageurs que quelqu’un les avait devancés.
En fait de gestes du genre, celui que Francis Drake accomplit en touchant terre au nord de San Francisco demeure fameux : « Au moment de partir », écrit un de ses compagnons, « le général fit ériger un monument commémorant notre passage et marquant les droits et titres de Sa Majesté sur cette terre ; il s’agissait d’une plaque clouée sur un grand poteau et portant le nom de Sa Majesté, la date de notre arrivée, la libre soumission de la province et de sa population à Sa Majesté, portant aussi l’effigie et les armes de Sa Majesté, sous la forme d’une pièce de six pence clouée sous la plaque. Au-dessous était gravé le nom de notre général ». La récente découverte de cette plaque (dont l’authenticité est encore sujette à caution) fait revivre d’une façon poignante ces temps où des hommes faisaient le tour du monde, à la conquête de terres plus vastes que leurs patries.
Un gros plan de la Santa Maria
Nul ne sait au juste quelles étaient les caractéristiques exactes du navire amiral de Christophe Colomb, mais, dans l’établissement des dessins de cet essai, il a été tenu compte des renseignements qui nous sont parvenus à ce sujet et des normes en usage à l’époque. La Santa Maria était une carraque de 150 tonneaux de charge, donc d’une capacité assez faible.
Elle avait une longueur de 2,90 mètres, une largeur de 7,60 mètres, un tirant d’eau de 1,85 mètre. L’étrave était arrondie et sa coque trapue s’amincissait vers l’arrière, selon cette forme de « maquerau » très populaire au XVIe siècle. Ses trois mâts portaient cinq voiles. La grande voie fournissait la majeure partie de l’énergie motrice et le reste de la voilure servait davantage à équilibrer l’allure. Par la suite, entre 1600 et 1700, la grande voile perdra de son importance relative par rapport aux autres voiles et subira un véritable rétrécissement. Au mât de misaine, qui s’élongera petit à petit, on verra apparaître une seconde voile, hissée dans les hauts. Le gréement, véritable enchevêtrement de cordages sur ces dessins, était partiellement fixe. Certains cordages servaient au maintien des mâts ; ces haubans étaient en chanvre, le bosco et ses gabiers passaient par conséquent le plus clair de leurs temps à les étarquer. Les divers autres cordages servaient à hisser ou à orienter les vergues, à border les voiles, à les ferler contre les vergues sur ordre du commandant. À bord d’un voilier moderne, on amène la voile ; mais à l’époque, les vergues étant trop lourdes, il était nécessaire de ramasser la voile contre la vergue. Celle-ci, une fois hissée à poste, n’était pas amenée que dans des circonstances extrêmes.
Toutes ces caractéristiques faisaient de la Santa Maria un bon navire normal pour l’époque, mais tel n’était pas l’avis de Colomb. « Médiocre marcheur, inapte aux missions d’exploration », précisa-t-il à son propos.
Les parties d’un bateau type Santa Maria : Hunier, grande hune, grand mât, grande voile, partie de la voile utilisée par faible brise, mât de misaine, misaine, voile de beaupré, beaupré, éperon, château avant, coque, hauban du grand mât, demi-tillac, gouvernail, dunette, mât d’artimon, voile latine, grand canot, descente principale, petit canot, grand mât, pompe, échelle, cabestan, descente arrière.
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