Une armure contre le monde
Vêtements des religieuses : Quels costumes portaient les sœurs des communautés religieuses, voici un récit fort curieux qui nous tirons de l’ouvrage La vie dans les communautés religieuses, de Claude Gravel:
Très tôt, la jeune religieuse apprend que son costume est bien plus que les pièces d’étoffe que l’on a assemblées et cousues. C’est une armure, une protection contre les tentations du monde. Ce costume, qui la recouvre des pieds à la tête, ne laisse voir que son visage, encadré par une coiffe empesée qui bloque toute vision latérale. En encore ! Chez les hospitalières cloîtrées, en voile peut rapidement être abaissé et cacher la figure en cas de rencontre fortuite, interdite. Jeune, chaque novice a médité le mot de Louis Bourdaloue, le jésuite français du XVIIe siècle: « Ce bandeau qui couvre le front, cette quimpe, cette robe noire et ces voiles signifient pénitence et humilité. »
Dissimuler les formes
Le costume est d’abord constitué de sous-vêtements, d’un jupon blanc, appelé cotte, et d’un corset qui enserre le corps et en dissimule les formes. La robe de serge, coupée comme une soutane, va jusqu’à terre; les manches sont longues jusqu’aux doigts. La guimpe de toile blanche, sans empois, se place sur la tête et ses pointes sont attachées sur le cou; une pesée empêche la guimpe de tomber vers l’avant. Ces pièces de vêtement sont retenues par des épingles de différentes formes et longueurs, à ressort ou droites. Elles sont similaires dans toutes les communautés ; les différences viennent du dessin de la robe, du voile et de la cornette.
Les costumes des Augustines et des Hospitalières de Saint-Joseph se ressemblent, même sous-voile de camelot noir et voile d’Étamine noir – , mais la ceinture de cuir naturel qui pend à la taille des premières, et qui sert à s’infliger des pénitences, soutient chez les secondes les ciseaux d’infirmière et la clé qui permet de passer du monastère à l’hôpital, de même que le grand chapelet qui tombe à gauche de la taille et se termine par le crucifix et une médaille de la Sainte Famille.
Dix kilos
Avec son long chapelet et sa croix pectorale, le costume peut peser jusqu’à dix kilos. L’esthétique en est très réglementée. Aucune communauté, aussi isolée soit-elle, ne peut apporter la moindre modification au saint habit.
Une poupée de cire, qui n’a rien d’une jouet, est d’ailleurs gardée dans le trésor de chaque communauté – la voûte où l’on protège les biens et les documents précieux. Cette poupée sert de modèle aux couturières, qui, génération après génération, taillent les robes de leurs sœurs hospitalières.
Chez les Ursulines, des enseignantes qui furent aussi des hospitalières pendant deux siècles à Trois-Rivières, la raison d’être de la poupée se trouve même dans leur constitution de 1647: « Il en sera habillée une poupée qui puisse servir de preuve et de modèle à la postérité de la forme et façon de l’habit de cette congrégation, et pour ce sera gardée soigneusement en lieu dont il y a plusieurs et différentes clefs ».
(Source : Claude Gravel, La vie dans les communautés religieuses. L’âge de la ferveur, 1840-1960. Édition Libre Expression, une compagnie de Québecor Media. 2010, pp.134-145).
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