Ursulines et Hospitalières en Nouvelle-France
Vers la fin des années 1630, la petite ville de Québec (ou plutôt le village de Québec) comportait une compagnie de trois cents soldats de marine qui tenait garnison dans le fort. Les cultivateurs s’éparpillaient dans la campagne proche, à portée des canons: « Le reste des habitants fait un gros de diverses sortes d’artisans et de quelques honorables familles, qui s’est notablement accru cette année »
Mais l’arrivée de nouvelles familles, pourvues d’une nombreuse progéniture, posait déjà un problème d’enseignement. Ainsi les Jésuites se décidèrent-ils à fonder un collège à Québec. Le Père Le Jeune écrit dans les Relations des Jésuites : « Je m’oubliais de dire que l’établissement d’un collège sert encore beaucoup pour le bien du pays : aussi quelques personnes très honnêtes nous savent fort bien dire que jamais elles n’eussent passé l’Océan pour venir en la Nouvelle-France, si elles n’eussent eu connaissance qu’il y avait des personnes capables de diriger leurs conscience, de procurer leur salut, et d’instruire leurs enfants en la vertu et en la connaissance des lettres. »
Mais, en voilà bien d’une autre : à bord de ces navires qui sont arrivés sur rade de Québec en cet été de l’an 1639, se trouvaient aussi des religieuses ! Le Supérieur des Jésuites nous compte la chose fort gentiment : « Quand on nous vint donner avis qu’une barque allait surgir à Québec, portant un collège de Jésuites, une maison d’Hospitalières et un couvent d’Ursulines, la première nouvelle nous sembla quasi un songe, mais enfin, descendant vers le grand fleuve, nous trouvâmes que c’était une vérité. »
Les voyez-vous, ces trois Hospitalières de Dieppe envoyées en Nouvelle-France à la requête de la duchesse d’Aiguillon, grande protectrice de la colonie nouvelle, et ces trois Ursulines de Rouen, venues jusqu’en ces lieux sur les pas de leur « sergent-recruteur », c’est-à-dire cette sainte veuve qui avait nom Mme de La Peltrie. Et l’une de ces Ursulines s’appelait Marie de l’Incarnation. Elles sont là, avec leurs bonnets empesés et leurs grandes robes noires, rieuses et un tantinet malicieuses. Elles sont « aussi fraîches et aussi vermeilles que quand elles partirent de leurs maisons, tout l’Océan avec ses flots et ses tempêtes n’ayant pas altéré un seul petit brin de leur santé! »
Mme de Montmagny s’avance pour les recevoir « avec tout l’accueil possible ». On se rend à la chapelle pour chanter un Te Deum, tandis que le canon retentit de tous côtés, puis on les conduit aux maisons qui les hébergeront « en attendant qu’elles en aient de plus propres pour leurs fonctions ».
Les Ursulines se retirèrent dans une maison particulière, où bientôt après on leur confia six filles sauvages et quelques filles françaises, « si bien que les voilà déjà dans l’exercice de leur institut; mais si jamais elles ont une maison bien capable et bien de quoi nourrir les enfants sauvages, elles en auront peut-être jusques à se lasser! Dieu veuille que les grands frais ne retardent leur dessein; les dépenses qu’on fait ici sont fort grandes, mais Dieu l’est encore plus. Pour l’hôpital, les religieuses n’étaient pas encore logées, leur bagage n’était pas encore arrivé, qu’on leur amena des malades; il fallut prêter nos paillasses en nos matelas pour exercer cette première charité. »
Dès le lendemain, on leur fit visiter la résidence de Sillery où, à une lieue en amont de Québec, on avait installé des sauvages chrétiens, Hurons et Algonquins, qu’on essayait ainsi de sédentariser quelque peu. « Mme de La Peltrie, qui conduisait la bande, ne rencontrait petite fille sauvage qu’elle n’embrassât et baisât, avec des signes d’amour si doux et si forts, que ces pauvres barbares en restaient d’autant plus étonnés et plus édifiés, qu’ils sont froids en leurs rencontres. Toutes ces bonnes filles faisaient le même sans prendre garde si ces petits enfants sauvages étaient sales ou non. On fait mettre la main à l’œuvres aux Pères nouvellement arrivés; on leur fait baptiser quelques sauvages, Mme de La Peltrie est déjà marraine de plusieurs; elle ne se pouvait contenir, elle se voulait trouver partout quand il s’agissait des sauvages. »
Les Français au Canada (du Golfe Saint-Laurent aux Montagnes-Rocheuses), par Cerbelaud Salagnac, Éditions France-Empire, 68, rue Jean-Jacques Rousseau – Paris (1er), 1963.
Pour en apprendre plus :
La lecture de ce texte me laisse pantoise. Envahir des territoires et nommer leurs habitants » sauvages » !!!
Je suis dieppoise ( France ) et cherche à comprendre.
Je vous conseille de lire un peu plus sur l’histoire, sur les événements du passé, sur les gens qui ont vécu dans ces époques lointaines. Grâce à la lecture on comprend beaucoup plus que grâce aux discours politiques. Mais, en fait, c’est votre choix.