Une petite guerre ridicule de 1709
Une petite guerre : Dans le cours de l’année 1709, il arriva à Portneuf, un événement ridicule en lui-même, mais qui aurait pu avoir des suites fâcheuses pour plusieurs. Nous le rapportons pour faire connaître le caractère original et presque sauvage des habitants de ce temps. Un particulier, habitant de Portneuf, dit publiquement qu’il soutiendrait à un autre particulier du nom de Perrot, habitant de Deschambault, qu’il était un pelé, ce qui était vrai, puisque ledit Perrot avait eu la chevelure enlevée par les Iroquois.
Quelque vraie néanmoins que fût la chose, cette dénomination de tête pelée rendit furieux le susdit Perrot. Mais ne se jugeant pas capable de venger assez par lui-même une injure aussi atroce, il sut intéresser à sa querelle et à la vengeance de son honneur outragé, les autres habitants de Deschambault.
Ceux-ci, à leur tour, ne se voyant pas assez nombreux pour venger, sur tous les habitants de Portneuf, qu’ils regardaient comme tous coupables, l’injure faite à leur co-paroissien, appelèrent à leur secours les habitants de Lachevrotière. C’est ainsi, sans doute, que dès les premiers temps se sont faits entre les différents peuples, les traités d’alliance offensive et défensive.
Quoiqu’il en soit, au moment du combat, le nombre et la fière contenance des habitants de Portneuf, qui avaient réuni toutes leurs forces, pour défendre celui qui avait appelé Perrot tête pelée, et pour se défendre eux-mêmes contre ceux qui venaient les attaquer, imposèrent tellement aux habitants de Deschambault et à leurs alliés, que ceux-ci n’osèrent en venir aux mains. On se borna, pour le moment, au Heu de coups de bâton, à se charger d’injures et à échanger des jurements et des malédictions réciproques.
Mais bien loin de renoncer à leur projet de vengeance et à la gloire que devait leur procurer la défaite entière des gens de Portneuf, ceux de Deschambault leur annoncèrent que, renforcés et soutenus par les habitants de Sainte-Anne de la Pérade, ils viendraient le jour de la Pentecôte, et qu’alors les habitants de Portneuf, pour avoir attendu, ne perdraient rien, parce que tout leur serait payé, avec les intérêts même, pour le retard du payement, s’ils l’exigeaient. La chose aurait eu sans doute des suites fâcheuses, tous les esprits étant animés et les têtes exaltées de part et d’autre , si l’Intendant de justice d’alors, monsieur Jacques Raudot, informé de ces désordres, n’eut immédiatement fait sortir une ordonnance, qu’il enjoignait au capitaine de la Côte de lire à la porte de l’église, afin que personne n’en prétendit cause d’ignorance.
Par cette ordonnance, M. l’Intendant défendait à tous les habitants des lieux où ces désordres avaient commencé, de se battre sous quelque prétexte que ce fût, à peine de prison contre celui qui commencerait la querelle, de six livres d’amende contre tous ceux qui s’y trouveraient mêlés. Il ordonnait au capitaine de se trouver, le dimanche suivant, à la porte de l’église, pour faire observer le bon ordre. Il ordonnait enfin au capitaine d’envoyer immédiatement à Québec, quiconque serait assez hardi pour commencer la querelle. Des ordres si précis et si sévères, arrêtèrent les préparatifs de guerre, mirent fin aux hostilités, et bientôt les douceurs de la paix succédèrent aux horreurs de cette guerre ridicule.
(Histoire de la Paroisse du Cap Santé. Par abbé F . X . Gatien).
Différence des colonies anglaises et françaises (1720)
Il règne dans la nouvelle Angleterre et dans les autres provinces du continent de l’Amérique soumises à l’Empire Britannique, une opulence, dont il semble qu’on ne sait point profiter ; et dans la Nouvelle France une pauvreté cachée par un air d’aisance qui ne paraît point étudié.
Le commerce et la culture des plantations fortifient la première, l’industrie des habitants soutient la seconde, et le goût de la nation y répand un agrément infini. Le colon anglais amasse du bien, et ne fait aucune dépense superflue : le Français jouit de ce qu’il a, et souvent fait parade de ce qu’il n’a point. Celui-là travaille pour ses héritiers ; celui-ci laisse les siens dans la nécessité, où il s’est trouvé lui-même, de se tirer d’affaire comme il pourra.
Les Anglais américains ne veulent point de guerre, parce qu’ils ont beaucoup à perdre ; ils ne ménagent point les Sauvages, parce qu’ils ne croient point en avoir besoin. La jeunesse française, par des raisons contraires, déteste la paix, et vit bien avec les Naturels du pays, dont elle s’attire aisément l’estime pendant la guerre, et l’amitié en tout temps.
(Journal d’un voyage en Amérique, 1744, Vol. V. R.P. De Charlevoix).
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