Une Coopérative de laiterie et ses privilèges

Point de droit capital soumis au juge Amédée Monet dans deux procès en août – septembre 1940

Coopérative de laiterie : Le juge Amédée Monet aura un important jugement a rendre le 4 septembre 1940 sur le procès de la Coopérative de Lait et de Crème Saint-Antoine, accusés par la Commission ‘de l’Industrie Laitière du Québec, d’avoir payé un prix insuffisant le lait apporté a l’usine de pasteurisation, par tes fournisseurs, qui, soit dit en passant font tous partie de cette coopérative. Ce procès a duré toute la matinée d’hier. M. L. Bissonnette fut un des principaux témoins de la poursuite, représentée par Me Auguste Mathieu, C.R. Il répéta a plusieurs reprises que chaque fournisseur avait décidé de laisser une moyenne de 30 cents par 100 livres de lait, fournies, afin de créer un fonds de réserve et de mettre, comme le disait le témoin, l’organisation «à flot».

Le témoin Bissonnette illustra sa théorie en disant qu’a une occasion il a apporté pour 84,96 de lait à la fabrique de pasteurisation et n’a retire en monnaie, que $54.82. Un second témoin, M. J. Couture, comptable des inculpés, déclara que cette dernière exploitait une commerce de lait. Et le juge Monet de demander à l’avocat de la poursuite :

—Avez-vous une cause ?

Me Mathieu déclare que oui, sans la moindre hésitation, et fait témoigner M. Paul Boucher, investigateur – chef de la Commission, qui, ordonnance en main prouve les Opérations suivantes par la prévenue au tribunal : la Coopérative de lait et de Crème Saint-Antoine reçoit le lait, le pasteurise, le distribue, le vend et est, en somme, une fabrique de produits laitiers. Ici Me Tanner souligne:

—Mais la coopérative est un fournisseur – distributeur.

—Le tribunal aura à décider de ce point, explique Me Mathieu.

Me Tanner ne présente pas de défense, et Me Mathieu, résume sa preuve en déclarant au tribunal : — Il est en preuve que le prix du lait est fixé par la Commission de l’Industrie Laitière. La compagnie accusée devant ce tribunal a effectué des déductions. Peu importe le motif : la loi défend catégoriquement toute déduction, directe ou indirecte, et, si le législateur avait voulu accorder des privilèges comme ceux que la défense invoque, il l’aurait fait. La firme inculpée agit comme une fabrique de produits laitiers, sans plus, et doit remettre aux fournisseurs le montant intégral du lait acheté et payé. Je demande donc une condamnation.

Me Tanner ne l’entend pas de cette façon et, dans un plaidoyer de plus d’une heure, il explique les prérogatives et les avantages de la coopérative. Il déclare sans la moindre hésitation «qu’à sa face même l’accusation est nulle parce que l’on ne dit pas si la prévenue est une fabrique ou un laitier»: on la qualifie simple?ment de «corps politique incorporé». Ici l’avocat de la défense explique :

—Il aurait fallu fixer le caractère île l’inculpée à la barre. La Coopérative ne tombe pas sous le coup des ordonnances mentionnées par la poursuite, mais elle est et elle reste un «fournisseur – distributeur», et elle jouit des privilèges accordés aux sociétés coopératives, sans être un «marchand de lait».

La défense explique ensuite la loi et divise les associations régies par elle en trois groupes : les fabriques de produits laitiers, qui reçoivent le lait et le transformant pour la vente, le fournisseur – producteur, qui devient un accessoire et enfin le marchand de lait. Et Me Tanner de conclure :

—La Coopérative de lait et de Crème Saint-Antoine n’étant, pas un marchand de lait, mais étant purement et simplement fournisseur – producteur, ne tombe pas sous l’ordonnance 1-H-39, paragraphe 3-1 K-40. La loi des produits Laitiers, section 13, sous-paragraphe 7, permet à la Commission de fixer les prix du lait de façon à sauvegarder les intérêts des fournisseurs – producteurs, et la Commission n’a pas le droit ni le pouvoir d’adopter des ordonnances pour obliger le fournisseur de payer au fournisseur – producteur un prix fixe par elle. Il y a plus : la Coopérative n’est pas un marchand de lait. En effet le sous-paragraphe B du sous-paragraphe 8 de la section 2 de la loi des produits laitiers énonce clairement le principe que dans les coopératives les membres ont le droit de vendre leur lait par l’entremise de la coopérative.

La firme accusée devant ce tribunal est l’agent ou le mandataire de ses membres pour la revente du lait, et, comme tout agent ou mandataire, par l’application de l’article 1722 du Code civil, elle a le droit de retenir une compensation pour ses services comme mandataire, et c’est ce que nous avons fait, avec le consentement des
mandants, par la déduction d’une petite somme payée sur le montant à être remis aux membres de la coopérative. Nous avons à lutter contre les trusts, les monopoles et les marchés contrôlés, et on met en mouvement la «dictature» de certains règlements.

—Le mot ne me fait pas peur, sou?ligne le juge Monet.

—Je demande donc le renvoi de l’accusation, conclut Me Tanner.

Me Auguste Mathieu, des plus brefs, répond à son collègue:

—Les coopératives n’ont pas le droit do créer le bouleversement et l’anarchie dans la province do Québec. Je crois avoir démontré que la prévenue est coupable et devrait être condamnée.

—Je rendrai mon jugementon jugement le 4 septembre, tranche le tribunal.

Un autre procès du genre, celui du Syndicat Coopératif des Producteurs de lait de Sabrevois, 192, rue Sainte-Catherine, a Lachine, occupa ensuite le juge Monet jusqu’à l’ajournement de midi (il était une heure), et Me Aimé Desrosiers. avocat do la défense, présenta des arguments identiques à ceux de son collègue Me Tanner pour conclure à la nullité de l’accusation. Jugement le 4 septembre.

Voir aussi :

palais de justice
Palais de justice Québec. Photo libre de droit.

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