Après avoir engagé le débat aux Communes, Pierre Eliott Trudeau se réserve le droit d’intervenir comme « citoyen »
Si le premier ministre M. Pierre Trudeau, et le chef du Parti libéral du Québec et président du Comité des Québécois pour le Non, M. Claude Ryan, se sont entendus sur l’objectif de «maintenir l’intégrité du Canada», leur rencontre d’hier n’aura pas permis toutefois de déterminer les modalités de la participation de M. Trudeau à la campagne référendaire.
Reléguant les détails de l’entrée en scène du premier ministre Trudeau au plan 4e la «stratégie» et de la «tactique», les deux hommes ont indiqué, à leur sortie d’un déjeuner de travail de deux heures, «que nous allons travailler ensemble pour que nos actions aillent dans le même sens».
Cependant, M. Trudeau, qui avait déclaré qu’il s’impliquerait dans la campagne référendaire après l’élection du 18 février, a révélé qu’il engagerait le débat «en tant que premier ministre du Canada» par un discours à la Chambre des communes.
Par la suite, le chef libéral fédéral se réserve le droit d’intervenir «comme citoyen du Québec». Voilà pourquoi il a évoqué la possibilité d’accepter «des invitations de participer au débat» au gré de circonstances qu’il lui reste encore à préciser.
Pour M. Ryan, qui désirait «rencontrer M. Trudeau avant que la lutte s’engage», il y aura toujours lieu « de préciser davantage en cours de route la forme que prendra la participation de M. Trudeau à cette bataille dont l’enjeu nous est commun».
Chose certaine cependant, le débat sur le discours du Trône à la Chambre des communes, dont les travaux débutent le 14 avril, servira de tribune pour les députés fédéraux qui veulent intervenir dans la campagne référendaire. «Les députés de tous les partis, et de toutes les parties du pays, seront évidemment les bienvenus s’ils veulent s’exprimer fortement sur l’unité du Canada», a noté M. Trudeau. Se réservant le choix de plusieurs armes, le premier ministre Trudeau n’a pas exclu la tenue d’un débat spécial aux Communes sur le référendum au Québec. Il n’a pas éliminé non plus la suspension des travaux de la Chambre et l’introduction d’un projet de loi sur un référendum fédéral.
Avant de prendre congé de son invité. M. Trudeau a tenu à professer «sa grande confiance» dans la capacité de M Ryan de mener les forces fédéralistes à la victoire le jour du référendum. Il a aussi fait remarquer que le chef du PLQ avait remporté «sept élections partielles, dont certaines dans des conditions difficiles».
Cette visite de M Ryan au 24 de la rue Sussex hier constituait la deuxième rencontre entre les deux hommes et la dernière depuis le retour de M Trudeau au pouvoir Un adjoint du premier ministre a signalé que les deux chefs politiques, qui se sont rencontrés seul à seul hier, avait conversé au téléphone «à quelques reprises au cours des dernières semaines».
En réponse à un journaliste qui lui demandait son avis sur la polémique qui fait rage actuellement quant au choix d’un nouvel avion de combat. M. Ryan a assuré qu’il suivait la question «avec un soin jaloux». «Il faut faire en sorte que le secteur aéronautique au Québec soit renforcé et non pas diminué», a-t-il commenté. ajoutant qu’il espérait «une décision favorable aux intérêts légitimes du Québec» Ce sujet n’apparaissait pas à l’ordre du jour des discussions d’hier toutefois.
La rencontre d’hier s’inscrit dans une suite d événements qui ont eu pour résultat de mettre en valeur le leadership de M. Ryan sur les forces fédéralistes.
Il y a plus d une semaine, le ministre responsable du dossier constitutionnel. M Jean Chrétien, rencontrait le chef du PLQ à Montréal pour consacrer l’intégration du Parti libéral du Canada au Comité des Québécois pour le Non. Il profitait de l’occasion pour offrir la collaboration de l’organisation du parti, qui a remporté 74 circonscriptions sur 75 au Québec, «au niveau de chaque comté et de chaque poil».
Suivant mercredi dernier, encore à Montréal, un caucus extraordinaire de parlementaires pour le NON. de toutes allégeances politiques, tant fédérales que provinciales. Cette rencontre était une première démonstration de force et de solidarité des forces fédéralistes. Elle visait également à harmoniser les interventions de tous et chacun à l’aube d’une bataille qui s’annonce difficile si l’on en juge par les résultats des derniers sondages qui donnaient une légère avance à la thèse du OUI.
En même temps, cette réunion cherchait a dissiper toute impression de mécontentement face au leadership de libéraux, dont plusieurs avaient exprime leur mécontentement face au au leadership de M Ryan durant le débat sur la question référendaire a l’assemblée nationale.
Mardi, M Ryan présentera officiellement la composition du Comité des Québécois pour le NON et en rendra publique le manifeste qui, selon le chef du PLQ, fera l’unité de tous les tenants du fédéralisme Quelques jours plus tard, le dévoilement de la stratégie du comité du NON donnera le signal de départ de la campagne des forces fédéralistes.
Tout au cours de la fin de semaine, les presses de l’imprimerie du gouvernement fédéral roulèrent à plein régime afin d’achever pour le début de la semaine le dépliant que les députés libéraux fédéraux du Québec veulent mettre à la poste avant l’émission des brefs référendaires… prévues pour mercredi ou jeudi.
(C’est arrivé au Canada le 5 avril 1980).
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