Transition révolutionnaire en France

La transition révolutionnaire en France

La période qui s’ouvre avec les événements de 1789, et qui dure jusqu’à la chute de Napoléon 1er, constitue une phase de transition entre ce qu’il est convenu d’appeler (« l’ancien Régime », tant sur le plan économique que politique, et une ère nouvelle où s’affirment les structures capitalistes, qui resteront encore timides durant plusieurs décennies.

Durant les années 1789-1799, qui sont celles de la révolution à la fois bourgeoise et populaire, comme durent la période qui s’étend du coup d’État du 18 brumaire de l’an VIII (10 novembre 1799) à la seconde abdication de l’Empereur (juin 1815), s’entremêlent des événements essentiels, mais contradictoires : certains amènent des ruptures définitives et permettent l’avènement d’une société nouvelle (abolition des droits féodaux, des corporations, mise en place d’une nouvelle législation et d’un système éducatif rénové…), d’autres prolongent le passé ou ne constituent que des retours en arrière (conquêtes territoriales, nouvelle noblesse, etc.)

Il ne peut d’ailleurs en être autrement, quand s’affrontent des forces sociales aux intérêts divergents; les unes ne désirent que le statu quo, d’autres souhaitent un bouleversement complet, d’autres encore ne cherchent qu’à utiliser une situation troublée pour prendre simplement la place des forces déclinantes, sans pour autant bouleverser l’ordre ancien.

De plus, l’instauration d’une société nouvelle prend du temps, et s’il est facile d’affirmer après coup que les classes montantes devaient nécessairement l’emporter, celles-ci n’existent encore qu’à l’état embryonnaire quand l’explosion se produit. S’il en était autrement d’ailleurs, une révolution ne serait pas nécessaire. Autrement dit, un tel phénomène est avant tout le produit des contradictions du passé et il est bien certain que les acteurs de cette période n’ont aucune idée claire de ce qui peut en sortir.

Par certains côtés, cette période de transition, où se mettent définitivement en place les conditions de développement du capitalisme industriel s’est prolongée jusqu’au milieu du siècle.

D’une restauration à l’autre

Les années de Restauration (1814-1848) expriment en effet des difficultés d’adoption de la société française aux nouvelles données d’un monde en mutation : les institutions républicaines n’ont pas, en définitive, été consolidées par l’épisode napoléonien, cherchant cherchant à faire revivre le modèle monarchique, en changeant seulement sa forme et son personnel; parallèlement, l’extension du secteur industriel et celle, concomitante, de la classe ouvrière, ont été compromises par les pervers du « Blocus continental », à l’heure des désastreux revers militaires. Ceux-ci ont de plus discrédité l’Empire, présenté par la propagande royaliste comme l’héritier de la Révolution.

Aussi, le retour des Bourbons ne rencontre-t-il pas de véritable opposition : la bourgeoisie d’affaires attend surtout une meilleure représentation parlementaire face au poids politique de la grande aristocratie foncière; le monde ouvrier, encore embryonnaire, n’a ni unité, ni représentant, ni objectif clair; les milieux bonapartistes et républicains, surtout composés de nostalgiques sans véritable assise sociale, n’ont eux-mêmes ni chefs de stature nationale, ni programme véritablement mobilisateur. L’opposition est donc surtout composée de « libéraux », partisans de la liberté de pensée et d’un ordre constitutionnel limitant l’absolutisme royal face aux partisans d’un retour pur et simple à l’Ancien Régime.

En revanche, la brève IIe République (1848-1952) et le début du Second Empire, voient s’affirmer les caractères propres au monde capitaliste naissant : montée de la bourgeoisie industrielle et financière, développement de l’investissement productif, répression anti-ouvrière, accession au pouvoir politique de républicains partisans de l’« ordre ».

Cependant, et bien que Napoléon III ait fait revivre le mythe et les formes impériales, son règne n’est pas une simple parenthèse stérile, puisqu’au contraire il favorise, ou laisse s’exprimer, les forces nouvelles (celles des milieux d’affaires comme celles du monde du travail) qui vont mettre en place la nouvelle société.

La République bourgeoise

Après l’effondrement du Second Empire en 1870, on assiste à l’installation définitive de la République bourgeoise, d’abord tolérée comme un compromis provisoire par les partisans d’une nouvelle restauration, puis acceptée par tous quand la République (symbolisée par Thiers) n’est plus synonyme de désordre ou d’idéal égalitaire).

Les victoires électorales des républicains même radicaux s’accompagnent en effet de leur évolution vers le compromis politique, et la montée des forces de gauche ou socialisantes ne remet en cause ni les institutions, ni les rapports de production. Elle se traduit seulement par une législation de l’organisation de la classe ouvrière, et par une opposition au militarisme revanchard qui est balayé par l’assassinat de Jean Jaurès à la veille du déclenchement de la Première Guerre mondiale.

Berceau de l’idée républicaine, patrie des arts et des lettres, la France a connu en 125 ans une mutation profonde; sans doute moins industrialisée que l’Angleterre, l’Allemagne ou les États-Unis, elle a cependant atteint un niveau de développement comparable, contribué à l’essor de nouvelles techniques sans payer le prix fort des bouleversements trop rapides entraînant les dérives politiques et idéologiques que l’on observe dans d’autres pays (ruine de la petite paysannerie anglaise, guerre civile américaine, pangermanisme annonçant de loin le nazisme).

Voir aussi :

Arc de Triomphe. Bon Dieu! quand sera-ce que les gens bornés cesseront de vouloir tout apprécier? (Napoléon Bonaparte Lettre a M. Matteo Buttafoco). Photo : Megan Jorgensen.
Arc de Triomphe. Bon Dieu! quand sera-ce que les gens bornés cesseront de vouloir tout apprécier? (Napoléon Bonaparte Lettre a M. Matteo Buttafoco). Photo : Megan Jorgensen.

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