Le spirituel et le temporel dans la lutte de l’Église
Dans la lutte pour imposer la supériorité du spirituel sur le temporel, l’Église utilise contre les rois eux-mêmes l’arme absolue de l’excommunication.
Durant les temps féodaux l’Église mène une lutte multiforme pour imposer l’idée de la supériorité du spirituel sur le temporel. Il s’agit de faire admettre aux plus grands que si leur légitimité provient de la volonté divine, celle-ci les oblige en contre-partie à se mettre au service de Dieu et à suivre l’enseignement de l’Église.
L’Église veut en particulier faire respecter le principe de la nomination des clercs par elle-même, et imposer la conception nouvelle du mariage indissoluble, afin de contrôler les pulsions physiques, de protéger les épouses d’une répudiation de circonstances, mais aussi de stabiliser les alliances politiques accompagnant les mariages seigneuriaux.
L’excommunication
Le premier grand excommunié est en 1077 l’Empereur germanique Henri IV : il doit venir s’humilier à Canossa pour obtenir le pardon du Pape Grégoire VII, qui lui reproche d’investir lui-même ses évêques.
Puis, Philippe 1er de France, qui a de plus saisi des biens appartenant au clergé, est excommunié par Urbain II en 1095 : il a répudié Berthe de Hollande et épousé Bertrade de Montfort, qu’il a enlevé à son mai, le comte d’Anjou, en 1092. Cette excommunication est prononcée durant le séjour du Pape en France, où il prêche la première croisade. On voit bien là le fil directeur qui relie les actions pontificales : soumettre les laïcs aux décisions de l’Église.
De même, Innocent II jette l’interdit sur les terres du roi de France Louis VII qui a refusé à Pierre de la Châtre l’archevêché de Bourges (1141). Louis VII doit finalement se soumettre et s’engage de temps après à participer à la deuxième croisade.
L’interdit
Philippe Auguste a lui aussi des démêlés sérieux avec le Saint Siège : s’étant remarié en 1193 avec Isambour de Danemark, après le mort de sa première femme, il répudie sa nouvelle épouse dès le lendemain de ses noces, puis épouse Agnès de Méran. La famille d’Isambour va trouver le pape Célestin III qui meurt avant de pouvoir sanctionner Philippe Auguste. Mais son successeur, Innocent III, jette l’interdit sur le royaume de France (1200). Devant la gravité de la sanction (qui suspend toute vie religieuse et sacramentelle, privant les fidèles de messes, de baptêmes, mariages et enterrements chrétiens, il impose la fermeture des églises), Philippe Auguste doit s’incliner, au moins en apparence : il fait semblant de se réconcilier avec Isambour, mais ne la reprend auprès de lui (comme reine et non comme épouse) qu’en 1213, après la mort d’Agnès de Méran.
Innocent III et l’excommunication
Innocent III jette également l’interdit sur le royaume d’Angleterre en 1208, puis excommunie Jean Sans Terre l’année suivante : celui-ci a répudié Isabelle de Gloucester pour épouser Isabelle d’Angoulême, et c’est ensuite apposé à la nomination par le Pape du nouvel archevêque de Canterbury, Stephen Langton Jean Sans Terre finit par se réconcilier avec le Pape en 1213, en inféodant son royaume au Saint-Siège. Innocent III excommunie aussi en 1210 l’Empereur d’Allemagne Ottan IV qu’il a pourtant couronné à Rome l’année précédente, mais qui vient d’envahir la Sicile. Ottan IV doit alors faire face à une guerre civile en Allemagne, les Souabes ne reconnaissant plus l’empereur excommunié.
