Un soldat et la messe

Un soldat nommé Lajoie et la messe : On ne badine pas avec la tenue, à l’église

L’église est un lieu public central dans la vie de nos ancêtres. Et pas seulement pour des questions d’étiquette chez les grands. Le bon peuple aussi a ses obligations. Sous le régime français, la plupart des cérémonies religieuses sont obligatoires et tous ceux qui y assistent doivent faire preuve de discipline et d’une tenue exemplaire, sous peine de mesures répressives sévères. On ne badine pas avec la bonne tenue à l’église. À ce propos, une histoire assez cocasse nous est racontée par Léon Trépanier.

On raconte qu’un jour, pendant la messe, un soldat nommé Lajoie est vu en train de jouer aux cartes. Il est traduit illico devant la justice militaire qui l’accuse d’avoir scandalisé les fidèles de sa paroisse.

Le soldat amené devant le major commence ainsi sa plaidoirie : « Vous savez, major, je ne suis pas très cultivé et je ne possède aucune instruction. Les mots d’un livre de prières sont incompréhensibles pour moi. Alors j’ai pensé me servir d’un jeu de cartes pour méditer. Ce jeu remplace en quelque sorte le missel. »

Peut-être illettré mais vif d’esprit, notre soldat poursuit : « L’as, pour moi, c’est Dieu, le grand Maître de l’univers; le 2 représentes le Nouveau et l’Ancien Testament; le 3, bien sûr, c’est la sainte Trinité; le 4, les évangélistes, Luc, Jean, Matthieu et Marc; le 6, la création du monde en six jours et le 7, la journée de repos du Créateur. » Voyant que le major est tout ouïe, le rusé Lajoie poursuit : « le 8, d’après ce que je me rappelle de mon histoire sainte, me fait penser au déluge qui n’a laissé que huit survivants; le 9 me ramène à Jésus qui guérit les neuf lépreux…

Un instant, l’interrompt le major, ils étaient dix lépreux, pas neuf…
Je veux bien, réplique du tac au tac notre homme, mais le dixième était un ingrat qui jamais n’a remercié le Seigneur! »

Et il continue : « Le dix me fait réfléchir aux dix commandements, qui je pratique du mieux possible. Quant à la dame, c’est l’image même de la vierge, et le roi me rappelle l’obéissance envers mon Créateur. Et ce n’est pas tout, major. Vous savez, les 52 cartes à jouer me parlent des 52 semaines de l’année durant lesquelles je me dois de méditer et prier Dieu. Les douze figures, ce sont les douze apôtres et les douze mois. Ainsi, pour moi qui ne peux pas lire un missel, les cartes me servent d’Évangile, de testaments et d’almanach. »

Le major s’amuse bien de cette plaidoirie. Mais il a lui aussi l’esprit fin :

« Votre explication est sensée, mon brave. Mais vous avez oublié le valet…

Le valet? Major, le valet représente le plus grand jureur que je connaisse dans le monde et qui se trouve être le sergent qui m’a arrêté et m’a injustement fait amener devant vous! »
Comment résister à cet humour? Le major sourit : « En guise de jugement, soldat Lajoie, voici deux louis d’or. L’un pour boire à ma santé, l’autre pour vous acheter un livre de messe! »

(Source : Marcel Tessier raconte, chroniques d’histoire, tome 1, éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides).

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Maison-mère des sœurs grises de Montréal. Photographie de Histoire-du-Quebec.ca.

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