La société féodo-marchande en France au cours des XVe – XVIIIe siècles
Ligne du temps
461 – 1483 : Règne de Louis XI.
1465 : Ligue du Bien Public.
1468 : Louis XI prisonnier à Péronne.
1477 : Mort de Charles le Téméraire.
1483 – 1498 : Règne de Charles VIII.
1498 – 1515 : Règne de Louis XII.
1515 – 1547 : Règne de François 1er.
1515 : Victoire de Marignan.
1519 : Charles Quint élu Empereur.
1520 : Camp du Drap d’Or.
1522 – 1526 : Guerre contre Charles Quint.
1525 : Défaite de Pavie.
1528 – 1529 : Reprise de la guerre.
1533 : Paix d’Augsbourg en Allemagne.
1534 – 1535 : Jacques Cartier au Canada.
1536 – 1537 et 1542 – 1544 : Nouvelles guerres contre Charles Quint et l’Angleterre.
1544 : Victoire de Cérisoles.
1547 – 1559 : Règne de Henri II.
1552 – 1559 : Reprise de la guerre contre l’Empire.
1556 : Abdication de Charles Quint.
1559 : Paix de Cateau – Cambrésis et Édit d’Écouen contre les hérétiques.
1559 – 1560 : Règne de François II.
1560 : Conjuration d’Amboise.
1560 – 1574 : Règne de Charles IX.
1562 – 1563 : Première guerre de religion.
1563 : Paix d’Amboise.
1567 – 1570 : 2e et 3e guerres de religion.
1570 : Paix de Saint-Germain.
1572 : Massacre de la Saint-Barthélemy.
1573 : Reprise de la guerre civile.
1574 -1589 : Règne de Henri III.
1575 – 1577 : 5e et 6e guerres de religion.
1577 : Paix de Bergerac.
1579 – 1580 : 7e guerre de religion.
1585 : Création de la Sainte Ligue.
1585 – 1593 : Poursuite de la guerre civile.
1593 : Abjuration d’Henri IV.
1594 : Couronnement du roi.
1595 : Victoire sur les Espagnols.
1598 : Édit de Nantes et Paix de Vervins avec l’Espagne.
1610 : Assassinat d’Henri IV.
1610 – 1643 : Règne de Louis XIII.
1614 : Révolte de la noblesse.
1620 : Guerre entre le roi et sa mère.
1624 : Richelieu Premier ministre.
1627 – 1628 : Siège de La Rochelle.
1630 : Guerre contre l’Espagne.
1634 – 1637 : Soulèvement des « croquants ».
1636 : La France envahie par l’Espagne.
1639 – 1640 : Révolte des va-nu-pieds.
1640 – 1642 : Reconquêtes françaises.
1642 : Mort de Richelieu.
1643 – 1715 : Règne de Louis XIV.
1643 – 1661 : Régence d’Anne d’Autriche et gouvernement de Mazarin.
1643 : Victoire de Rocroi sur l’Espagne.
1645 : Victoire de Nördlingen.
1648 – 1653 : La Fronde.
1648 : Victoire de Condé à Lens.
1650 : Turenne, passé à l’Espagne, est battu à Rethel.
1652 : Trahison de Condé.
1653 : Retour de Mazarin à Paris.
1658 : Victoire de Turenne, rallié au roi, sur Condé et les Espagnols.
1659 : Paix des Pyrénées avec l’Espagne.
1661 : Mort de Mazarin. Louis XIV règne seul. Arrestation de Fouquet.
1665 : Colbert contrôleur des Finances.
1667 – 1668 : Guerre de Dévolution.
1672 -1678 : Guerre de Hollande.
1678 – 1679 : Traités de Nimègue.
1682 : Le roi s’installe à Versailles.
1685 : Révocation de l’Édit de Nantes.
1689 – 1697 : Guerre de la Ligue d’Augsbourg.
1690 : Victoire de Fleurs.
1693 : Victoire de Neerwinden.
1697 : Traités de Ryswick.
1701 – 1714 : Guerre de succession d’Espagne.
1709 – 1710 : « Grand hyver ». Famine en France.
1713 – 1714 : Traités d’Utrecht et de Rastadt.
1715 – 1774 : Règne de Louis XV.
1715 – 1723 : Régence du duc d’Orléans.
1733 – 1735 : Guerre de succession de Pologne.
1741 – 1743 : Guerre de succession d’Autriche.
1756 – 1763 : Guerre de Sept Ans et perte des Indes et du Canada.
1774 -1792 : Règne de Louis XVI.
1777 : La Fayette en Amérique.
1788 : Convocation des États Généraux.
1789 : Fin de l’Ancien Régime.
La société féodo-marchande
La paix revenue au milieu du XIVe siècle, les mutations en profondeur de la société française qui s’étaient amplifiées avec l’essor économique du XIIIe siècle vont trouver un terrain favorable pour se faire jour à nouveau.
Mais elles vont maintenant s’exprimer dans un contexte différent : celui d’un monde où le pouvoir politique échappe davantage à la seigneurie traditionnelle, où le rapport de force militaire s’est modifié au profit de la monarchie, où le poids économique et stratégique des villes s’est trouvé grandi par leur rôle durant la guerre de Cent ans, où le servage enfin a reçu un coup fatal et tend de plus en plus à se transformer en fermage et métayage.
La « nouvelle donne » économique et politique
L’élément décisif de cette évolution est la généralisation de l’échange marchand, qui ne se réduit pas au recul de l’économie de troc. Cela signifie surtout que dorénavant tout se monnaye : l’achat des denrées de consommation courante, bien sûr, mais aussi maintenant la liberté personnelle, la fidélité le service armé et la terre.
Si le roi veut s’assurer le soutien des grands, l’alliance de ses voisins et le service d’administrateurs compétents, il devra leur verser des subsides, des aides ou des pensions; l’hommage vassalique et le désintéressement chevaleresque sont passés de mode comme l’esprit de croisade. De même, la force du souverain ne réside plus dans son droit de convoquer ses vassaux pour faire la guerre, mais dépend des rentrées financières nécessaires pour payer la solde de ses troupes, et l’armement couteaux dont les techniques ont évolué pendant la guerre.
Cette remise en cause des rapports féodo-vassaliques fut le produit de la complexité des alliances et des conflits qui se produisirent au siècle précédent. Ils bouleversèrent l’ancien ordre politique et, conduisant à la victoire finale du roi de France, ils firent de celui-ci le roi de tous ceux qui vivaient dans les territoires conquis aux Anglais et à leurs alliés, et non plus le simple suzerain lointain de leur seigneur local. La guerre avait bousculé les anciennes divisions territoriales. La précarité du duché autonome de Bourgogne est la preuve de l’impossibilité qu’il subsiste maintenant un État dans l’État.
Parallèlement, l’ancien système de mise en valeur des terres s’est trouvé ébranlé par la dépopulation due aux épidémies et aux guerres, et par l’augmentation des besoins d’argent des propriétaires du sol pour acquérir les biens non alimentaires de plus en plus chers.
La baisse de la population a en effet provoqué une insuffisance de la main-d’œuvre agricole et un recul des surfaces cultivées; il faut donc recouvrir de plus en plus à un travail salarié sur la « réserve » seigneuriale ou louer la terre plutôt que de la laisser en friche; mais l’abondance des terres entraîne une baisse du loyer du sol, qui profite donc aux nouveaux fermiers. De même, ceux qui étaient astreints aux anciennes redevances serviles voient leur sort s’améliorer et les prélèvements se monétiser.
Cette relative prospérité paysanne dure le temps de la reprise de la production et des gains de productivité, permise par le dynamisme des nouveaux producteurs et la mise au repos de certaines terres fertiles. Mais quand, à la fin du XVe siècle, la population a de nouveau augmenté et que la productivité stagne, quand la pleine occupation des sols et l’accroissement de la demande de terre par la bourgeoisie urbaine entraînent une hausse de son loyer, le rapport de force redevient défavorable à la petite paysannerie.
De plus, la perte du pouvoir économique et politique de la seigneurie foncière ne se fait pas sans coût : elle est remplacée par la montée de l’administration monarchique qui demande à tous ceux qui n’appartiennent ni à la noblesse ni au clergé de payer l’impôt. Cette fiscalité royale, très exigeante en temps de guerre, vient s’ajouter à la rente versée au propriétaire du sol et sera à l’origine de bien des soulèvements et « doléances » à venir.
Ces phénomènes ne surviennent pas, bien sûr, au lendemain de la victoire de Castillon. La croissance économique des Xe – XIIIe siècles s’était naturellement accompagnée d’un développement de l’échange marchand indissociable de l’essor féodal. Chacun était devenu un peu marchand en ces temps d’accroissement et de diversification de la production : c’est e cas de l’artisan installé en ville, mais aussi du grand seigneur comme du modeste paysan qui ont besoin de vendre le surplus non indispensable à la vie de tous les jours, sur le petit marché du village, à la foire régionale ou à la ville voisine. Les professionnels du grand commerce lointain jouent de plus le rôle d’agents de liaison permanents entre régions, de facteurs d’intégration économique de producteurs complémentaires; ils favorisent la connaissance des nouveaux produits et la propagation de la mode.
Trois pas en avant, deux en arrière
Si l’on met l’histoire en perspective, on remarque que l’humanité évolue en effectuant trois pas en avant, puis deux pas en arrière. Elle progresse, arrive soudain à un point de climax, s’arrête et fait demi-tour pour redémarrer plus tard.
Ainsi, la civilisation romaine améliore et précise la civilisation grecque, reprenant ses principes politiques (démocratie, république), scientifiques (astronomie, géométrie, médecine, architecture), et s’inspirant même de sa religion et de sa langue.
La civilisation romaine arrive à un sommet d’expansion géographique, mais également à une grande complexité au niveau des technologies, de l’architecture, de la littérature, du droit, de la médecine.
Elle domine le bassin méditerranéen et s’étend de l’Écosse, au nord, au Sahara, au sud, de la Bretagne aux pays slaves. Elle évolue, s’amplifie, se complexifie, puis touche à son point de climax vers l’an 500.
Dès lors, elle est stoppée. Sur toutes les frontières, les invasions barbares menacent.
Au nord, l’Empire romain est rongé par les Saxons, les Pictes (des Écossais dont le visage est peint de pictogrammes), les Vikings, Huns : au sud, les Sarrasins, Maures, etc.
L’Europe replonge dans l’insécurité, les bandes de pillards font régner la loi, la famine et les épidémies se répandent. Le fanatisme et la violence remplacent l’ordre de l’empire. Il faudra attendre l’an 1500, pour que le film de l’évolution des mentalités reprenne où il s’était arrêté. Conscient de cette reconnexion au passé, les artistes qui sont les premiers à se relancer utilisent le mot de Renaissance. C’est en effet l’époque où les créateurs les plus innovants peignent avec prédilection des scènes de l’histoire romaine ou grecque. Le théâtre fait référence aux mythologies. Les architectes redécouvrent des techniques oubliées, de même les médecins, les navigateurs, les herboristes, les astronomes.
Cependant, mille ans ont été perdus. Que se serait-il passé s’il n’y avait pas eu les invasions barbares, et si on avait poursuivi directement à partir du point d’évolution de l’an 500 sans passer par cette période de mille ans d’obscurantisme? Vue avec du recul, l’histoire de l’humanité évolue ainsi, trois pas en avant, stop, puis deux pas en arrière.
Après les deux pas en arrière, elle refait trois pas en avant,, et au final l’espèce progresse.
Les deux pas en arrière semblent cependant nécessaires pour attendre que les éléments les plus retardataires de la société humaine rejoignent le groupe dont l’avant-garde progresse trop vite par rapport au reste du troupeau.
Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Tom VII. Bernard Werber, Troisième Humanité. Éditions Albin Michel et Bernard Werber, Paris, 2012.
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