Société féodale et commerce international
Le grand commerce internationale
Société féodale et commerce international : La prise par l’échange marchand apparaît encore plus clairement si l’on observe les liens qui se nouent entre le grand commerce international ou interrégional et le commerce local.
Au nord
Il est vrai que les régions les plus engagés dans ce grand commerce se situent hors des territoires d’obédience française ou à leur périphérie; c’est surtout le cas de la Flandre et des pays germaniques, dont les marchands se regroupent en associations (guildes en hanses). A l’origine, elles ne constituent que des sortes de confréries, à but charitable ou religieux, puis regroupent des marchands exerçant une même profession (tel les transporteurs fluviaux d’une ville) ou fréquentant les mêmes marchés, afin de mieux supporter le risque commercial.
Elles se font accorder par les seigneurs ou les rois des privilèges en matière de monopole commercial, de fixation des prix, de contrôle des poids et mesures, de juridiction propre, le tout codifié dans un statut reconnu officiellement. Elles participent à l’émancipation communale, en développant l’esprit de solidarité et de résistance aux seigneurs, d’autant plus que le phénomène prend la forme d’association de cités marchandes.
Vers le sud
Au sud de l’Europe, ce sont bien sûr les grands ports italiens, Gênes et Venise surtout, qui constituent les maillons principaux du commerce avec l’est de la Méditerranée. Gênes importe des rives de la mer Noire du blé, du bois, du sel, des fourrures, des poissons salés (mais aussi le bacille de la peste en 1347). Venise est plus tournée vers le Sud-Est, dont elle rapporte les épices (poivre, gingembre, cannelle, muscade) et le coton égyptien. Avec la poussée turque de la fin du XIVe siècle, Gênes se replie vers les îles de la méditerranée orientale. Chio en particulier, sorte d’avant port de l’Orient; on y trouve du blé, du bois, des colorants, des fruits, du coton, concurrençant le coton égyptien ou syrien importé par Venise.
Il n’est pas utile d’insister sur la grande richesse de ces villes italiennes, qui avec Florence et Sienne, Rome et Naples, Pise ou Milan n’ont rien à envier aux grandes cités allemandes ou flamandes. Elles ont même joué un rôle particulièrement actif (et Venise en particulier) dans le maintien de relations commerciales avec l’Orient, et d’une activité marchande tout simplement, durant les siècles de régression économique où l’Europe du Nord était ravagée par les guerres. Les Lombards (souvent d’ailleurs toscans, siennois ou florentins) sont encore en France au XIIIe et au XIVe siècles, les financiers – marchands les mieux organisés et les plus recherchés.
Mais à l’inverse des villes allemandes, qui cherchent la force dans l’union (ce qui n’est pas toujours le cas des cités flamandes), les métropoles italiennes sont rivales ou ennemies; elles forgent une autonomie favorisée par la faiblesse du pouvoir seigneurial qui permet à chacune de mener sa propre politique, n’ayant pas à chercher des alliances pour conquérir des droits qu’elle possède déjà de fait.
Les foires – la société féodale et commerce
Si les villes et marchands français n’ont pas l’activité ni le rayonnement de ces grandes villes tournées vers les contrées lointaines et s’ils ne s’intègrent pas pleinement à ce commerce international, la France ne reste pas pour autant à l’écart de ces grands courants d’échange. C’est ainsi que les grandes foires périodiques (Troyes, Lagny, Provins, Bar-sur-Aube, Châlons-sur-Saône) attestent la vitalité économique et commerciale des provinces françaises.
D’autre part, des marchandises françaises, telles que les blés, le vin, les draps, le pastel ou les produits de l’artisanat, sont exportées à partir de Calais, Rouen, Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Bayonne ou Montpellier, ou vendues à l’occasion des grandes foires.
Inversement, les produits d’Orient et les soieries arrivent par l’Italie et les quelques ports méditerranéens, ceux du Nord pénètrent par mer ou sont importés par l’intermédiaire des marchands de Bruges, Gand, Liège, Anvers, puis d’Amsterdam et Rotterdam, alors que les villes allemandes (Leipzig, Francfort, Nuremberg, Augsbourg, Ravensburg), liées ou non à la Hanse, constituent un réseau de centres commerciaux en relation avec les villes de l’Est de la France et de la Suisse.
Les merciers
Mais si les foires et les villes françaises accueillent les produits étrangers achetés sur place par les bourgeois et seigneurs, ces marchandises, au même titre que les produits français, circulent à travers le pays, par l’intermédiaire des marchands ambulants que sont les merciers; ils vendent des tissus, des toiles, du fil et des rubans, des ceintures, des chapeaux, des coffres… et vont de foires en foires et de châteaux en châteaux. Même ceux qui tiennent boutique en ville se déplacent aussi dans les campagnes et contribuent également à faire connaître les spécialités de telle région ou de tel pays.
Les drapiers
C’est en particulier le cas des drapiers, et des marchands de produits textiles en général, dont la production se diversifie : on apprécie les diverses qualités de draps, de toiles en lin et en chanvre, de cotonnades, de sous vêtements. L’industrie textile s’oriente vers la production de masse, tournée vers l’échange international, et s’oppose par-là même au trafic des siècles antérieurs, qui se composait essentiellement de produits onéreux et de peu de poids. La région de Bourges, de Rouen et les villes du Nord sont à la pointe de cet effort de spécialisation et bénéficient du développement de l’élevage du mouton.
Guildes et Hanses
Le terme « guilde » est d’origine néerlandaise et signifie à l’origine: troupe puis corporation; il s’agit de sortes de confréries regroupant ensuite des marchands exerçant un commerce ou un métier commun. « Hanse » vient de l’allemand et a presque le même sens : troupe puis association ; le terme désigne dès le XIIe siècle les regroupements de marchands face aux risques du commerce, puis les ligues des cités marchands.
La Hanse de Londres
Au XIIe siècle, Bruges réalise l’Union des guildes urbaines flamandes, avec la « Hanse de Londres ». Le statut de cette hanse réserve à une aristocratie de marchands le monopole de l’importation de la laine anglaise sur le continent.
La Hanse des 17 villes – campagnes
Au début du XIIIe siècle, les marchands drapiers des Pays-Bas et du Nord de la France forment la « Hanse des 17 villes » : elle organise le commerce avec l’île de France et la Champagne, dont les foires attirent les Italiens.
Mais les rivalités franco-anglaises vont remettre en cause l’activité de ces deux hanses au début du XIVe siècle.
La Hanse Teutonique
La plus célèbre et la plus prospère des organisations marchandes allait être la « Hanse teutonique », qui se crée au milieu du XIIIe siècle, à la suite de la fondation par des marchands de Germanie de villes nouvelles au bord de la Baltique. En 1241, Lubeck et Hambourg s’associent. Au XIVe siècle, 77 villes sont liguées contre le roi du Danemark Valdemar IV et le combattent victorieusement (1370).
Cette hanse se fait reconnaître le monopole du commerce dans la Baltique, et obtient des exemptions de droits de douane; ses colonies de marchands sont installées dans toutes les villes importantes du Nord et son représentées dans les conseils. Elle possède des comptoirs à Londres et à Bruges, et son centre, situé à Lubeck édicte les règlements et négocie les traités et alliances. Les villes hanséatiques transportent des drops et des vins, du sel, des poissons, des grains, du bois, des métaux, des fourrures, des épices et des soieries. Les parts sont approvisionnés en produits de l’Europe Centrale par la Vistule, l’Elbe et l’Oder, alors que Riga et Novgorod constituent le lien avec la Russie. La richesse de la Hanse décline à la fin du XVe siècle, en raison de la menace danoise, de la prise de Novgorod par les Russes, et de l’ouverture de nouvelles voies commerciales à l’Ouest.
Fluctuat nec mergitur – Société féodale et commerce
Dès la fin du XIe siècle, la guilde parisienne des « marchands de l’eau » obtient le monopole du commerce sur la Seine. Elle contrôle ainsi une bonne partie de l’approvisionnement de Paris, et s’affirme au XIIe siècle comme une véritable puissance économique et politique. Elle laissera à Paris son emblème et sa devise.
Le commerce du sel
Seul élément permettant la conservation des aliments et donc produit de très grande consommation, sa production et sa commercialisation représentent un tel enjeu que l’État s’en réserve le monopole. Il perçoit un impôt spécifique sur cette denrée, la gabelle dont le montant dépend de l’importance de la production locale : on distingue ainsi les provinces de « petite » et de « grande gabelle ».
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