Le Second Empire en France (1852-1870)
Un « despotisme éclairé »
Commencé sous le signe de l’autoritarisme, le Second Empire évolue vers le libéralisme et représente une période d’essor économique et de mutation sociale
L’Empire autoritaire
Les premières années du Second Empire sont celles d’un pouvoir autoritaire n’ayant à faire face à aucune opposition organisée : les campagnes sont contrôlées par l’Église, l’administration et les grands propriétaires fonciers; les milieux ouvriers urbains subissent le contre-coup des événements de 1848 et 1852; les royalistes sont divisés entre ceux qui voient en Napoléon III le garant de l’ordre et ceux qui, favorables à une restauration monarchique, se contentent d’une contestation de salon; les républicains sont exilés (tel Victor Hugo) ou contraints au silence par la censure.
L’opposition se manifeste essentiellement par l’abstention aux diverses élections, car très peu de républicains sont élus (six sur 261 députés en 1852, et cinq en 1857). En revanche, Napoléon III échappe à un attentat, le 14 janvier 1858, une bombe lancée par Orsini, révolutionnaire italien, fait environ 150 victimes. Cela provoque un nouveau durcissement du régime, la Chambre votant une loi de sûreté générale qui permet de condamner ou d’exiler sans jugement les opposants notoires.
L’Empire « libéral »
Mais dès 1859, le pouvoir va accepter une certaine libéralisation pour désamorcer le mécontentement : la compétence du Corps législatif est accrue, les débats y sont autorisés et une amnistie permet aux républicains en exil de rentrer en France. Cela va faciliter un renouveau de l’activité politique et de la critique, venant aussi bien des milieux républicains que royalistes. Ainsi, en 1863, l’opposition triple le nombre de ses électeurs et obtient 32 députés, surtout élus à Paris et dans les grandes villes; de plus, les « candidats officiels » soutenus par le pouvoir et les autorités locales, deviennent elles-mêmes plus modérés et favorables à un accroissement du pouvoir de la Chambre.
Les proches de l’Empereur se partagent alors entre les partisans du maintien d’un régime autoritaire (Rouher) et ceux qui acceptent l’évolution vers le parlementarisme (Morny) et le rapprochement avec des républicains prêts à soutenir un Empire libéral (Emile Ollivier); le régime a en effet à faire face aux attaques des libéraux intransigeants à l’éloquence dangereuse (Thiers), et au mécontentement populaire provoqué par le ralentissement de la croissance économique. Aussi le droit de grève est-il accordé en 1864 et une délégation française peut se joindre à la Ire Internationale ouvrière qui se réunit à Londres en septembre 1864.
La disparition de Morny, en 1865, freine l’évolution vers un surcroît de libéralisme politique, en laissant le champ libre à Rouher. Pourtant, en raison de difficultés extérieures et économiques, l’Empereur accepte de restaurer les libertés politiques : 1868, la liberté de la presse est partiellement rétablie et les réunions publiques permises (mais en présence d’un officier de police), alors que les chambres syndicales ouvrières sont autorisées et le livret ouvrier supprimé (mais la section française de l’Internationale qui soutient les grèves est dissoute).
Morny, l’ami fidèle
Demi-frère de Napoléon III, le duc de Morny (1811-1865) est officier en Algérie, puis industriel avant de préparer le coup d’État de 1851. Il est ensuite ministre de l’Intérieur, puis président du Corps législatif. Libéral et mondain, il pousse le développement bancaire et fait construire Deauville.
La politique économique et sociale
Napoléon III fait preuve de libéralisme dans ces domaines : traité de commerce avec la Grande-Bretagne, favorisant le libre échange entre les deux pays (1860); facilité accrue de créer des sociétés anonymes : droit de coalition accordé aux ouvriers (1864), tolérant de fait la création des syndicats et la grève; modernisation de l’enseignement par Victor Duruy (ministre en 1863), qui préconise l’enseignement primaire obligatoire et gratuit, et souhaite développer l’enseignement secondaire d’État pour les filles. D’une façon plus générale, le Second Empire est une période d’essor pour l’industrie, les chemins de fer, le commerce, les banques et l’urbanisme.
La montée de l’opposition
Mais cela est insuffisant ou trop tardif pour attirer vers le régime les milieux républicains. Les journaux d’opposition se déchaînent, et les procès qui leur sont intentés forment des tribunes pour les orateurs qui attaquent l’Empire (Gambetta).
Dans ce contexte d’une liberté d’expression retrouvée, les élections de 1869 voient une montée remarquable de l’opposition qui obtient 90 députés, et les candidats officiels connaissent une véritable déroute dans les villes.
En septembre 1869, un senatus-consulte modifie la Constitution en rendant compatibles les fonctions de ministre et de député; il s’agit d’associer plus étroitement l’action du gouvernement à celle du Corps législatif. Mais cette réforme est trop tardive et trop limitée pour permettre l’établissement d’un vrai consensus national.
Pourtant, des républicains modérés sont prêts à se rallier; c’est ainsi que le 2 janvier 1870 l’Empereur appelle Emile Ollivier à la tête du gouvernement; il dispose de l’appui d’une majorité de députés hostiles aussi bien aux partisans de l’Empire autoritaire qu’aux républicains irréductibles.
Mais Napoléon III n’entend pas pour autant renoncer au pouvoir. En mai 1870, il organise un plébiscite ambigu qui sollicite à la fois l’approbation des réformes libérales et les prérogatives impériales. Malgré l’opposition des républicains, Napoléon III obtient un grand succès de prestige en obtenant 7,5 millions de oui, contre 1,5 million de non. Cependant, l’Empereur veut aller plus loin et s’engage dans une aventure militaire dont Emile Ollivier attend le renforcement de son propre pouvoir et qu’il accepte « d’un cœur léger ». Elle va pourtant provoquer l’effondrement du régime.
En effet, aussitôt après le désastre de Sedan (2 septembre 1870), une insurrection parisienne chasse les députés le 4 septembre; un gouvernement de défense nationale présidé par le général Trochu est constitué à l’Hôtel de Ville et la République est proclamée. Le régime n’a pas survécu à la défaite militaire.
Blanqui, l’insoumis
Théoricien du « coup de main insurrectionnel » Auguste Blanqui (1805-1881) est l’un des rares opposants irréductibles. Acteur de la Révolution de 1848, puis emprisonné jusqu’en 1859 et à nouveau en 1861, il s’évade en 1865, s’enfuit en Belgique d’où il continue à inspirer les socialistes français. De retour en 1870, il est encore arrêté peu avant la Commune. Il est gracié en 1879, pour être député de Bordeaux.
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