Le rôle de Colomb dans l’histoire

Le rôle de Christophe Colomb dans l’histoire

Christophe Colomb dans l’histoire : Les contradictions de la pensée de Christophe Colomb constituent pour l’historien un sujet fascinant. La facilité avec laquelle il traversa à plusieurs reprises un océan inconnu, pour aller droit au but, son sens de la navigation, en haute mer comme sur des côtes semées d’écueils, en font un des plus grands marins de tous les temps. Selon lui, un navigateur pouvait se rendre directement d’Europe en Asie et, à la démonstration de cette thèse, il apporta tant d’intrépidité qu’il peut être considéré comme l’un des plus grands théoriciens de son époque ; d’autres admettaient ses idées, nul n’osait tenter l’aventure. Cependant, cette volonté apparemment moderne de soumettre l’hypothèse à l’expérience s’accompagnait chez Colomb d’un entêtement se traduisant par son perpétuel – tout cet or! – que ne peuvent totalement justifier les naïves conceptions géographiques du monde transmises par le Moyen Âge.

Le jour où il décida que l’énorme volume d’eau déversé par l’Orénoque ne pouvait provenir que d’un continent, il effectuait un raisonnement de cause à effet digne de l’homme de la Renaissance qu’il était, mais l’affirmation qu’il avança par la suite, selon laquelle ce cours d’eau venait du Paradis Terrestre, n’avait vraiment rien d’empirique.

D’autres explications qu’il avança étaient également trop recherchées. Ses traversées successives de l’océan l’amenèrent à croire qu’il gravissait une pente en direction de l’ouest, qu’il la redescendait sur le chemin du retour. Des Açores aux Antilles, note-t-il, « les navires montent lentement vers le ciel ». De plus, les jours se faisant plus chauds à mesure qu’il gagnait vers l’ouest, l’accroissement de la température le confirmait dans l’idée que se navires s’élevaient doucement vers le soleil. Il s’ensuivait pour lui que la Terre n’était pas ronde, comme on le croyait généralement, mais piriforme, avec une épaisseur croissante à partir de la queue. Il plaçait le Paradis terrestre au sommet, dans les parages de la queue.

Si ces exemples, pris entre d’autres, révèlent chez Colomb une double personnalité de penseur et de mystique, c’est sans doute parce qu’il avait l’âme d’un poète et, par conséquent, qu’il avait foi en l’existence de merveilles défiant tout raisonnement logique. Il aimait les nouvelles théories avancées par les géographes italiens, rejetait les conceptions dépassées du Moyen Âge, qui centrait le centre du monde sur Jérusalem. Mais il croyait à l’existence, quelque part à la jonction de l’Occident et de l’Orient, de ce Paradis terrestre où l’homme, vierge de tout péché originel, connaissait la liberté et la beauté. Il voulait trouver la route de la Chine et du Paradis et, selon échelle des valeurs, son entreprise fut une réussite.

Christophe Colomb est à l’origine des événements appelés à engendrer l’Amérique des temps modernes. Dans son sellage et encouragés par ses découvertes, des Espagnols et des étrangers au service de l’Espagne s’engagèrent dans une succession de voyages d’exploration. Si les Espagnols ne l’avait fait, d’autres auraient certainement exploré le continent américain, plus tard, sans doute, mais sans apporter à leur entreprise la même vigueur. Les conséquences auraient été tout autres, tant pour l’Europe que pour le Nouveau Monde.

Seule l’Espagne pouvait engendrer les conquistadores, ces soldats de fortune aussi téméraires que sans merci. Sans les conquistadores, les royaumes incas et aztèques n’auraient pas connu une chute aussi rapide, aussi catastrophique, et l’Europe n’aurait pas été submergée par l’afflux de métaux précieux s’écoulant à travers l’Espagne, trop mal équipée pour utiliser ses riches à des fins constructives. Ce flot de lingots pratiquement continu provoqua en Europe une révolution économique, plus déterminante pour le sort des nations que les décisions de leurs rois ou autres gouvernants de moindre importance. Si les Espagnols n’avaient pas dominé la mer des Caraïbes, les marins britanniques, comme Sir Francis Drake, n’auraient pas cherché à intercepter ses galions, chargés de précieuses cargaisons, et plus tard à s’intéresser d’une façon croissante aux régions de l’Amérique échappant encore à l’influence des nations catholiques. La possession de ces nouvelles terres apporta à l’Espagne un tel accroissement de puissance en Europe que l’Angleterre fut entraînée à réagir au Nouveau Monde. Si l’Espagne n’avait pas été aussi menaçante, il n’y aurait peut-être pas eu de colonisation anglaise en Virginie, ni d’installation des Pèlerins, ni de dépendances de langue anglaise en Amérique du Nord; il n’y aurait peut-être pas eu d’États-Unis.

Il s’agit là de pures spéculations mais il est certain que si Colomb n’avait pas existé, si le continent américain avait été découvert par un autre homme, son histoire eût été totalement différente. De par leurs conséquences, même accidentelles, même indirectes, les voyages ont fait de Christophe Colomb un des hommes les plus marquants de l’histoire du monde. Il a peut-être même été l’homme le plus important que la Terre ait connu, exception faite des grands fondateurs de religions.

Christophe Colomb dans l’histoire
La civilisation s’établit sur les îles des Caraïbes. Photo : Megan Jorgensen.

Les derniers jours de Colomb

Une troisième et une quatrième traversées de l’océan permirent à Christophe Colomb de poursuivre sa moisson de découvertes. En mai 1498, il quitta à nouveau l’Espagne, descendant bien plus bas en latitude avant de mettre le cap à l’ouest. Il voulait découvrir s’il y avait un fondement à l’assertion du roi du Portugal, selon laquelle il existait en Atlantique des terres au sud et à l’est des îles découvertes par les Espagnols. Dans l’affirmative, il était important pour les explorateurs espagnols d’être les premiers à les atteindre et à publier une estimation de leurs positions respectives. À l’époque, personne ne pouvait calculer une longitude avec précision et, une fois ces terres incluses dans la zone de prépondérance espagnole, il serait difficile par la suite à une autre puissance de faire valoir des droits de souveraineté.

Au terme de sa troisième, Colomb fit terre sur Trinidad, une nouvelle île qui allongeait la liste de ses découvertes. Quelques jours plus tard, ses hommes prenaient pied sur une plage de l’embouchure de l’Orénoque. Colomb s’affirma qu’il s’agissait d’une nouvelle île, mais une reconnaissance du golfe de Paria l’amena à changer d’avis ; le courant du fleuve faisait dériver ses navires et une île n’aurait su servir de bassin à un tel cours d’eau. « Je crois », écrit-il, « qu’il s’agit là d’un très grand continent, inconnu jusqu’à ce jour ».

Puis, renonçant à son approche logique du problème, il décida que le continent qu’il venait d’atteindre n’était pas entièrement nouveau et qu’il s’agissait plutôt du seuil du Paradis Terrestre, ce domaine béni, qui avait fait l’objet de si vives controverses entre les géographes médiévaux. Il aspirait ardemment à pénétrer dans ce royaume enchanteur mais ses matelots grommelaient et les provisions, destinées à la garnison d’Hispaniola, commençaient à se gâter. Il remonta donc vers le nord, abandonnant la reconnaissance de l’Amérique du Sud à d’autres marins.

Il ne lui restait plus à accomplir qu’un dernier voyage : le quatrième. Il avait découvert les Indes occidentales, la côte de l’Amérique du Sud que l’on a appelée la « Terre-Ferme ». Au cours de l’été 1502, il reconnut la côte de l’Amérique centrale, en faisant escale au Honduras qu’il continuait à confondre avec la péninsule malaise. Entre-temps, Vasco de Gama, contournant le Cap, atteignait les Indes ; le Portugal prenait un net avantage dans la course aux îles des épices et de l’or, tant vantées par Marco Polo. Il était donc urgent pour Colomb de pousser plus au sud et de découvrir un passage vers ces îles fabuleuses. En dépit de vents contraires, l’Amiral longea le Nicaragua et le Costa-Rica. Dans l’actuel état du Panama, il créa la base de Belén, appelée d’ailleurs à disparaître rapidement. La côte s’orientant au sud-est, il mit un terme à sa reconnaissance ; la « péninsule malaise » était plus étendue qu’il ne le croyait. Le rôle d’explorateur de Colomb s’achevait.

De retour en Espagne en 1504, épuisé physiquement, il devait mourir deux ans plus tard, à l’âge de 55 ans. Sa piètre administration d’Hispaniola et les attaques de ses rivaux l’avaient fait tomber en disgrâce. Certes, cet homme commit des erreurs en tant qu’administrateur mais son sens de la mer, ses qualités de chef et de précurseur à la fois prudent et mystique, prophétique et pratique, firent de lui un des grands pionniers de l’histoire.

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