Le renouveau littéraire : Parallèlement à la Renaissance artistique, on assiste en France à un renouveau littéraire, également influencé par l’Italie et l’Antiquité gréco-romaine
Les noms les plus célèbres de l’essor des lettres françaises associés à la Renaissance sont chronologiquement ceux de Guillaume Budé, Clément Marot, François Rablais, Joachim du Bellay, Pierre de Ronsard, Michel de Montaigne et Etienne de La Boétie.
Guillaume Budé (1467 – 1540). Il est le plus ancien des humanistes français de la Renaissance. Il naît à Paris, suit des cours de Droit, et étudie le grec. Il devient en 1522 Maître des requêtes, tient la librairie royale de Fontainebleau, puis est prévôt des marchands, et pousse François Ier à créer les lecteurs royaux (1529), ancêtre du Collège de France. Il publie des écrits sur e Droit, sur les Monnaies, sur la langue grecque, et après sa mort paraît l’Institution du prince (1547), faisant l’apologie du savoir et des progrès de la connaissance.
Clément Marot (1496 – 1544). Il naquit à Cahors, ville où son père était marchand, avant de devenir poète à la cour d’Anne de Bretagne, puis valet de chambre de François Ier. À la mort de son père, il lui succède dans cette fonction auprès du roi (vers 1526), après avoir assisté à l’entrevue du Camp du Drap d’Or, et avoir participé aux campagnes italiennes. Mais en 1530, il est suspecté d’hérésie, séjourne dans la prison du Châtelet, puis mêlé à l’Affaire des Placards, en 1534, il doit s’enfuir, d’abord dans le Sud-Ouest, puis en Italie. Pardonné par le roi, il rentre en France; mais ses écrits l’obligent à un nouvel exil en Suisse, puis à Turin, où il meurt en 1544. Ses œuvres poétiques sont d’abord inspirées par les écrits courtois, comme Le roman de la Rose, par ceux de François Villon et par ceux des humanistes puisant aux sources antiques. Mais son style personnel s’épanouit dans ses Épigrammes, ses Épîtres ses Élégies et aussi dans ses Psaumes où il sait allier l’esprit satirique, la sensibilité, l’émotion religieuse et le renouveau du style.
François Rabelais (1494 – 1553). Il fait d’abord un séjour au couvent, puis abandonne la robe en 1527 et suit des études de médecine à Montpellier, en 1530. Il se lance ensuite dans le genre littéraire, sous la protection de Guillaume du Bellay (dont il est le médecin) et de son frère, Jean du Bellay, évêque de Paris. Après avoir publié Pantagruel (1532), puis Gargantua (1534), il voyage en Italie avec Jean du Bellay, exerce la médecine, de 1536 à 1546. Une suite à Pantagruel lui vaut une condamnation de la Sorbonne, bien qu’il ait été nommé maître des requêtes du roi en Poitou. Il publie encore le Quatrième Livre de Pantagruel (à partir de 1548). Après sa mort paraîtront plusieurs parties d’une Cinquième Livre de Pantagruel.
Rabelais fait figure d’iconoclaste et d’auteur grivois, et son manque de respect vis-à-vis des valeurs traditionnelles et de l’Église, le font suspecter d’hérésie. Admirateur d’Érasme, il est en réalité un défenseur des idées humanistes, et l’un des premiers grands auteurs comiques français qui utilisent l’humour et le grotesque pour décrire leur temps mais peuvent aussi atteindre l’universel, avec en particulier son invite à tirer de son œuvre « la substantifique moelle ».
Jean Dorat (1508 – 1588). Il a pour élèves de Baif, du Bellay et Ronsard qu’il retrouve au sein de la Pléiade. Il assure également l’éducation des enfants d’Henri II en 1555 et est nommé l’année suivante lecteur de grec au Collège royal. Il joue un grand rôle dans la redécouverte des auteurs antiques et publie en 1586 un recueil de poésies latines intitulé Poematia.
Joachim du Bellay (1522 – 1560). C’est le cousin de Guillaume et de Jean du Bellay qui protégèrent Rabelais. Après une rencontre fortuite avec Ronsard, dans une hôtellerie, en 1547, il écrit sa Défense et illustration de la Langue française (1549). L’année suivante, il compose des sonnets amoureux (L’Olive), puis des vers lyriques. Malade, il écrit la Complainte du désespéré, et traduit une partie de l’Eneide (1552). Puis il va à Rome retrouver Jean du Bellay (de 1553 à 1555), et est très influencé par cette ville, dans les Antiquités de Rome, les Regrets, les Jeux rustiques, et les Poematia (1558).
Sans doute moins riche que l’œuvre de Ronsard, celle de Du Bellay reste importante comme illustration du courant humaniste, et de l’évolution vers un genre littéraire mettant l’accent sur l’émotion individuelle et l’exaltation des souffrances humaines. Il participe à la Pléiade de Ronsard.
Pierre de Ronsard (1524 – 1585). Il survécut un quart de siècle à du Bellay. Entré comme page à la cour de François Ier, en 1536, il peut s’initier à la culture antique, côtoyer les milieux littéraires, et se trouve vite attiré par la poésie qu’il cherche à faire revivre avec les sonorités de notre langue : après avoir inspiré à Joachim de Bellay sa Défense et illustration de la langue française, il écrit les Odes et les Amours, puis les Folastries, écrits au style rabelaisien (1553). Il revient à l’inspiration grecque avec les Mélanges et le Bocage (1554); en 1555 et 1556, il affirme son style personnel avec la Continuation des Amours et les Hymnes et fonde la nouvelle École de la Pléiade.
Protégé de Michel de L’Hospital, il devient en 1559 poète de la Cour et aumônier du roi, et ses écrits prennent une dimensions politique, avec les Discours où il prêche la paix civile, et son Institution pour l’adolescence du roi Charles IX, où il se mêle du problème de son éducation. Il est récompensé de son zèle au service du roi en recevant l’abbaye de Bellozane et le prieuré de Saint-Cosme en l’Isle, puis est chargé en 1565 par Catherine de Médicis et Charles IX d’imaginer un poème épique : c’est la Franciade, à la gloire des rois de France, considéré comme un échec en raison de son côté artificiel, et que Ronsard ne termine pas; il n’en publie que le début en 1572. La mort de Charles IX (1574) marque le début de son déclin; éloigné de la cour, sa dernière ouvre importante est Les Amours d’Hélène (1578). Il meurt à Saint-Cosme, en Touraine, en 1585.
La Pléiade : Ronsard fut l’initiateur d’une Brigade, devenue la Pléiade, réunissant à ses côtés du Bellay, Jean Dorât, Antoine de Baïf, Remy Belleau, Etienne Jodelle et Pontus de Tyard. Ce groupe de sept poètes exprimait ainsi son attachement aux valeurs antiques (référence aux sept filles d’Atlas et aux sept poètes de l’époque de Ptolémée Philadelphie).
Michel de Montaigne (1533 – 1592). C’est le dernier des grands auteurs de cette période. Né dans une vieille famille de marchands d’origine espagnole, qui avait racheté en 1477 la seigneurie de Montaigne, il apprend le droit et le latin, et devient conseiller au Parlement de Périgueux, puis de Bordeaux (1557). Attiré par la vie de cour, il gagne l’entourage de Charles IX, en 1562. En 1571, il publie les écrits de La Boétie, et après un voyage à Paris, se retire sur ses terres où il entreprend la rédaction des Essais, qu’il publie en 1580. Puis il effectue un voyage en Allemagne, en Autriche et en Italie (1580 – 1581) ; il rentre à Bordeaux, dont il est élu maire (1581 – 1585), et où il doit faire face aux luttes entre catholiques et protestants. Puis après un voyage tourmenté à Paris, où il est retenu prisonnier durant l’épisode de la Journée des Barricades, il prépare une troisième édition des Essais, qui paraîtra après sa mort, survenue en son château périgourdin, en 1592.
L’œuvre de Montaigne est avant tout celle d’un moraliste, déçu par la violence et l’intolérance de son époque. L’heure des poètes raffinés est bien terminée: le scepticisme de Montaigne, illustré par son célèbre Que sais-je?, exprime la fin d’un élan littéraire « optimiste » et de l’inspiration humaniste du début du siècle. Certes Montaigne étudie l’homme, et à foi en la raison, mais plus à la manière d’un psychologue lucide et désabusé qu’à celle d’un critique réformateur.
La morosité qui se dégage de l’œuvre de Montaigne n’est pas sans rappeler la fin de la vie de Ronsard, pâle reflet de sa jeunesse : la poésie devient anachronique dans un monde marqué par les crises sociales, et l’élan artistique déjà décalé par rapport à celui de l’essor économique, n’est vraiment plus à l’ordre du jour. L’inspiration poétique tend ainsi dans cette seconde partie de siècle, à s’éteindre au profit de la réflexion morale.
Montagne et La Boétie
Etienne de La Boétie (1530 – 1563) né à Sarlat, rencontre Montagne au Parlement de Bordeaux. Ce dernier éprouve pour lui une amitié profonde et fait connaître ses sonnets. Influencé par les anciens Grecs, La Boétie écrit un Discours sur la servitude, où il s’élève contre le pouvoir autoritaire et fait l’éloge de la liberté. Dans son Mémoire sur l’édit de janvier 1562, il prêche la paix religieuse.
Deux précurseurs
Charles d’Orléans (1391 – 1465). Fils du duc Louis, assassiné par Jean sans Peur en 1407, prisonnier à Azincourt en 1415, il est retenu en Angleterre jusqu’en 1440. Il écrit en prison de nombreuses ballades et rondeaux qui expriment d’abord son insouciance, puis sa mélancolie et sa déception. De retour en France il encourage la poésie et la vie littéraire à Blais, et contribue à faire de cette région le berceau de la future Renaissance.
François Villon (1431 – 1480). Il annonce les poètes à venir, bien qu’incarnant encore par sa vie itinérante les anciens troubadours des temps féodaux. D’origine très modeste, sa vie est particulièrement mouvementée après s’être acoquiné à plusieurs bandes de malandrins, il commet une série de vols et parcourt la campagne. Il est arrêté en 1461, à Meung sur Loir, puis condamné à être pendu. En 1463, la peine est commuée en bannissement, et l’on ne sait ce qu’il devient.
On lui doit un certain nombre de lais et de ballades, dont le Petit Testament, la Ballade des pendus, la Requête au Parlement, inspirés pour l’essentiel, par ses captivités et ses demandes de grâce. Bien que socialement « marginal », il annonce l’évolution poétique « personnaliste » des années à venir, mais qui sera, elle, l’œuvre d’auteurs de naissance plus favorisée.
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