Québec en 1640
Le gouverneur Charles Huault de Montmagny veillait à tout, prenait soin de tout, facilitait tout autant qu’il pouvait. Il était toujours là quand on avait besoin de lui. Après l’anarchie causée par l’intrusion des Anglais, il fut vraiment l’organisateur de la Nouvelle-France. Il contribua pour tous les moyens au renforcement de sa province; chaque été, la flotte qui arrivait de France, amenait un contingent nouveau d’immigrants. Montmagny accueillait chacun en particulier et envoyait opportunément là où il fallait. Tout au long de leur Relations les Jésuites ne tarissent pas d’éloges à son sujet. Il fut vraiment le gouverneur, au point que son nom devint le titre même de ses successeurs! En effet, les Indiens qui prononçaient difficilement les noms européens, donnaient aux Blancs un autre nom en leur propre langue en s’efforçant, quand s’était possible, de traduire le nom européen. Mont-Magny, Mons-Magnus, devint ainsi Ononthio, qui signifie en huron-iroquois, la Grande Montagne. A partir de Montmagny, tous les gouverneurs de la Nouvelle-France furent donc Ononthio. (Parallèlement, William Penn, gouverneur de la Pennsylvanie reçut le nom d’Onas, qui signifie Plume, et qui devin après lui le nom de ses successeurs).
Mais Montmagny eut aussi à faire face à une situation politique difficile, causée par l’agressivité des Iroquois. Constamment sur le sentier de la guerre, ces terribles guerriers, par groupes de cent environ, attaquaient à l’improviste les villages algonquins, hurons ou montagnais, brûlaient les huttes, attachaient les hommes aux poteaux des tortures pour les faire périr dans d’atroces souffrances, réduisaient les femmes en esclavage, massacraient sans pitié les vieillards et les enfants. Ici ils assassinaient des voyageurs isolés, là, ils s’en prenaient à des colons européens et détruisaient récoltes et bétail. Il faut reconnaître d’ailleurs que les Hurons et les Algonquins n’étaient pas plus tendres, de sorte que toutes ces guerres étaient de perpétuelles vengeances et représailles.
À l’automne de 1640, on apprit que deux jeunes interprètes, François Marguerie et Thomas Godefroy, étaient tombés entre les mains des Agniers, les Iroquois de la vallée de la Mohawks. L’inquiétude fut vive aux Trois-Rivières comme à Québec. Mais le 5 juin 1641, ils reparurent inopinément devant les Trois-Rivières, suivis de trois cent cinquante Iroquois bien armés et porteurs de propositions de paix.
M. de Champflour qui commandait aux Trois-Rivières, fit aussitôt avertir le gouverneur Ononthio rallia sans délai le confluent du Saint-Maurice, mais, dûment averti par Marguerie et Godefroy, qui savaient à quoi s’en tenir sur la loyauté des Iroquois, il s’entoura fort heureusement de toutes les précautions voulues pour venir palabrer avec les chefs.
Bien lui en prit, car aidés de traîtres algonquins, il s’agissait surtout pour les Iroquois de massacrer les François du poste et leurs alliés sauvages. La fourbe ayant été démasquée, il s’ensuivit une bataille au cours cours de laquelle on eut au moins la satisfaction de délivrer les deux interprètes prisonniers.
Mais la guerre avec les Cinq-Cantons (Cinq-Nations comme on dit aujourd’hui) reprit de plus belle; les sentiers de la forêt devinrent plus dangereux que jamais, et la route même du fleuve recela plus d’une embuscade toujours meurtrière.
Les Français au Canada (du Golfe Saint-Laurent aux Montagnes-Rocheuses), par Cerbelaud Salagnac, Éditions France-Empire, 68, rue Jean-Jacques Rousseau – Paris (1er), 1963.
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