À quand la paix ?

À quand la paix ?

Au cours d’une guerre, il est parfaitement naturel que périodiquement les peuples engagés dans le conflit à la garde, s’interrogent anxieusement et se demandent : « À quand la paix ? » Désir tout à fait légitime d’hommes et de femmes fatigués de porter, directement ou indirectement, le lourd fardeau des combats et de subir sans cesse des privations et des restrictions de toutes sortes.

La guerre, déclenchée par l’attaque d’Hitler en Pologne en septembre 1939, dure depuis bientôt 33 mois. Durant cette longue période, tous les peuples belligérants ont consenti de nombreux sacrifices pour assurer la victoire. Et la victoire, si vivement attendue, tarde à venir.

Il faut d’abord comprendre que nous sommes engagés dans un conflit mondial qu’il est difficile de réduire à l’échelle commune. Ce ne sont plus quelques nations qui luttent pour obtenir le redressement d’un tort ou certains avantages matériels. Tout le monde civilisé joue présentement une rude partie dont dépendra pour longtemps sans doute le sort de l’humanité Deux conceptions de vie s’opposent brutalement, deux notions contradictoire et inassimilables d’organisation internationale, d’ordre économique et de justice sociale. Chaque camp sait parfaitement qu’il n’a rien à attendre de l’adversaire, qu’il doit au contraire le terrasser et rendre pour longtemps impuissant, s’il veut faire régner son idéal collectif et individuel.

Guerre civile internationale, a-t-on parfois écrit, et l’expression ne laisse pas d’être exacte. Nous assistons ou mieux nous participons nous-mêmes à la liquidation d’un monde, à l’écroulement d’un ancien régime avec lequel nous peut-être d’inconscientes complicités et qui nous ménageaient certaines satisfactions égoïstes, mais qui a fait son temps. On ne revient pas en arrière. L’évolution est la loi suprême de la vie. Et un ordre social qui se cristalliserait serait déjà mort et vide de sens.

Les ambitions effrénées de deux nations de proie comme l’Allemagne et le Japon ne représentent qu’un aspect d’un problème beaucoup plus vaste et qui les dépasse. Nous luttons pour assurer la suprématie d’un ensemble de convictions qui nous paraissent essentielles à la vie en société. S’il ne s’agissait que d’une vulgaire rivalité autour de quelques intérêts, d’une guerre impérialiste, comme le soutiennent encore certains gens à qui l’expérience des faits n’a rien appris et qui n’ont rien oublié de leurs vétustes rancœurs, il est certain que les Canadiens ne manifesteraient pas une pareille volonté de victoire à tout prix. S’il en est ainsi, c’est qu’ils savent qu’il y a d’autres valeurs, supérieures celles-là, engagées intimement dans ce conflit.

À quand la paix ? Le président Roosevelt a cru opportun ces jours derniers de rappeler à ses concitoyens le besoin de la patience. La guerre, a-t-il déclaré, sera sans doute beaucoup plus longue que que certaines l’espèrent. Douche salutaire sur des enthousiasmes que rien ne justifie. Si nous ne devons rien négliger pour hâter l’heure de la victoire, qui sera pour des millions d’êtres l’heure de la libération, il ne faut pas par contre s’illusionner et s’imaginer que nous obtiendrons ce présent de Dieu à l’exploration d’une période déterminée.

De son côté, M, Churchill s’est toujours gardé d’un enthousiasme exagéré et prématuré. Les peuples des Nations Unies lui savent gré de cette modération, car personne n’aime être dupé. Malgré des succès récents, en dépit d’avantages prochains, ne nous targuons pas de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. N’oublions pas surtout que l’Allemagne joue désespérément sa dernière carte et que ses gouvernants n’ignorent pas qu’il n’existe que deux branches à leur dilemme : on la domination de leur ordre nouveau rétrograde ou leur anéantissement définitif. Dans ces conditions, rien d’étonnant qu’ils soient résolus à tout et qu’ils ne reculent devant rien pour tenter la fortune.

À quand la paix? Nul ne le sait. Si à certains indices, il est légitime de penser que nous avons dépassé la première moitié de la guerre et qu’il se passera moins de 33 mois la conclusion de la paix, il serait dangereux – et fatal – de relâcher en quoi que ce soit notre effort. C’est en bandant nos muscles et en tendant nos énergies vers le but final que nous mériterons la victoire, – et la paix juste qui en sera le couronnement.

Pour qu’il en soit ainsi, il faut que, tous, nous le voulions, d’une volonté indéfectible.

Journal Le Canada, 27 mai 1942.

Pour en apprendre plus :

Chapelle Bonsecours
Chapelle Bonsecours. Photo : Histoire-du-Quebec.ca.

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