Les prix au Canada de l’après-guerre
4 novembre 1918.
C’est encore trop tôt pour discuter en détail les conditions qui nous attendent après la guerre, au point de vue de la subsistance, du commerce et l’industrie.
L’Allemagne, dans ses différentes notes, nous semble répéter en diplomatie l’odieux stratagème, prohibé par les conventions de la Haye, qui consiste à faire semblant de capituler pour attirer l’ennemi dans un piège, stratagème dont elle a si souvent usé sur les champs de bataille.
Cependant ses mouvements militaires comme ses conversations diplomatiques avouent la défaite de ses ambitions et nous font espérer une capitulation aussi complète que celle de la Turquie, seulement, cela peut prendre encore quelque temps car elle pourrait se défendre encore quelque mois sur la ligne du Rhin, chez elle.
Mais il n’est pas mauvais d’étudier l’un après l’autre, à un point de vue général, les problèmes que poser la paix.
Ainsi, tout le monde est intéressé à la cherté de la vie, et se demande si la paix va y mettre fin immédiatement. Évidemment, non. L’écart de ses cinq ans de guerre entre la production et la consommation ne peut être comblé avant probablement plusierus années.
Mais, pour certaines marchandes, pour certaines denrées, il est probable que la paix aura un effet partiel de dégrèvement immédiat ou à peu près.
Ceci s’applique aux produits naturels importés dont l’importation était virtuellement prohibée, d’un côté par la guerre sous-marine ; de l’autre côté par l’accaparement de tous les navires disponibles pour les transports de guerre.
La reddition de la Turquie et l’ouverture, des Dardanelles auraient pu mettre en mouvement d’énormes quantités de blé gardées en entrepôt à Odessa et aux autres ports de la Mer Noire. Mais les Allemands ont djà passé par là et on ignore ce qu’ils y ont laissé.
La cessation de la guerre sous-marine et l’achèvement du programme de construction marchande en Angleterre, et aux États-Unis, permettraient de transporter en Europe plusieurs centaines de millions de minots de blé qui sont emmagasinés dans l’Argentine, aux Indes et en Australie. Cette quantité mise sur le marché ferait certainement fléchir les prix, du moins en dehors de notre continent américain. Et le pain serait moins cher.
De l’Australie, de l’Argentine et du Sud-Africain, nous recevrions d’énormes quantités de laines brutes qui affecteront sans doute les prix des lainages.
Le sucre des îles Philippines pourra parvenir aux raffineries d’Europe et alléger la disette de cet article. Peut être aussi les viandes réfrigérées de l’Argentine, le beurre et le fromage de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie, que l’on pourra plus facilement transporter, auront quelque influence sur le coût de la vie.
Mais il ne faut pas compter sur un retour immédiat, ni même prochain aux anciens prix des denrées alimentaires. Il faudra un certain temps pour la réorganisation de la production et de la distribution et la baisse des frets que la démobilisation des armées américaines, canadiennes, australiennes, hindoues, etc. , retardera, par l’accaparement qui se continuera pendant des mois d’un grand nombre de navires marchands.
(Texte paru dans le Journal Le Canada, lundi, le 4 novembre 1918).
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