Politique d’assimilation des Canadiens français
Politique d’assimilation. En janvier 1838, le gouvernement britannique nomme John George Lambton, comte de Durham (1792-1840), gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique. (La Couronne avait nommé Lord Durham commissaire au Canada pour étudier la situation créée par le soulèvement de 1837).
Débarqué au Canada au début le 28 mai 1838, le nouveau gouverneur parcourt le Bas-Canada et le Haut-Canada afin de se faire une opinion sur l’état des relations entre les deux peuples et d’en tirer ses conclusions. Sympathique peut-être au début à la cause des Canadiens français, il prend comme conseiller le célèbre journaliste anglophone Adam Thom (1802-1854) de Montreal Herald, réputé pour être anti-francophone et « anti-papiste ». Celui-ci lui « ouvre les yeux » sur ce peuple « papiste, ignorant et médiocre dont la destinée doit être d’être assimilé ».
En novembre 1838, Lord Durham rentre à Londres et il présente son rapport en 1839. C’est sur ce rapport que se fonderait l’Acte d’Union (Loi d’Union) de 1840.
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Au cours de son enquête « face à deux peuples en guerre au sein d’une même colonie », lord Durham cherche une solution politique définitive qui éviterait à tout jamais de nouvelles insurrections par le moyen d’une assimilation forcée.
Pour lord Durham, les «Canadiens français ne sont que le résidu d’une colonisation ancienne» sur lesquels on ne pouvait faire confiance. Les «loyaux sujets de Sa Majesté», sont les Britanniques (incluant les Écossais et les Irlandais).
Il suffit donc de mettre les francophones dans un état de subordination politique et démographique afin de les angliciser et d’assurer une majorité anglaise, tout à fait loyale à Sa Majesté britannique.
La solution proposée par le gouverneur reprend le projet de l’Angleterre proposé en 1822. Il s’agit d’une union du Bas-Canada (Québec) et du Haut-Canada (Ontario). Dans ce nouveau contexte l’anglais deviendrait la seule langue officielle. Ainsi le but avoué de Lord Durham était celui d’assimiler les Canadiens dans le grand tout anglo-saxon.
Voici le rapport Durham en grandes lignes :
« Je n’entretiens aucun doute au sujet du caractère national que doit être donné au Bas-Canada. En effet, ce doit être celui de l’Empire Britannique. Celui de la majorité de la population de l’Amérique britannique. Celui de la grande race qui doit, à une époque prochaine, devenir prédominante sur tout le continent de l’Amérique du Nord.
Sans opérer le changement ni trop rapidement ni trop rudement pour ne pas froisser les sentiments et ne pas sacrifier le bien-être de la génération actuelle, l’intention première et ferme du gouvernement britannique doit à l’avenir consister à établir dans la province une population anglaise avec les lois et la langue anglaises. À ne confier le gouvernement de cette province qu’à une Assemblée décidément anglaise ».
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Durham constate que, dans toutes les colonies, l’Assemblée élue ne veut plus se laisser dominer par un Conseil oligarchique. Toutefois, il est convaincu que les problèmes de deux Canada sont plus d’origine ethnique que politique.
En résumant, selon lord Durham, il existait deux causes qui ont mené à la crise qui fait rage dans le Bas-Canada :
Le conflit politique entre une Chambre d’assemblée élue et un Conseil exécutif non responsable entraînant un conflit politique.
La coexistence de Canadiens et d’Anglais entraînant un «conflit de race». (Terme de l’époque signifiant un conflit ethnique).
Lord Durham propose donc trois solutions :
- L’union du Haut-Canada (Ontario) et du Bas-Canada (Québec) en un seul État ;
- L’assimilation des Canadiens français ;
- Un gouvernement responsable.
Pour Durham, il faut peupler le Bas-Canada de «loyaux sujets de Sa Majesté» et d’unir les deux Canadas au sein d’une fédération des colonies britanniques de l’Amérique du Nord. Ainsi, on mettrait les Canadiens de langue française en état de minoritaires et assimilés.
Cette minorisation des Canadiens français doit constituer l’objectif prioritaire des autorités.
À cette fin, lord Durham incite Londres à favoriser l’immigration massive des sujets loyaux :
Sans opérer le changement ni trop vite ni trop rudement pour ne pas froisser les esprits et ne pas sacrifier le bien-être de la génération actuelle, la fin première et ferme du Gouvernement britannique doit à l’avenir consister à établir dans la province une population de lois et de langue anglaises, et de n’en confier le gouvernement qu’à une Assemblée décidément anglaise…
La tranquillité ne peut revenir, je crois, qu’à la condition de soumettre la province au régime vigoureux d’une majorité anglaise; et le seul gouvernement efficace serait celui d’une Union législative…
Mais je répète qu’il faudrait entreprendre immédiatement de changer le caractère de la province. Poursuivre cette fin avec vigueur, mais non sans ménagement. Je réaffirme aussi que le premier objectif de tout plan qui sera adopté pour le gouvernement futur du Bas-Canada doit être d’en faire une province anglaise. Qu’à cet effet il doit venir à ce que l’influence dominante ne soit jamais de nouveau placée en d’autres mains que celles d’une population anglaise.
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En vérité, c’est une nécessité évidente à l’heure actuelle. Dans l’état d’esprit où se trouve la population canadienne-française, état que j’ai décrit comme étant non seulement maintenant, mais pouvant aussi vraisemblablement durer longtemps, lui confier l’entière autorité de cette province ne serait de fait que faciliter la rébellion. C’est la population anglaise qui doit gouverner maintenant le Bas-Canada. Tout comme il passer à l’avenir. Ainsi la politique que les exigences de l’heure nous imposent est conforme à celle que suggère une perspective du progrès éventuel et durable de la province…
On peut supposer qu’en recommandant l’union politique des deux colonies du Haut-Canada et du Bas-Canada, Lord Durham croyait rétablir la paix à condition de s’assurer une majorité anglaise et loyale, angliciser les Canadiens français et accorder enfin la responsabilité ministérielle.
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De santé fragile, lord Durham décède peu de temps après son retour à Londres en 1840.
Après une étude sérieuse du rapport, le gouvernement britannique tranche en faveur de la réunion des deux colonies dans la Province du Canada et promulgue en 1840 la Loi de l’Union (Union Act en anglais, traduite généralement par Acte d’Union). Cet acte constitutionnel qui comprend 62 articles, regroupe les deux colonies du Haut-Canada et du Bas-Canada en une seule assemblée : «Les dites provinces ne formeront et ne constitueront qu’une seule et même province, sous le nom de Province du Canada.» (article 1). Le Parlement britannique adoptera cette loi, le 23 juillet 1840. Il aura le titre suivant. An Act to re-unite the Provinces of Upper and Lower Canada, and for the government of Canada (3 & 4 Victoria, c. 35). Loi pour réunifier les provinces du Haut et du Bas-Canada, et pour le gouvernement du Canada. La nouvelle loi entre en vigueur le 10 février 1841.
Pour compléter la lecture :
Il y a une erreur flagrante dans votre première phrase :
« En janvier 1792, le gouvernement britannique nomme John George Lambton, comte de Durham (1792-1840) … »
1792 c’est son année de naissance !
Merci pour la correction. On a corrigé l’erreur.