Philosophes et moralistes

Philosophes et moralistes européens

Le renouveau de la philosophie chrétienne s’accompagne de l’éclosion d’un genre littéraire nouveau : la peinture de mœurs.

La nouvelle philosophie chrétienne

La diversité de la pensée chrétienne s’exprime à travers des philosophes et moralistes mathématiciens tels que Descartes et Pascal et plus avant dans le siècle avec Bossuet, Malebranche et Fénelon, prêtres tous les trois, mais développant des conceptions philosophiques bien différentes.

 René Descartes (1596 – 1650)

Philosophe et mathématicien, sa démarche relève à la fois de l’idéalisme métaphysique et du matérialisme expérimental. C’est ainsi que dans son célèbre « Discours de la méthode » (1637), il développe le « doute méthodique », lui permettant de fonder la connaissance sur le certitude de la réalité divine mais aussi sur celle du principe de réalité; « Je pense, donc je suis » constitue ainsi le point de départ de toute réflexion et affirme la puissance du raisonnement logique; il permet à l’homme de connaître les lois de la nature et de décrire le fonctionnement du monde et du corps humain. Descartes écrira de nombreux ouvrages philosophiques (Les Méditations, 1641; Les Passions de l’âme, 1649…), et traités de mathématiques et de physique (Les Dioptiques, Les Météores, La Géométrie, le Traité du Monde, ce dernier, développant des idées proches de celles de Galilée, n’étant pas oublié en raison de la condamnation de celui-ci (1633). En mathématiques, il développe l’écriture algébrique et fonde la géométrie analytique. Descartes influencera des courants philosophiques opposés, comme le mysticisme de Malebranche ou le rationalisme de Diderot.

La vie de Descartes : La vitalité de la pensée cartésienne est sans doute liée à son destin original; é dans une famille bourgeoise aisée; il entre au collège des Jésuites de la Flèche, où il séjourne de 1604 à 1612. Malgré cette éducation, il est tenté par le métier des armes, et parcourt l’Europe en servant dans diverses armées. Puis il passe près de vingt ans aux Pays-Bas (1629 – 1640), terre d’asile et d’ouverture d’esprit, avant d’être appelé à Stockholm par la Reine Christine de Suède; il y meurt l’année suivante.

Blaise Pascal (1623 – 1662)

Il se rapproche de Descartes par son mélange d’inquiétude religieuse et de génie mathématique. Mais Pascal reste fidèle au catholicisme traditionnel et évolue vers un mysticisme tourmenté.

Fils du Président de la Cour des Aides de Clermont-Ferrand, il rédige dès l’âge de seize ans un « Essai sur les coniques », puis à dix-neuf ans il met au point le principe de la machine à calculer, qui voit le jour en 1652. Il rencontre Descartes en 1647 et publie plusieurs récits des expériences sur le vide effectuées par Torricelli (1647-48). Après un début de vie mondaine, il se sent irrésistiblement attiré par le mysticisme et connaît une nuit d’extase (23 novembre 1654) dont il rend compte dans le « Mémorial ». Il fréquente alors assidûment l’abbaye janséniste de Port Royal des Champs et attaque la Sorbonne et les Jésuites.

Il poursuit toutefois des recherches en mathématiques, ébauchant le calcul intégral, met sur pied une compagnie parisienne de transports en commun, et laisse libre cours à la passion religieuse, avec ses « Écrits sur la grâce » et ses « Pensées ». Il meurt après une éprouvante agonie causée par l’aggravation de sa maladie nerveuse.

Jacques Bénigne Bossuet (1627 – 1704)

Il se fait remarquer par ses sermons. Nommé Évêque de Condom en 1669, précepteur du Dauphin en 1670, il entre à l’Académie Française en 1671 et devient évêque de Meaux en 1681.

Bossuet se rend célèbre par ses oraisons funèbres, comme celles d’Anne d’Autriche (1667) ou de Condé (1687), et surtout par ses dénonciations des ennemis de la foi catholique. D’abord admirateur de Descartes, il s’en éloigne par crainte que la logique soit employée contre la religion. Il attaque le quiétisme, doctrine mystique de son ami Fénelon, selon laquelle l’âme peut s’unir à Dieu dans la contemplation passive, dénonce le relâchement des mœurs et affirme la légitimité d’un pouvoir royal fort voulu par Dieu. Bossuet laisse l’image d’un fervent et éloquent traditionaliste, pourfendeur de l’originalité, de la nouveauté et de la liberté d’interprétation du dogme.

Nicolas Malebranche (1638 – 1715)

Contrairement à Bousset, il est ouvert aux interrogations scientifiques. Fils d’un secrétaire du roi il devient prêtre en 1664. Il connaît la célébrité en publiant à partir de 1674 plusieurs œuvres philosophiques inspirées de Descartes, dont sa « Recherche de la vérité ». Puis il polémique avec Bossuet et les jansénistes l’accusant de quiétisme, écrit de nombreux ouvrages sur la métaphysique, ainsi qu’un traité « De la communication des mouvements » (1692), attestant son intérêt pour les sciences.

Malebranche considère que toute connaissance dérive de l’appréhension de de l’ordre divin et que l’homme ne peut comprendre l’univers qu’en se rapprochant de Dieu.

François de La Mothe-Fénelon (1651 – 1715)

Contemporain lui aussi de la fin difficile du règne de Louis XIV, il s’oppose directement à Bossuet sur le terrain de la pensée métaphysique mais aussi pour dénoncer l’absolutisme royal. Né en Périgord, dans une vieille famille noble, prêtre en 1675, il devient en 1678 directeur des « Nouvelles Catholiques », s’occupant des jeunes protestantes converties. Précepteur du duc de Bourgogne (petit-fils de Louis XIV), il est nommé archevêque de Cambrai en 1695. Fénelon, déjà attiré par le mysticisme, soutient le quiétisme combattu par Bossuet, mais il écrit aussi les « Aventures de Télémaque », ouvrage considéré comme une critique de la politique de Louis XIV et de son entourage. Fénelon est alors démis et ses charges; mais in continue à écrire jusqu’à sa mort manifestant son hostilité au pouvoir absolu et son désir de réforme.

Les « Moralistes »

La peinture des mœurs se développe à travers des genres variés : Faibles de La Fontaine, portraits de La Bruyère, Satires de Boileau, Maximes de la Rochefoucauld, Comédies de Scarron. Respectueuse des institutions, elle représente toutefois le lieu d’expression de la caricature sociale du siècle de Louis XIV.

Jean de La Fontaine (1621 – 1695)

Né à Château-Thierry, il hérite en 1652 de la charge paternelle de maître des Eaux et Forêts. Entré au service de Fouquet en 1658, il le défend après son arrestation avec son « Élégie aux nymphes de Vaux » (1661). Bénéficiant de hautes protections, il écrit ensuite plusieurs séries de « Contes » et de « Fables » à partir de 1665, certaines destinées au Dauphin, et défend les « Anciens » contre les « Modernes ».

On peut situer son inspiration première chez Rabelais, Boccace, Machiavel ou Ésope, et dans les « romans » du Moyen-Âge, mais son œuvre développe un style personnel qui en fait un fabuliste unique en son genre, par la légèreté de son style, la richesse de son répertoire poétique et la pertinence de ses « morales ».

Les Anciens et les Modernes : Cette querelle littéraire oppose à la fin XVIIe siècle et début du XVIIIe siècle les auteurs s’appuyant sur l’inspiration antique et le strict respect des règles d’écriture (tels Racine, La Fontaine, La Bruyère u Boileau) à ceux qui défendent des genres nouveaux (dont Perrault et Fontenelle).

François de La Rochefoucauld (1613 – 1680)

Sa vie est une bonne illustration de l’évolution de la noblesse au XVIIe siècle. De haute naissance, et maître de camp du régiment d’Auvergne, il participe à la campagne d’Italie de 1630, pus intrigue contre Richelieu. Il séjourne à la Bastille, est exilé, puis commande l’armée des Frondeurs avant de rallier le parti du roi. Après 1660, il fréquente les salons parisiens, de Madame de Sablé et de Madame de La Fayette, et in connaît un vif succès avec ses « Réflexions ou Sentences et Maximes morales » (1664).

Jean de La Bruyère (1645 – 1696)

Il va s’illustrer dans la peinture de ses contemporains. Fils d’un officier des Finances, il achète une charge de Trésorier général, à Caen, en 1673, après avoir suivi des études de Droit. Entré au service des Condé, il peut observer tout à loisir le milieu de la Cour. Il publie ainsi à partir de 1688 plusieurs éditions des « Caractères ou les Mœurs de ce siècle », où il dresse des « portraits-types » caricaturant les attitudes des divers milieux de la société française. Il rend aussi parti pour les « Anciens », puis se range du côté de Bossuet contre le quiétisme.

Scarron (1610 – 1660)

Paralytique à 28 ans, il épouse la future marquise de Maintenon en 1652 pour éviter le couvent. Il écrit un « Recueil de vers burlesques », le « Virgile travesti », pièce burlesque, des comédies, « Le Roman comique », et des satires qui inspireront Boileau.

Nicolas Boileau (1636 – 1711)

Fils d’un commis au greffe du Parlement de Paris, il écrit d’abord des « Satires » qui sont publiées en 1666, et lui valent des ennemis. Puis viennent les « Épîtres » et ‘L’Art poétique ». Il publie ensuite une nouvelle satire, « Contre les femmes » et s’attaque aux Jésuites en reprenant les idées de Bossuet. On a contesté l’originalité de Boileau qui aurait surtout prolongé des thèmes burlesques et une forme de versification déjà anciens.

Les contes de fées de Charles Perrault (1628 – 1703)

Protégé de Colbert, Contrôleur général des Bâtiments, membre de l’Académie Française en 1671, il est l’auteur d’histoires aujourd’hui universelles, publiées en 1697 avec le sous-titre « Contes de ma mère l’Oye » (La Belle au bois dormant », le « Petit Chaperon rouge », « Barbe bleue, le « Chat Botté », « Cendrillon », le « Petit Poucet »…) Le destin de ces récits montre à quel point il sait s’imprégner de l’inconscient collectif en s’inspirant souvent de vieux « Contes du temps passé ». Par ailleurs, dans « Le siècle de Louis le Grand » (1688) il prend parti pour les « Modernes » contre les « Anciens » et relance la querelle.

Des auteurs de Cour

La plupart des auteurs du Grand Siècle ne peuvent exercer leur talent que grâce à l’aide et à la protection des grands. C’est ainsi que La Fontaine est successivement le protégé de Fouquet, de la duchesse d’Orléans, de Madame de La Sablières, de Madame de Montespan. La Bruyère enseigne l’histoire au petit-fils du prince de Condé; Boileau, quant à lui, est nommé historiographe de Louis XIV en 1677, et entre en 1684 à l’Académie Française, où il est rejoint par La Fontaine et La Bruyère, admis tous deux en 1693. Cela explique que leur esprit impertinent se tourne vers la caricature et non vers une véritable critique sociale.

Lire aussi :

À ma lettre, j’en joignis donc une de la part de mon frère, qui ne savait pas écrire. (Raymond Radiguet Le diable au corps.) Photographie de Megan Jorgensen.
À ma lettre, j’en joignis donc une de la part de mon frère, qui ne savait pas écrire. (Raymond Radiguet Le diable au corps.) Photographie de Megan Jorgensen.

Laisser un commentaire