La Peste
Le mot « peste » vient du latin pestis qui signifie « maladie contagieuse ». Durant l’Antiquité, cela englobait donc plusieurs épidémies dont le typhus, la variole, la rougeole, le choléra… Plus tard le mot peste ne désignera qu’une seule de ces maladies, celle qui provoque des bubons. D’où son nom de peste bubonique (causée en fait par la bactérie Yersinia pestis).
Il semblerait que l’origine de ce germe soit à chercher en Chine il y a deux mille six cents ans. Il est évoqué en Égypte, en Israël (dans la Bible, 2 Samuel 24, le roi David est châtié par Dieu et doit faire le choix entre: sept années de famine, trois mois de guerre ou trois jours de peste. Il prend la dernière option qui cause 70 000 morts). Chez les Grecs, la Grande Peste d’Athènes en 430 avant Jésus-Christ aurait décimé la population. Elle est nommée « Vengeance d’Apollon » dans l’Iliade d’Homère.
La première épidémie de peste bubonique décrite avec les bubons qui gonflent est apparue sous le règne de l’empereur Justinien.
Selon l’historien Procope de Césarée, cette peste bubonique débute dans un port à l’embouchure du Nil en 541, atteint Byzance en 542, ravage des côtes méditerranéennes, puis remonte par les bateaux fluviaux dans les plaines par la Saöne et le Rhône. Elle va atteindre la France, l’Allemagne et l’Italie, elle montera jusqu’en Irlande et en Angleterre, elle sévira jusqu’en 592 puis disparaît d’un coup sans raison. Le nombre de ses victimes pourrait avoir dépassé à l’époque les 20 millions de personnes.
La peste bubonique va ensuite connaître douze poussées ravageuses de moindre envergure jusqu’en l’an 767, puis s’éteindre sans aucune raison apparente.
Elle ne réapparaît que six siècles plus tard en Chine (Mandchourie), puis est transmise aux Mongols. Ceux-ci attaquent la ville de Caffa tenue par les Génois sur les bords de la mer Noire en Crimée. Pendant le siège, les Mongols catapultaient des cadavres infectées par la peste par-dessus les murs de la cité de Caffa, créant ainsi la première arme bactériologique. Le nombre de combattants valides ayant considérablement diminué dans les deux camps, les Mongols firent la paix et les Génois relancèrent leurs bateaux de commerce sur les flots, répandant ainsi la peste dans les ports d’Europe.
La peste est transmise par deux vecteurs animaux : – les rats qui, eux-mêmes, transportent – les puces.
Quand les puces piquent l’homme, cela provoque une tache noire autour de la piqûre. Ensuite la chaîne ganglionnaire étant atteinte, les ganglions gonflent pour former des bubons. En général placés dans le cou, derrière les oreilles, aux aisselles et à l’aine. Le sujet touché a des fièvres, des vomissements, et meurt en quarante-huit heures.
C’est donc le rat qui est le premier vecteur de la peste. Or à l’époque, il y avait peu de chats (animal considéré comme maléfique et donc proscrit par le Vatican), et les gros rats orientaux avaient chassé les petits rats noirs européens.
L’épidémie de 1348 (plus tard baptisée Peste Noire) fut encore plus ravageuse que les précédentes. Beaucoup pensaient que c’était un fléau définitif et que l’humanité allait entièrement disparaître. Il est noté dans les textes de l’époque : « Il n’y avait plus assez de vivants pour enterrer les morts ». Les historiens estiment qu’il y eut entre 30 et 40 millions de morts pour une population européenne évaluée à 80 millions d’habitants, ce qui signifie que pratiquement un habitant sur deux a succombé, entraînant une désorganisation totale, l’abandon des villes et des villages. No connaissant pas l’origine, on accusait des juifs. Les juifs ayant des chats, ils étaient mieux protégés des rats, du coup les autres habitants ne comprenaient pas pourquoi ils avaient moins de morts. Ils furent massacrés dans plusieurs villes de France (notamment Strasbourg, Carcassonne), d’Allemagne, d’Espagne et d’Italie. On accusait aussi les chevriers, les palefreniers (l’odeur des chèvres et des chevaux repoussait les puces), mais aussi les porteurs d’huile miraculeusement épargnés car leurs peaux grasses repoussaient les puces.
Pour lutter contre la peste, les municipalités engageaient des compagnies de flagellants qui se meurtrissaient le dos avec des fouets à clous pendant trente-trois jours pour se laver de la faute collective et en chantant le Dies irae (la colère de Dieu).
Ces processions déclenchaient des phénomènes d’hystérie et de violences collectives si bien que le pape Boniface IX finit par les interdire.
Durant les épidémies, les populations fuyaient les villes et leur exode répandait encore plus la bacille.
Les médecins de l’époque n’avaient trouvé comme remède que d’inciser les bubons infectés pour y déverser du jus d’oignon.
Les règlements concernant les épidémies de peste n’apparurent qu’à partir du XVe siècle : 1) ne pas héberger d’étranger, 2) isoler les malades atteints, 3) mettre les bateaux suspects en quarantaine.
La troisième grande peste connue est celle de Londres en 1666 et qui touchera là encore toute l’Europe. À cette occasion, Nostradamus invente le masque à gaz, terminé par un bec pointu et qu’enfilent les médecins pour se protéger de l’air empoisonné. À l’intérieur du bec, ils déposent des plantes désinfectantes : girofle, romarin ou des éponges imbibées de vinaigre ou d’absinthe.
Ce sera lors de la grande peste de Chine, qui commence en 1894, qu’Alexandre Yersin de l’Institut Pasteur, séjournant alors à Hong Kong, aura l’idée de crever un bubon, de prélever son contenu et de l’examiner au microscope. Il détectera alors le bacille qui prendra son nom : Yersinia pestis.
Trié du livre : Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Tome VII. Bernard Werber, Troisième Humanité. Éditions Albin Michel et Bernard Werber, Paris, 2012.
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