Les peines criminelles en France au XVIIe siècle
Les peines afflictives ou infamantes en général sont aujourd’hui en France le blâme, le carcan, le fouet avec une marque au fer chaud… être pendu sous les bras, qui est la peine des jeunes gens non adultes… le bannissement à temps ou à perpétuité hors du royaume, les galères à temps ou à perpétuité, l’amende honorable, le pilori et finalement le dernier supplice (la mort).
Avant de présenter certaines notions relatives aux peines, examinons d’abord quelques définitions de mots ou d’expressions de l’époque – Référence : Le dictionnaire d’Antoine Furetière, paru en 1684, à Paris.
La galère est un bateau à rames, de 25 à 30 bancs de chaque côté et de 4,5 ou 6 rameurs à chaque banc. Le navire a deux voiles et deux mâts. Le tribunal peut condamner un criminel à aller ramer sur les galères du roi.
L’amende honorable est une peine humiliante faite en public. Le criminel est alors « condamné d’aller nu en chemise, la torche au poing et la corde au col (cou), devant une église pour demander pardon à Dieu, au roi et à la justice » de quelque méchante action.
Nu en chemise signifie ici sans autre vêtement qu’une chemise. La torche, dans l’amende honorable, doit être portée à la main par le condamné; elle pèse deux livres.
Le carcan est un outil pénal qu’on installe dans une place publique. Le criminel est attaché à un poteau à l’aide d’une chaîne et d’un anneau de fer au cou. Le but est de l’exposer à la risée publique durant quelques heures.
Flétrir signifie imprimer sur l’épaule d’un condamné une fleur de lys avec un fer chaud.
Donner le fouet sous la custode signifie le donner en secret et dans la prison pour épargner au criminel la honte d’une punition en public.
La claie est une grosse échelle de charpente attachée à l’arrière d’une charrette sur laquelle on fait traîner le cadavre d’un suicidé.
Garder son ban signifie demeurer à l’extérieur d’une ville ou du pays à la suite d’une peine de bannissement.
Tirer à quatre chevaux signifie démembrer un corps à l’aide de chevaux. Jeter un corps à la voirie signifie qu’on y jette le corps de personnes jugées indignes d’un enterrement au cimetière; la voirie est une place à la campagne qu’un seigneur fournit pour y apporter les ordures.
Le pilori est un petit bâtiment, en forme de tour, avec une charpente ajoutée, dans lequel se trouve une machine tournante à laquelle on attache un criminel condamné à la risée publique.
La roue est un supplice d’une atrocité extrême. Un dénommé Marquiset en donne une description: Un échafaud sur le milieu duquel est attachée à plat une croix de Saint-André faite avec deux solives en croix oblique. Le criminel, déshabillé et nu en chemise, est étendu sur cette croix, le visage tourné vers le ciel; on lui enlève sa chemise au bras et aux cuisses et on l’attache à la croix avec des cordes à toutes les jointures. On lui met la tête sur une pierre. En cet état, le bourreau, armé d’une barre de fer, en donne un coup violent entre chaque ligature et comme les os dans ces endroits portent à faux, ils sont indubitablement cassés; quand il a fait un côté, il saute par-dessus le patient pour l’autre côté et finit par deux ou trois coups sur l’estomac. Au coin de l’échafaud, est placée horizontalement, sur un pivot, une petite roue de carrosse. On détache le supplicié, on lui lie les cuisses en dessous, de façon que ses talons touchent au derrière de sa tête. On le lie de toutes parts aux jantes et on le laisse ainsi exposé au public plus ou moins longtemps (Texte d’un auteur du XVIIIe siècle, cité par André Lachance dans La justice criminelle du roi au Canada au XVIIIe siècle, Québec, P.U.L., 1978, pp. 109-110.
Selon André Lachance, autant en France qu’en Nouvelle-France, les autorités ne vont pas imposer ce supplice quand le condamné est vivant mais seulement après sa pendaison; cependant, le condamné est laissé dans le stress du doute, car on pourrait peut-être lui faire subir l’épreuve de son vivant (Idem, p. 109).
Revenons sur les peines présentées dans le traité de Rousseaud.
Il est fréquent qu’on condamne un complice de crime à assister à l’amende honorable du condamné et à son exécution.
Les peines légères se résument à la demande de pardon ou à offrir des excuses à une victime, soit durant la comparution au tribunal, soit dans un autre endroit; la victime a le privilège d’inviter des témoins.
Les peines pécuniaires sont l’aumône, l’amende et les intérêts civils. Une condamnation à mort et celle aux galères entraînent la confiscation des biens. Une déclaration du roi, datée du 4 septembre 1677, prévoit la peine de mort « contre ceux qui, étant condamnés aux galères mutilent leurs membres afin de ne plus être en état de servir sur les galères ». Les femmes peuvent être condamnées à toutes les peines sauf aux galères et à la roue.
Dans les sentences émises par les tribunaux, il est souvent stipulé qu’un condamné doit payer une amende selon l’unité monétaire de l’époque : la livre. Selon le dictionnaire d’Antoine Furetière, une livre vaut, en 1690, vingt sols en France. Pour avoir une idée approximative de la valeur d’une livre et pour pouvoir évaluer la cherté d’une amende, le prix des marchandises du temps est un bon indicateur.
À la suite du décès de Philippe de Rigaud de Vaudreuil, gouverneur de la Nouvelle-France, on dresse un inventaire de ses biens en juillet 1726. Cet inventaire est publié dans le Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec, tome 1957 – 1959. Voici des exemples extraits de cet inventaire qui donnent une idée de la valeur d’un bien au début du XVIIIe siècle :
- Un petit tableau représentant saint Louis – 10 livres
- Une table de bois de pin avec son tiroir – 4 livres
- Deux fauteuils de bois de noyer – 40 livres chacun
- Une lanterne de fer blanc – 50 sols
- Un vieux harnais de cheval – 15 livres
- Une brosse pour les habits – 10 sols
- Un petit poêle de fer et son tuyau – 60 livres
- Deux cruches de grès – 3 livres chacune
- Une terre située dans la seigneurie de Vaudreuil – 9 000 livres
- Les bestiaux et les accessoires de la ferme – 304 livres.
L’interrogatoire
La justice du temps se donne les moyens pour connaître la vérité. Pour délier la langue, on peut condamner un accusé au supplice de la question pour l’obliger à avoir un crime ou à dénoncer tout complice. Deux méthodes sont efficaces. La première est de faire boire de l’eau : le corps de l’accusé est suspendu à l’horizontale avec des cordes, on place une corne dans sa bouche, servant d’entonnoir, pour y vider jusqu’à neuf pots d’eau (Idem, p. 81). La seconde est l’utilisation de brodequins (Idem, p. 81-82). On fait asseoir le futur bavard sur une chaise. À l’aide de pièces de bois et d’un maillet, le but de l’exercice est de faire souffrir par l’écartement des jambes. La rumeur veut que même les muets se mettaient à articuler clairement…
Par Guy Giguère, La Scandaleuse Nouvelle-France, histoires scabreuses et peu édifiantes de nos ancêtres, 1958.