Détails sur la vie paysanne en Nouvelle-France
Voici une petite description du mode de vie en Nouvelle-France vu par Peter Kalm, un savant suédois qui visita l’Amérique du Nord au milieu du XVIIIe siècle. Il suivit le cours du Saint-Laurent jusqu’à Québec en 1749. Remarquez la mention des Forges de Saint-Maurice, situées à 20 minutes de Trois-Rivières, qui sont la toute première industrie lourde au Canada.
La division du texte original en paragraphes a été faite afin de faciliter la lecture:
«…Près de Québec, les terres que nous parcourons sont partout divisées en champs et en prairies ou pâturages. Nous ne voyons que fermes et maisons de fermiers. Toutes les collines sont cultivées; sur le sommet de plusieurs on distingue des villages pittoresquement groupés autour de belles églises.
Les prairies sont généralement dans les vallées, quoiqu’il y en ait sur les coteaux. Les hautes prairies en Canada sont excellentes et de beaucoup préférables à celles des environs de Philadelphie et des autres colonies anglaises. Plus j’avance au nord, plus elles sont belles et plus le gazon en est riche et fourni.
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Les habitations dans la campagne sont bâties indistinctement en pierre ou en bois. Il n’entre pas de briques dans la construction des maisons en pierre; on n’en fait pas encore assez pour cela ici. On emploie les matériaux que l’on trouve dans le voisinage, l’ardoise noire surtout. À défaut de cette espèce de schiste, on construit les maisons avec des moellons ou de la pierre à sablon, et quelques fois avec une pierre grisâtre.
Les murs ont deux pieds d’épaisseur, rarement moins. Les maisons ont rarement plus d’un étage de haut. Chaque chambre a, ou sa cheminée, ou un poêle, ou les deux ensemble.
Les poêles ont la forme d’un carré oblong; quelques-uns sont entièrement en fer et des dimensions qui suivent: longueur deux pieds et demi, hauteur un pied et demi, largeur un pied et demi. Ces poêles en fer viennent tous de la fonderie des Trois-Rivières. D’autres sont en brique ou en pierre, de la grandeur à peu près des poêles en fonte, et recouverts au sommet d’une plaque de fer.
La charrue et la herse constituent tout l’outillage aratoire du paysan canadien, et encore ces instruments ne sont-ils pas de la meilleure qualité. Les roues du train des charrues sont aussi épaisses que celles d’un tombereau, et toute la charpente est si lourde qu’il faut la force d’un cheval pour tirer la machine sur un terrain uni.
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Les herses en usage ici sont faites entièrement de bois, et de forme triangulaire; deux des côtés ont six pieds de long, le troisième en a quatre; les dents, comme le reste de l’instrument, sont en bois, longues d’environ cinq pouces, et distantes d’autant les unes des autres.
On laisse les chevaux dehors pendant l’hiver; ils trouvent leur pâture dans les bois, N’ayant rien à brouter que des herbes sèches, qui, en revanche, sont très abondantes; ils s’accommodent fort bien de cette pitance, et au printemps ils sont gras et pleins de santé. On se plaint généralement que le peuple de la campagne commence à en élever un si grand nombre que les bestiaux manquent de fourrage en hiver. Un cheval de moyenne encolure coûte maintenant quarante francs.»
Source: The America of 1750 : Peter Kalm’s travels in North America, A. B. Benson, édit. (2 vol., New York, 1927).
Des coteaux de pierre, une fois contournés, semblèrent se refermer derrière eux ; les brûlés firent place à la foule sombre des épinettes et des sapins ; les montagnes de la rivière Alec se montrèrent deux ou trois fois dans le lointain ; et bientôt les voyageurs perçurent à la fois un espace de terre défriché, une fumée qui montait, les jappements d’un chien.
Extrait du roman « Maria Chapdelaine » de Louis Hémon. L’intérieur d’une maison des paysans :
Le grand poêle à trois ponts occupait le milieu de la maison ; un tuyau de tôle en sortait, qui après une montée verticale de quelques pieds décrivait un angle droit et se prolongeait horizontalement jusqu’à l’extérieur, afin que rien de la précieuse chaleur ne se perdît.
Dans un coin la grande armoire de bois ; tout près, la table, le banc contre le mur, et de l’autre côté de la porte l’évier et la pompe. Une cloison partant du mur opposé semblait vouloir séparer cette partie de la maison en deux pièces ; seulement elle s’arrêtait avant d’arriver au poêle et aucune autre cloison ne la rejoignait, de sorte que ces deux compartiments de la salle unique, chacun enclos de trois côtés, ressemblaient à un décor de théâtre – un de ces décors conventionnels dont on veut bien croire qu’ils représentent deux appartements distincts, encore que les regards des spectateurs les pénètrent tous les deux à la fois.
Le père et la mère Chapdelaine avaient leur lit dans un de ces compartiments ; Maria et Alma-Rose dans l’autre. Dans un coin un escalier droit menait par une trappe au grenier, où les garçons couchaient pendant l’été ; l’hiver venu, ils descendaient leurs lits en bas et dormaient à la chaleur du poêle avec les autres.
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Il avait encore sa figure imberbe d’enfant, aux traits indécis, des yeux candides, et un étranger se fût probablement étonné de l’entendre parler avec une lenteur mesurée de vieil homme plein d’expérience, et de le voir bourrer éternellement sa pipe de bois ; mais au pays de Québec les garçons sont traités en hommes dès qu’ils prennent part au travail des hommes, et de leur usage précoce du tabac ils peuvent toujours donner comme raison que c’est une défense contre les terribles mouches harcelantes de l’été : moustiques, maringouins et mouches noires.
Les murs de planches de la maison étaient tapissés avec de vieux journaux, ornés de calendriers distribués par les fabricants de machines agricoles ou les marchands de grain, et aussi de gravures pieuses : une reproduction presque sans perspective, en couleurs crues, de la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré ; le portrait de Pie x, un chromo où la Vierge Marie offrait aux regards avec un sourire pâle son cœur à la fois sanglant et nimbé d’or.
Pour en apprendre plus :
- Forges du Saint-Maurice
- Mariage au XVIIe siècle
- Contrats de mariage
- Correction de la femme en Nouvelle-France
- Les villes au XVIIIe siècle
- Les rues des villes en Nouvelle-France
- Places publiques en Nouvelle-France
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