Paysages du Québec (la Nouvelle-France)
Le botaniste suédois Peter Kalm, qui a passé trois ans en Amérique du Nord, a parcouru la Nouvelle-France durant l’été 1749. De retour en Europe, il publie en 1753 son Voyage à travers l’Amérique du Nord. Voici ce qu’il constate lors de son trajet entre la Nouvelle- Angleterre et la Nouvelle-France:
«À environ quatre milles du fort Saint-Jean, venant des colonies anglaises, on trouve le pays tout cultivé et une continuelle variété de champs de blé, de pois et d’avoine se présente à la vue. Les fermes éloignées les unes des autres, et chacune d’elles entourée de ses champs et de ses prairies.
On bâtit les maisons, très petites, en bois. En guise de mousse, que l’on ne peut se procurer ici, on se sert de glaise pour boucher les fentes des murs. Les toits très inclinés et couverts en chaume.
Aussi loin que mon regard peut porter, je ne vois que des terres en pleine culture. Tous les champs sont couverts de moissons, le blé d’été l’emportant sur les autres sortes de grains.
Les forêts passablement éclaircies, et il est à craindre qu’avant longtemps le bois ne devienne très rare. Tel est l’aspect du pays jusqu’à Laprairie et jusqu’au fleuve Saint- Laurent : en un mot, c’est dans mon opinion la plus belle contrée de l’Amérique du Nord que j’aie encore vue.
* Paysages du Québec
Tout le pays autour de Laprairie est plat. De tous côtés, il y a de grands champs de blé, des prairies et des pâturages. Le paturin des prairies autour de Montréal est une herbe très tenue, très serrée et qui réussit même sur les coteaux les plus arides; elle n’est cependant pas riche en feuillage. On emploie sa mince tige en guise de foin.
Une population dense habite les bords de l’île de Montréal, lesquels sont en pur terreau, très unis, et ne s’élèvent guère à plus de trois ou quatre verges de hauteur. Les résidents ont abattu les bois le long du fleuve sur une profondeur d’un mille anglais.
Les maisons bâties en bois ou en pierre et blanchies à l’extérieur. Les dépendances, telles que granges, étables, etc., sont toutes en bois. Le terrain, dans le voisinage du fleuve, converti en champs de blé ou en prairies.
À six milles français de Montréal, nous passons en vue de plusieurs îles de différentes grandeurs, la plupart habitées; celles qui ne sont pas habitées sont converties en champs de blé, plus souvent en prairies.
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Les fermes, en Canada, sont séparées les unes des autres, de manière que chaque propriétaire a son bien entièrement distinct de celui de son voisin. Chaque église, il est vrai, est entourée d’un petit village, mais il est formé principalement du presbytère, d’une école pour les garçons et filles, et des demeures des commerçants et artisans, rarement d’habitations de fermiers, et quand il y en a, les terres sont séparées.
Les maisons des paysans sont généralement bâties sur les bords du fleuve, à une distance plus ou moins grande de l’eau, et à trois ou quatre arpents les unes des autres. Quelques cultivateurs ont des vergers, c’est le petit nombre; mais chacun a son jardin potager. Les fermiers bâtissent généralement leurs maisons en pierre ou en bois de charpente. Elles contiennent trois ou quatre chambres.
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On garnit rarement les fenêtres de vitres; le plus souvent les carreaux de papier remplacent le verre. Un poêle en fonte chauffe toute la maison. Les toits sont couverts en bardeaux. On calfeutre les fentes et les lézardes avec de la terre glaise. Les dépendances sont couvertes en chaume. Le paysage de chaque côté du fleuve est charmant et l’état avancé de la culture des terres ajoute grandement à la beauté de la scène.
On dirait un village continu, commençant à Montréal et finissant à Québec. Au-dessous des Trois-Rivières, on sème généralement les champs de blé d’avoine, de maïs et de pois. Les citrouilles et les melons se disputent le terrain dans les jardins des fermes.»
( Source : The America of 1750 : Peter Kalm’s travels in North America, A. B. Benson, édit. (2 vol., New York, 1927.)