Organisations loyalistes au Canada

Organisations loyalistes au Canada-Uni

Loyalistes au Canada : À l’aube du Canada – Uni, la tension monte au Bas-Canada (Québec) tous les jours. Il devient de plus en plus clair que la minorité anglaise refuserait d’être gouvernée par des Canadiens français. Elle serait prête à y résister par tous les moyens à sa disposition.

En décembre 1834, à Québec, se fonde la Quebec Constitutional Association (QCA), une association regroupant toutes les organisations loyalistes. En janvier 1835, la Montreal Constitutionnal Association (MCA), une association similaire, suit le pas.

Ces deux associations dites constitutionnelles se veulent défenseurs de la Constitution de 1791. D’ailleurs, elles plaident en faveur du Conseil législatif sous sa forme traditionnelle.

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Mais les loyalistes ne se contentent pas de se former en associations et d’organiser des assemblées publiques. De fait, ce sont eux qui commencent à mettre sur pied des organisations armées. Le 12 décembre 1835, Adam Thom (1802-1854), célèbre journaliste anglophone et chef de file des «Britanniques» de Montréal, fait l’apologie de la formation de corps armés dans son journal le Herald de Montreal :

« L’organisation, pour se combiner avec la détermination morale et la force physique, doit être autant militaire que politique. Il faut une armée aussi bien qu’un Congrès. Il faut des piques et des carabines aussi bien que de la sagesse (…) Appelons donc un congrès provincial immédiatement et portons à 800 le British Rifle Corp de Montréal, qui est son entier complément, envoyons des députés pour soulever les sympathies des provinces voisines. »

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Encore en novembre 1835, Adam Thom avait écrit dans le Montreal Herald : Les Anglais de cette province sont restés engourdis trop longtemps, il y  a temps  pour l’action et temps pour le sommeil. Il est une chose certaine. Notamment, la première goutte de sang anglais qui se répandera dans la colonie pour l’agrandissement de la faction française soulèvera l’indignation de tout Anglais que l’avarice ou l’ambition n’auront point transformés en traître.

Ce polémiste affirmait aussi que, depuis la Conquête, on parlait trop des Canadiens français, des «sujets choyés», en négligeant les «sujets anglais» des colonies ; il croyait que la politique de conciliation menée par le gouverneur Gosford (1835-1838) permettait aux vaincus (les Canadiens français) de dicter la politique coloniale aux vainqueurs (les Britanniques).

En dénonçant la politique de conciliation, les loyalistes craignaient que, en se laissant impressionner par la majorité canadienne-française, Londres finisse par céder aux doléances des Canadiens français en leur accordant davantage de pouvoirs.

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Le British Rifle Corp de Montréal disparait pourtant en janvier 1836, pour céder la place à une autre organisation paramilitaire, fondée en mars 1836 : le Doric Club. Cette organisation se forme d’un groupe de jeunes loyalistes armés, prêts à se battre.

Effectivement,  dans son manifeste paru le 16 mars 1836, le Doric Club déclare que ses membres préfèrent se battre et payer de leurs propres vies plutôt que de se voir soumis à une république canadienne-française. Ce manifeste fait par ailleurs un sérieux avertissement aux autorités britanniques qui semblent aux yeux des membres du Doric Club, trop faibles :

« Si nous sommes abandonnés par le gouvernement britannique et les Britanniques,  nous sommes déterminés à prendre les moyens pour nous délivrer par nos propres armes… nous sommes prêts… à engager nos vies, nos fortunes et notre honneur sacré, plutôt que nous soumettre à la dégradation d’être des sujets d’une république canadienne-française. »

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Les médias anglophones font l’écho de ces opinions et prennent les positions intransigeantes, comme bien le prouve cet extrait du Missiskoui Standard, publié à Frelighsburg dans les Cantons-de-l’Est, en juin 1838 (en fait, ce n’est qu’un de centaines d’exemples des publications journalistiques typiques de l’époque) :

« C’est une folie aux Canadiens français de lutter contre leur destinée. Il est impossible qu’une poignée de Français, à l’extrémité nord-est, puisse s’élever au rang de nation, contre le génie entreprenant d’une race qui a déjà couvert presque tout ce continent. C’est plus que de la folie. Depuis 1791, jusqu’à l’année dernière, les Français ont travaillé à conjurer leur sort ; quoiqu’ils possédaient toutes les facilités législatives à cette fin, ils n’ont pu réussir.

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Ils ont opprimé la race anglo-saxonne résidente dans cette province, et ils se sont efforcés d’en éloigner ceux qui voulaient y venir. Et quel a été le résultat de tout cela? Ils ont failli. Le pouvoir légal qu’ils possédaient n’était pas proportionné à la fin ; et lorsque, de désespoir, ils ont eu recours à la force pour accomplir leur désir favori, la race anglo-saxonne, semblable au boa constrictor, s’est entortillée autour d’eux, les a pressés de toutes parts, et les a écrasés. »

Un autre extrait d’un article publié dans la Montreal Gazette, le 18 octobre 1838, témoigne de l’opinion de la majorité des Anglophones concernant la  source de tous les problèmes, laquelle n’est évidemment pas l’autre que les Canadiens de langue française :

« Quelle est, nous le demandons, la vraie cause de l’état de déchirement où en est cette province, et du long déchirement de mal administration et d’anarchie auquel elle a été soumise? Quelle est-elle, si ce n’est que la majorité des habitants sont étrangers d’origine, d’usages, de lois, de langue et d’institutions à ceux de la nation en général; et qu’aucune tentative n’a encore été faite pour les assimiler à ceux de la mère patrie. »

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On aperçoit le Canadien français dans le milieu anglophone comme un être rétrograde et illettré. Comme une créature manipulée par des chefs irresponsables. C’est la minorité anglaise de la province du Bas-Canada qui a à cœur les améliorations.

Ces opinions-là ne se limitent à des publications dans les journaux et revues de langue anglaise privés. Lord Durham, gouverneur du pays, a exprimé sa piètre opinion sur les Canadiens français en 1838. Depuis, on l’a citée dans chaque ouvrage historique dédié à l’époque.

« On ne peut guère concevoir nationalité plus dépourvue de tout ce qui peut vivifier et élever un peuple que les descendants des Français dans le Bas-Canada, du fait qu’ils ont gardé leur langue et leurs coutumes particulières. C’est un peuple sans histoire et sans littérature.

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La littérature anglaise est d’une langue qui n’est pas la leur. La seule littérature qui leur est familière est celle d’une nation dont ils ont été séparés par quatre-vingts ans de domination étrangère. Davantage par les transformations que la Révolution et ses suites ont opérées dans tout l’état politique, moral et social de la France. »

« La langue, les lois et le caractère du continent nord-américain sont anglais. Toute autre race que la race anglaise (j’applique cela à tous ceux qui parlent anglais) y apparaît dans un état d’infériorité. C’est pour les tirer de cette infériorité que je veux donner aux Canadiens notre caractère anglais.

Je le désire pour l’avantage des classes instruites que la différence du langage et des usages sépare du vaste Empire auquel elles appartiennent. Le sort le meilleur de l’immigrant instruit et qui désire progresser n’offre pas aujourd’hui d’espoir de progrès; mais le Canadien français recule davantage à cause d’une langue et des habitudes étrangères à celles du gouvernement impérial. »

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« Les Anglais détiennent déjà l’immense partie des propriétés. Ils ont pour eux la supériorité de l’intelligence. Les Britanniques ont la certitude que la colonisation du pays va donner la majorité à leur nombre. Ils appartiennent à la race qui détient le Gouvernement impérial et qui domine sur le continent américain. »

En revanche, admettons que l’opinion des Canadiens français sur les Anglais, n’est guère différente. Citons à titre d’exemple, Napoléon Aubin, fondateur du journal Le Fantasque en 1838 :

« …Tous les colifichets que les hommes chérissent sont refusés au Canadien français. Places, honneurs, égards. On les enlève tout. On l’offre à ceux qui les insultent à l’envie. Tout ce qui est abus, tout ce qui est cruauté, tout ce qui est tyrannie, ignorance, oppression, intolérance, les Britanniques l’ont couvert par ce mot de british ».

Évidemment, beaucoup de Canadiens français sont outragés par les recommandations contenues dans le rapport Durham. Ces conclusions donc visent à les assimiler. Elles insinuent de plus que les Canadiens français n’avaient ni culture ni histoire.

Loyalistes - histoire du roch
Paysage maritime. Paysage rocheux du golfe Saint-Laurent. Photo : © Histoire-Du-Quebec.ca.

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