Nouvelle-France : Prisons et bourreaux

Les prisons et les bourreaux en Nouvelle-France

Prisons et les bourreaux : À l’époque de nos premiers ancêtres, l’usage que l’on fait de la prison obéit à une tout autre approche que celle en vigueur aujourd’hui. Selon l’ordonnance de 1670, il est très clairement établi «qu’il n’est point l’usage de condamner un coupable à une prison perpétuelle » parce qu’elle ne constitue pas une peine mais plutôt un lieu où, temporairement, on garde un accusé pendant l’instruction de son procès. Quand vous constaterez le sort réservé aux criminels, vous comprendrez aisément pourquoi on n’investit pas des fortunes dans cet outil pénal.

Il existe peu de renseignements sur les prisons. Dans les jugements du Conseil, il est parfois précisé que l’accusé est gardé dans la prison du château Saint-Louis, la résidence officielle du gouverneur général à Québec.

À Montréal, vers 1684, il y a une prison qu’on situe dans la rue Notre-Dame, à l’ouest de la rue Saint-Laurent. À Québec, le Palais de l’intendant abrite la prison royale incendiée en 1713 et refaite en 1716 : « Elle comprend un cabinet pour interroger les prisonniers, une cave pour le geôlier, une prison civile et quatre cachots voûtés. » Des prisons toutes neuves sont construites à Montréal et à Trois-Rivières, vers 1718, dans lesquelles on trouver « une salle d’audience pour le tribunal, un logement pour le geôlier ou concierge, une prison civile et deux cachots ».

La loi impose aux détenus d’avoir les fers aux pieds et d’être enfermés toute la journée : « Nourris de pain et d’eau, enfermés dans des cachots humides et froids où ils contractent maladies et fièvres, les prisonniers canadiens croupissent, inactifs, au fond de leur cachot.

Quant au bourreau, s’il est un emploi que nos ancêtres ne veulent surtout pas exercer, c’est bien celui de bourreau, un métier portant aussi les titres de maîtres des hautes œuvres ou encore d’exécuteur de la haute justice.

Bien triste destinée et pénible vie sociale que doivent assumer les bourreaux et leur famille. Par exemple, l’opprobre populaire devient si insupportable au bourreau Jean Rattier qu’il présente une requête à son employeur, le Conseil Supérieur, afin d’ordonner au peuple de cesser de le harceler « parce qu’il lui est journallement fait plusieurs insultes ainsi qu’à sa femme et à sa fille aînée par des gens qui vont les chercher dans la maison où ils logent à la Grande Allée. » Le lundi 4 mars 1686, le Conseil donne suite et « fait défense à toutes personnes d’aller chez ledit Rattier et de l’insulter en sa personne ou en celles de sa femme et ses enfants ». On fait afficher cette ordonnance dans des endroits publics de Québec.

Il n’y a qu’un seul poste de bourreau durant le régime français, et cet employé de l’État demeure à Québec. En conséquence, il doit à l’occasion se rendre à Montréal et à Trois-Rivières pour exécuter les sentences rendues dans les tribunaux de première instance. Trouver un candidat pour ce poste est une mission si difficile qu’il reste vacant, par périodes, pour une durée totale de neuf ans et sept mois; d’ailleurs, la seule façon d’embaucher un bourreau est d’offrir à un criminel condamné d’annuler sa sentence s’il accepte d’occuper la fonction.

Le maître des hautes œuvres gagne-t-il bien sa vie? Il semble que oui, puisqu’il reçoit le même salaire que les membres du Conseil Souverain, soit trois cents livres par année.

En Nouvelle-France, nos ancêtres vivent sous la férule de quatre bourreaux : Jacques Daigre, de 1665 à 1680; Jean Rattier, de 1680 à 1703; Jacques Élie; de 1705 à 1710 et Pierre Rattier, de 1710 à 1723.

Originaire de Les Touches-de-Périgny (Charente-Maritime), Jacques Daigre travaille comme domestique chez un dénommé Denys; à la suite d’un vol on le condamne à la pendaison. Ce célibataire décède en 1680, âgé de soixante ans; on le trouvera mort dans sa maison située en bordure du terrain des Ursulines de Québec.

Né en France (également en Charente-Maritime), Jean Rattier épouse Marie Rivière le 16 février 1672 à Trois-Rivières; le couple aura six enfants. Établi à Saint-François-du-Lac, il cause la mort de Jeanne Couc lors d’une dispute survenue en 1679; ayant porté sa cause en appel, le Conseil maintient sa culpabilité et lui offre, en décembre 1680, de devenir un bourreau plutôt qu’un pendu, ce qu’il accepte. Le 21 mai 1703, il décède à l’Hôtel-Dieu de Québec.

Né vers 1682 en Saintonge (France), Élie vivra d’abord en Acadie. Après avoir commis un crime, il est condamné à mort et transféré à Québec pour y être exécuté; en échange de l’annulation de sa peine, il acceptera de devenir bourreau. Le 17 octobre 1707, il épouse Marie-Joseph Maréchal à Québec. Le 23 mai 1710, un Amérindien tue Élie d’un coup de fusil et blesse gravement sa femme ainsi que deux de ses enfants qui décéderont peu de temps après.

Fils de Jean Rattier, le deuxième bourreau de Québec, Pierre Rattier occupe la fonction à partir du 7 juillet 1710; au moment de sa nomination comme bourreau, il était emprisonné avec sa femme, Catherine Rousseau, pour avoir commis plusieurs vols. Il décède à l’Hôtel-Dieu de Québec, âgé de quarante-trois ans, le 21 août 1723.

Par Guy Giguère, la Scandaleuse Nouvelle-France, histoires scabreuses et peu édifiantes de nos ancêtres, 1958.

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Vieux-Québec. Illustration : Histoire-du-Québec.ca.

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