Nord-du-Québec : Premiers contacts

Histoire du Nord-du-Québec – les premiers contacts entre les Amérindiens et les Européens

Histoire du Nord-du-Québec : Au XVIIe siècle, les peuples algonquiens faisaient partie d’un vaste réseau d’échanges orienté d’après le cours de milliers de rivières qui s’étendait sur une bonne parti du Nord-Est américain. Il est très probable que les Cris de l’est de la baie James constituaient le dernier maillon septentrional de ce vaste réseau d’échanges par lequel transitaient certains produits comme le tabac, les perles ou les pierres de taille. La première source écrite qui concerne directement les habitants de la baie James est le journal de bord d’un marin anglais, membre de l’équipage du Discovery, navire commandé par le célèbre capitaine Henry Hudson. On y apprend qu’en 1610-1611 Hudson longe les côtes de la baie qui allait plus tard porter son nom, et y rencontre les autochtones avec lesquels il troque quelques menus articles contre des fourrures et de la nourriture. Mais le projet de Hudson d’explorer intensivement la baie James se solde par la mutinerie de son équipage. Il sera abandonné en mer avec son fils et quelques marins qui étaient restés fidèles.

Bien qu’il soit impossible de confirmer l’identité des autochtones rencontrés par Hudson, le fait important à retenir est que ces personnes semblaient déjà connaître certains paramètres de l’échange européen. Par ailleurs, il est intéressant de noter que les premiers gestes commis par Hudson et les membres de son équipage se retrouvent – à qui sait décrypter la mythologie crie et son symbolisme complexe – dans certaines légendes (aatiyuuhkan), transmises de génération en génération. Y sont décrits notamment les trois types de réciprocité qui allaient par la suite devenir la pierre d’assise du lien entre Anglais et Cris, soit la réciprocité économique (échange de fourrures), la réciprocité matrimoniale (échange de femmes) et la réciprocité militaire (exclusivité du commerce en échange d’une protection militaire).

Puisque cette première rencontre entre Hudson et ces autochtones ne se traduit pas par la “découverte” des Cris (car il est possible que ces autochtones aient été des voyageurs d’une autre région, ou des Inuits), ni par la “découverte” de la baie James (cela n’a aucun sens), il nous reste à acquiescer le fait que ce que le capitaine Hudson a découvert, en 1611, c’est la partie septentrionale d’un vaste réseau hydrographique d’échanges autochtones sur lequel le commerce des fourrures allait se superposer dès la fin du XVIIe siècle.

Les groupes autochtones en présence

Identification dialectale

Dans les Relations des Jésuites, les autochtones habitant le baie James (ou la Grande Baie) son désignés par les appellations Gens des Petites Nations, Mistassins, Sauvages du côte Nord ou Kyristin8ns. Ces peuples parlaient un dialecte d’une langue algonquienne que les linguistes modernes identifient comme le cri ou le cri – montagnais. Mis à part les Mistassins, qu’il est possible de reconnaître comme étant les Cris de Mistissini, l’identification des autres sous-groupes qui habitaient la côte et l’intérieur des terres de la baie James au XVIIe siècle reste spéculative. À l’époque, les premiers missionnaires et les marchands nommaient les groupes d’après leur association – permanent ou temporaire – à un poste de traite particulier et, plus rarement, en fonction di dialecte parlé.

L’endonymie (ou l’étude des noms que les peuples se donnent) est un moyen efficace pour distinguer les sous – bandes cries. Or, il ne faut perdre de vue qu’il y a toujours eu une mouvance entre les membres des sous – bandes chez les Cris de la baie James et les groupes environnants (Montagnais, Algonquins, Attikameks) et c’est pourquoi le seul critère qui sert aux Cris modernes pour s’identifier comme cris est celui d’appartenir au continuum dialecte cri-montagnais-naskapi, et l’appartenance à ce continuum réside dans l’intelligibilité des dialectes qui le composent. C’est ce qui fait l’unité ethnique des Cris, bien que dans le détail la situation soit beaucoup plus complexe que cela. De plus, il va de soi que les délimitations dialectologiques vont au-delà des limites prescrites.

Les Cris de l’intérieur

Les Cris de l’intérieur habitent immédiatement à l’ouest de la ligne de partage des bassins hydrographiques de la baie James et du Saint-Laurent, plus précisément dans les régions environnantes des lacs Mistissini et Waswanipi. Le fait que les Cris de l’intérieur soient situés entre deux bassins hydrographiques constitue un élément fondamental pour la géographie humaine de la région car ce territoire est diversifié en ressources naturelles. En effet, le sud de cette zone est occupé par la forêt boréale et mixte, ce qui constitue un habitat idéal pour le castor et d’autres animaux à fourrure qui y abondent. Les groupes qui arpentent cette région alternent entre la pêche, le piégeage du castor et la chasse aux cervidés (le caribou des bois et plus tard l’orignal). Les groupes locaux, composés de deux ou trois familles nucléaires, fréquentaient un territoire de taille moyenne ou petite pendant l’hiver. En été, ils se rendaient dans la région du lac Mistassini ou du lac Waswanipi pour pratiquer la pêche et le séchage du poisson, mais aussi pour socialiser et consolider les alliances. Des fragments de quartzite servant à la confection d’outils de production (flèches et écharnoirs) proviennent, selon les archéologues, de la Colline Blanche (Waapushukaamikw) située sur la rivière Témiscamingue.

Les Cris de la côte

Les Cris de la côte habitent principalement la zone côtière recouvrant le sud-est de la baie James. C’est dans cette région qu’est situé Rupert House, le plus vieux poste de la Compagnie de la Baie Hudson fondé en 1668. Ce peuple exploite les basses-terres du littoral, un endroit où la forêt boréale est dense et marécageuse. Contrairement à la zone qui couvre la hauteur des terres, le littoral est relativement pauvre en castor où la ressource a été rapidement épuisée dès le début de la traite. Les Cris de la côte s’adonnent à la chasse à l’oie et la chasse au filet ou à l’puisette, une activité encore pratiquée à Smokey Hill, un endroit situé en aval de la rivière Rupert où certaines espèces remontent en grand nombre pour frayer. Les Cris qui habitent les environs de l’embouchure de la Rupert ont participé très tôt au commerce des fourrures, d’abord comme pourvoyeurs (chasse et pêche pour les employés de la Compagnie), puis comme journaliers ou canotiers.

Les Cris de la Côte-Nord

Les premiers marchands de fourrure anglais avaient identifié un autre groupe cri, distinct des deux premiers par le dialecte. Les Cris de la Côte-Nord pratiquent la chasse à l’oie deux fois par année (printemps et at en hiver ils remontent la rivière sur leurs territoire de chasse où ils alternent entre le piégeage du castor (selon les zones d’abondance du feuillu) et la chasse aux caribous.

Les Cris du caribou

En remontant plus au nord dans la baie James orientale, habitaient jadis de petits groupes cris qui ne sont mentionnés qu’à partir du début du XIXe siècle dans les registres de la CBH, qu’on retrouve le nom d’un homme de Nichikun dans le Second Registre de Tadoussac datant du XVIIe siècle. Ils sont généralement désignés comme Chasseurs de caribou, Cris de Nichikun ou Nitchequon, Cris de Whapmagoostui, Cris de Neoskweskau, Gens du Nord ou simplement Cris de l’intérieur (Inlanders). Nos contemporains de Chisasibi identifient aussi un sous-groupe appelé Kaniapiskaaw-iyiywach lequel habitait en amont de la rivière Kaniapiskaw. Les Cris du caribou habitaient la toundra forestière ou la taïga, milieu de prédilection du caribou, duquel ils tiraient toute leur subsistance (nourriture, outils, vêtements). Sauf pour quelques articles de base comme la hache, les fusils et les munitions, les Kaniapiskaaw-iyiywach et les Nichikuniiw-iyniwach sont restés – du moins jusqu’à l’ouverture du poste de Fort George en 1835 – relativement indépendants du commerce des fourrures et des demandes et des besoins particuliers dictés par ce type d’économie.

Les Cris domiciliés

La vie au poste de traite est assez bien documentée dans les archives de la CBH, et particulièrement en ce qui concerne la deuxième moitie du XVIIIe siècle. On y apprend que certains cris, issus de mariages mixtes, habitaient la poste de traite en permanence. Ils étaient employés par la Compagnie à titre de journaliers, fermier ou commis. Durant les trois cents ans de l’existence de la Compagnie, certains Cris domiciliés approvisionnaient les employés de la Compagne en gibier aquatique, en petit gibier et en bois de chauffage, en échange de quoi ils recevaient un salaire (payé en pelus ou castor gras) et, en cas de disette, du gruau ou des denrées sèches. L’échange de ces produits de base renforçait la réciprocité entre les habitants anglais installés dans la région et les cris du poste. C’était en fait le gage de survie des premiers colons anglais installés dans la région.

À partir de la fin du XVIIIe siècle, certains Métis commencèrent à occuper des rôles de plus en plus importants au sein de la Compagnie de la Baie Hudson (marchand de fourrures et pasteur). Certains furent dès leur jeune âge éduqués dans la foi protestante alors que d’autres continuèrent à pratiquer la chasse et le piégeage dans leur vie adultes. D’autres finalement accédèrent à des postes de gestion au sein de la CBH.

(Histoire du Nord-du-Québec, sous la direction de Réjean Girard. Les Presses de l’Université Laval, 2012).

Voir aussi :

Histoire du Nord-du-Québec
Nord-du-Québec. Photo d’Histoire-du-Québec.ca.

Laisser un commentaire

Exit mobile version