Nom de famille Daigle au Québec, son origine et son histoire
Le 6 décembre 1668, à Québec, un jeune Allemand, appelé Jean Daigre, abjure la religion luthérienne, répondant ainsi à l’une des exigences des autorités civiles et religieuses de la colonie de la Nouvelle-France. Daigre se dit originaire de la ville de Spire, en Allemagne. Cependant, les travaux généalogiques menés par Irénée Daigle et Archange Godbout montrent, à la date du 2 avril 1674, un colon célibataire que achète une concession au Bourg-Royal, Charlesbourg. L’homme s’appelle Jean Daigle et la terre qui lui est vendue est celle de Pierre Ledoux dit Latreille. Le colon de Charlesbourg qui est voisin des Paquet, Mignier, Boutel, Allard et Fournier occupe son temps à la culture de la terre et son nom ne s’inscrit pas encore aux registres paroissiaux. Le 24 août 1676, il est confirmé par monseigneur de Laval, puis, à nouveau, il rentre dans l’ombre.
Que fait-il alors vraiment? Se contente-t-il simplement de cultiver sa terre pendant l’été et de vivoter l’hiver en attendant le doux temps. C’est peu probable et il faudrait envisager l’hypothèse que dès avant 1670, si le Luthérien et le colon de Charlesbourg sont le même homme, il ait consacré une partie de son temps à voyager avec les explorateurs et traiteurs qu’ont été Radisson et des Groseilliers… Pourquoi s’attacher à cette hypothèse plus qu’à une autre? En partie parce que l’existence de Jean Daigle ne se manifeste au pays qu’aux époques correspondant aux dates importantes de la vie de Pierre Esprit Radisson et de Médard Chouart Des Groseilliers.
En 1668, année où Daigre abjure, les deux hommes effectuent la première de leurs grandes expéditions. 1674, année où Daigle manifeste du goût pour la terre, marque également un temps d’arrêt dans la vie aventureuse des deux hommes qui ne savent trop s’ils doivent se vouer aux Anglais ou aux Français. En 1682, Jean Daigle dit Lallemand se prépare à partir (ou à repartir) avec les traiteurs. On en a l’indice dans le testament qu’il dicte au notaire Pierre Duquet le 24 juin où il est dit que « Jean D’aigue, habitant du bourg Royal » est à la veille de « faire un long voyage au nord et dans lequel il court de grands risques par des dangers qui se rencontrent dans de semblables voyages ». Le document est ainsi résumé par Archange Godbout : « Le testateur recommande son âme à Dieu, à la Vierge, à M. saint son patron : il veut que ses dettes soient payées et ses torts réparés; il aumône 100 sols aux pauvres de sa paroisse; puis il lègue la balance de ses biens par moitié, l’une partie aux Révérend Pères Récollets, l’autre, par portions égales à ses trois filleuls : Jean-François Allard, Marie Menier (Mignier) et Jeanne Derry (Dhery). Vraisemblablement, Daigle, comme d’autres expéditionnaires, quitta Québec quelques jours plus tard à destination de Percé où les attendaient le Saint-Jean et le Saint-Pierre, mouillant dans les eaux du golfe sous le prétexte de la pêche.
De Percé, le 11 juillet 1682, les navires firent voile vers la Baie d’Hudson. Le retour à Québec s’effectua le 20 octobre 1683. Pas de départ en 1684 pour les Radisson et Des Groseilliers qui sont passés en France avant la fin de 1683 et dont la brillante carrière prend fin en 1685 par la découverte de leur stratégie discutable.
Comment ne pas lier la disgrâce des Radisson et Des Groseilliers à la décision que prend Jean Daigle de se marier avec une jeune femme qu’il connaît depuis longtemps et qui l’accompagnait, le 4 mars 1681, au baptême de Marie, fille de Jacques Mignier et d’Ambroisine Doigt? Marie-Anne Peroteau ou Proteau, fille d’Étienne et de Marguerite Séguin, est âgée de 19 ans. Le dimanche 4 novembre 1685, à Charlesbourg, le notaire Paul Vachon prend note des dispositions du contrat de mariage qui sera consacré le lendemain dans la chapelle de Charlesbourg. À ce contrat, l’origine de l’ancêtre n’est pas celle du Jean Daigre de 1668. Il s’appelle maintenant « Jean Deyme » et il se dit fils de Georges et de Marie Chavin, de Vienne, en Basse-Allemagne. Le voici Autrichien. Faut-il croire que ses parents ont vécu en Basse-Allemagne et qu’à l’époque où il abjurait à Québec il arrivait de Spire?
En 1689, un contrat nous éclaire sur le second métier de l’ancêtre qui est matelot. Le 19 mai, devant le notaire François Genaple, il s’engage à transporter du bois pour le compte de Pierre Allemand et d’Étienne Landron. Allemand n’est pas apparenté à Jean Daigle qui est pourtant identifié à ce contrat sous le nom de « Jean Lallemand » et, détail intéressant, Pierre Allemand a participé à l »expédition de 1682 à la Baie d’Hudson. Jean Daigle ne fait plus parler de lui, du moins jusqu’en 1696 et 1697 alors qu’il est inscrit à trois reprises aux registres de l’Hôtel-Dieu de Québec.
Jean Daigle meurt entre 1697 et 1703 à un âge indéterminé, puisque l’âge qu’il s’est donné à quelques reprises au cours de son existence le fait naître entre 1643 et 1651.
Sa vie familiale semble exempte de tragédies et de querelles qui auraient pu conduire les Daigle devant les tribunaux. Aussi est-il difficile de savoir comme le couple a vécu. On sait qu’ils étaient pauvres et que sept enfants sont nés du mariage de Marie-Anne et de Jean. Au décès de celui-ci, six enfants restaient, le dernier, Jean-Baptiste, baptisé le 20 mai 1698, n’existant plus lors du contrat de mariage de sa mère passé le 15 juillet 1703 avec Pierre Vilday dit Laviolette. De cette seconde union, Marie-Anne aurait eu deux enfants. Redevenue veuve après 1712, Marie-Anne se remariait avec un tel Nicolas Cornière. Elle est décédée le 17 septembre 1742. La terre défrichée par Jean Daigle dit Lallemand a été vendue le 20 décembre 1708 à Jacques Huppé dit Lagrois. André Daile le continuateur de la lignée, a épousé Thérèse Proulx. Deux enfants, prénommés Jean ont eu une destinée inconnue. Marie a épousé Louis Richard. Jacques s’est marié à la Martinique Étienne dit Malborouk en Louisiane.
Il existe une autre famille Daigle d’origine acadienne au Québec.
(Source : « Nos racines. L’histoire vivante des Québécois, #133).
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