Napoléon : idole des Canadiens

Napoléon : idole des Canadiens

L’avènement de Napoléon à la tête de la France, ses expéditions guerrières, ses victoires, en un mot sa gloire avaient eu plusieurs échos au Canada. Certaine pétition lui avait été présentée, l’invitant à redonner à son empire une terre que l’Angleterre lui avait ravie. Son éclat avait provoqué l’apparition de nombreux petits Napoléon dans les familles québécoises où, en outre, on possédait souvent le portrait de l’empereur des Français. Certains Canadiens le considéraient même un peu comme leur empereur. Somme toute, le chef d’État était une vedette, pour ne pas dire une idole.

Après sa mort, on avait inventé un saint dont le premier et dernier miracle avait été de se trouver présent au martyrologe, le 15 août. C’était justement le jour de la naissance de Napoléon Bonaparte. Vers 1835, une société réunissant des Français et des Canadiens d’origine française se forme. Elle se donne le nom de Société Française. Naturellement, la Saint-Napoléon devient fête patronale et c’est le jour que l’on choisit pour tenir l’élection annuelle.

Les banquets de la société sont généralement simples. Les convives prennent place autour d’une table ayant la forme d’un fer à cheval. Suivent habituellement les discours des présidents. En 1835, son président est monsieur Mariotte qui démissionne en faveur de monsieur Leblanc de Marconnay. Après les discours, pleuvent les santés, dont le nombre varie, atteignant parfois la trentaine. Avant la fin de 1835, la Société Française, qui avait vu le jour à Québec, recrute des membres montréalais. Ces derniers se forment à leur tour en société. On adopte ses règlements à la fin de l’année. Ensuite, la société-mère les approuve vers le mois de février 1836.

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Au mois d’avril 1836, les membres de la Société Française veulent souligner le décès de Laetitia Bonaparte, mère de leur idole, en faisant chanter une messe pour le repos de son âme. Dans une lettre adressée par Bréchon à Ludger Duvernay, le 18 avril 1836, il est fait allusion à ce projet auquel le curé de Québec, monsieur Baillargeon, n’avait consenti qu’à la condition que les journaux de Québec et de Montréal gardent à ce sujet un pieux silence. Ce silence n’a peut-être pas été consenti par la presse à que la censure répugne puisqu’à la réunion du 15 août 1836, la douzième santé est portée.

« À la mémoire de Madame Laetitia Bonaparte (et à) l’honneur d’avoir donné le jour à un grand homme qui fit l’admiration du monde entier, la rendit elle-même digne de porter sa gloire, car comme il aimait à le dire lui-même, il devait à ses soins l’élévation et la grandeur d’âme qui le distinguèrent.

De fâcheuses circonstances nous ont empêchés de lui rendre un tribut de respect plus digne d’elle. Mais, espérons que nos efforts rencontreront l’approbation de ses admirateurs, de ses amis ! » Les membres de la Société Française ne font pas que discourir. Ils chantent aussi la gloire de Napoléon : Napoléon, la France ! Unissons ces grands noms. Chantons, chantons : Sois immortel, héros que nous pleurons !

Pour ne pas être contrainte à la clandestinité dans laquelle sa passion pour Napoléon risquait de la plonger, l’association avait adopté l’idée de joindre le portrait de la reine Victoria au drapeau tricolore afin de démontrer que « ceux qui habitent ses états, quelle que soit leur origine, se considèrent comme des sujets soumis aux devoirs qu’exige cette qualité ».
(Source : Nos racines, l’histoire vivante des Québécois, #61).

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