Aventures d’un missionnaire – cambrioleur
Philadelphie 15 juin 1935. — Il vient de mourir, à la prison de Philadelphie, un homme dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a eu une carrière mouvementée de missionnaire – cambrioleur.
En effet, Abe Buzzard, qui repose enfin de son dernier sommeil, a vécu 82 ans, dont il a passé une cinquantaine à l’ombre des prisons américaines. Entre ses séjours derrière les barreaux, Abe Buzzard prêchait la vérité religieuse et volait et cambriolait ses concitoyens. Le frère d’Abe Buzzard, Joe, âgé de 75 ans, vit encore. Ayant terminé sa dernière peine, de quatre années de prison, Joe a demandé l’autorisation de demeurer dans la cellule jus qu’à la fin de ses jours, ce qui lui fut accordé.
Vie mouvementée et fervente
Abe Buzzard naquit exactement le jour de Noël de l’année 1852, dans le comté de Lancaster (Pennsylvanie). Avec ses cinq frères et ses deux sœurs, il resta tôt orphelin, le père Buzzard ayant été tué sur le front, au cours de la guerre civile.
Les petits orphelins s’avérèrent turbulents. A l’âge de 15 ans, Abe fit avec ses frères du chahut à l’Église de son village et bouscula le pasteur qui tomba et se cassa un bras. Les cinq frères Buzzard furent enfermés pendant un certain temps en prison.
Leur mère se remaria. les deux sœurs furent envoyées à l’école des orphelins de guerre, et le même sort attendait les garçons. Mais les cinq chenapans se sauvèrent.
Bientôt, Abe cambriola un magasin, mais fut retrouvé et condamné à dix-huit mois de prison.
Trois évasions
Remis en liberté, Abe proclama sa volonté de devenir un homme honnête. Mais nul ne voulut embaucher ce jeune garçon ayant déjà subi deux condamnations. Il rejoignit alors ses frères John et Mart et cambriola avec eux une ferme. On les arrêta. Mars Abe fit une ouverture dans le plafond de sa cellule et tous les trois s’enfuirent.
Les trois Buzzard et un nommé Bill Marshall formèrent alors une bande de voleurs de chevaux. Cela dura un certain temps, mais en 1874, Abe se retrouva en prison.
Il s’en sauva, grâce à un déguisement: une perruque rouge et des favoris roux le rendirent méconnaissable. Puis, ce fut un nouveau cambriolage et onze mois de prison.
Les frères d’Abe se marièrent, et John et Mart devaient bientôt de respectables citoyens. Abe se maria également au sortir de la prison et peut deux jumelles Pour les nourrir, il cambriola une boutique, ce qui lui valut treize ans de prison. Il s’en échappa.
Quatrième évasion
Il forma une nouvelle bande de voleurs de chevaux. Ils étaient vingt « initiés du caveau de la roche bleue”, comme ils s’intitulaient. Malgré le mystère qui les entourait, la police, aiguillonnée par une prime de $5.000, les captura tous, sauf Abe.
Il reforma sa bande dans une caverne des Montagnes Bleues. Bientôt, ils réussirent le sac de la gare de Lancaster.
Leurs exploits eurent un grand retentissement. Mais tout a une fin, et Abe refit la connaissance de la prison de Lancaster. Il s’y conduisit exemplairement n’ayant qu’une passion: les oiseaux chanteurs. On lui fit cadeau d’un oiseau. Il arriva un jour que le gardien s’amusa avec le gentil oiseau. Abe enferma le geôlier dans la cellule et prit le large avec vingt-huit prisonniers.
« Tournée de repentir »
Six mois après, il fut repris. II se mit alors à lire la Bible et à aller à l’église. Son repentir parut sincère, et en 1893, 1! fut gracié.
Abe partit alors en “tournée” de repentir », avec un chœur de croyants, faisant partout des conférences sur “La faute et son rachat”. Sa ferveur lui valut beaucoup d’adhésions. II disait: “La foi m’a mis au-dessus des tentations, et je n’appartiens à présent qu’au Seigneur !
Malheureusement, des objets divers disparaissaient comme par enchantement sur le passage du missionnaire. La police ne crut pes au miracle. Elle ouvrit la valise du pèlerin et y trouva, à côté de la Bible e du livre de prières, un revolver, une pince-monseigneur et d’autres objets qui n’avaient rien de religieux. Abe Buzzard et son fidèle frère Joe furent condamnés à huit ans de prison.
Voleur incorrigible
En 1913, le vieil homme sortit de la prison et rendit visite à ses deux filles mariées à Reading. Malheureusement, il vola en route cent poussins et fut reconduit en prison.
Libéré en 1826, il se rendit à nouveau coupable de vol de poussins et rentra en prison pour dix-huit mois. Il récidiva en 1928 et se vit condamner à neuf ans de prison. Ce fut là qu’il mourut : son dernier désir fut d’être enterré avec sa perruque rouge et ses favoris postiches. L’administration pénitentiaire y consentit. Joe, prisonnier volontaire, pleura beaucoup son frère qu’il adorait comme un héros : “C’était un homme courageux”, disait Joe, “et il n’a jamais fait de mal à une mouche ».
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