Ministère de la marine française et la Nouvelle-France
On sait que l’administration de la Nouvelle-France relevait directement du Ministère de la marine, à Paris. Alors, la question se pose parfois de savoir si le fait d’être administré par un ministère lié aux opérations maritimes était un avantage, ou bien s’agissait-il d’un signe d’indifférence de la part des autorités françaises du XVIIe siècle, quand se forma la structure des relations entre la métropole et la colonie ?
Il est vrai qu’au XVIIe siècle, la répression contre les protestants français préoccupe beaucoup plus les autorités de la France catholique que l’administration du Canada. L’Édit de Nantes, qui définit les relations entre les deux religions, est approuvé en 1598, au moment où Champlain se prépare à fonder le premier avant-poste français permanent dans l’estuaire du Saint-Laurent.
Ravaillac assassine le roi Henri IV en 1610, quand les premiers colons de Québec essaient de survire aux assauts de l’hiver canadien. Le siège d’une ville protestante comme La Rochelle, en 1627-1628, est beaucoup plus important aux yeux des Français que la destinée d’un village lointain au nom exotique de Québec, qui fait face aux Britanniques et à quelques protestants français (en fait, si, à La Rochelle, on concentre plus de 60 mille combattants, la prise de Québec en 1629 est faite par moins de cent soldats qui remportent la victoire…faute de défenseurs).
* Ministère de la marine française
La situation perdure au cours du XVIIe siècle, ce qui est logique si l’on tient compte des priorités du royaume en cette période troublée.
Pourtant, l’administration de la Nouvelle-France par le ministère de la marine est un signe de l’importance que l’État donne à cette partie de ses domaines. Avant tout, c’est un ministère qui se consacre directement aux questions militaires. Il faut dire qu’à l’époque, on considère l’Amérique comme un territoire quasiment vierge, à conquérir. Selon les Français, il n’y a donc pas lieu de «perdre son temps» en envoyant des diplomates négocier avec quelques tribus indiennes…
D’autre part, au XVIIe siècle, l’armée permanente ne possède pas d’effectifs très importants. La noblesse doit à son suzerain un service militaire qui ne peut dépasser un nombre déterminé de jours. Le cardinal de Richelieu a essayé de changer cette situation dès 1635, mais sans grand succès.
Les volontaires et mercenaires sont nombreux, mais ils se montrent plus encombrants qu’utiles. Il est vrai que les milices bourgeoises rassemblent plus de combattants. Mais on les utilise pour les guerres locales contre les calvinistes.
* Ministère de la marine française
Les régiments de l’armée qui existent, assez nombreux, sont formés d’étrangers. Notamment d’Allemands, Suisses, Belges, Italiens, Polonais et autres.
La France a plus de 2 mille kilomètres de côtes sur la Méditerranée, l’Atlantique et la Manche, sans compter ses vastes domaines en Amérique et en Afrique. De plus, les principaux ennemis de l’État sont de grandes puissances maritimes. Il faut aussi se défendre contre les raids des Barbaresques sur les côtes du Midi, il faut assurer le ravitaillement des colonies, etc.
Alors, c’est à la marine que Richelieu consacre toute son énergie. Le gouvernement finance la construction d’une flotte puissante et de diverses fortifications côtières. Ses successeurs poursuivront cette politique. Cela malgré l’opposition énergique bien compréhensible de l’Angleterre. Elle déclare à maintes reprises que si la France veut vivre en bons termes avec l’Angleterre, elle devra «se départir du dessein qu’elle a sur la mer».
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L’État commande la construction de ses dizaines de voiliers, galères et fortifications à des chantiers privés. Ces entreprises, qui dépendent de la marine, engagent des milliers de travailleurs.
Finalement, les escadres françaises remportent des batailles en 1637, 1638 et 1939. Ces victoires frappent les esprits et c’est plus qu’il n’en faut pour que la marine réussisse une entrée en fanfare dans la mythologie nationale de l’époque. Elle a désormais sa place parmi les grandes institutions de l’Hexagone, d’où son rôle majeur pour administrer les affaires américaines.