Quelques traits du milieu québécois
Dans cet article, nous exposons quelques vues sur les caractéristiques globales du milieu québécois, sur l’immensité de l’espace et la rigueur des conditions climatiques. Nous évoquons également les principales « solutions » qui ont été trouvées à ces problèmes au cours des années.
Étendue du territoire
La superficie officielle de la province, évaluée à 594 860 milles carrés (non compris le Labrador), fait de Québec la première province canadienne avec 15.4% du territoire total. Cette superficie dépasse celle de tous les pays européens, sauf l’U.R.S.S., de tous les états africains, sauf le Congo, la Lybie et le Soudan, et de bien d’autres états.
L’étendue se traduit par des dimensions précises: 1 200 milles du sud au nord, c’est-à-dire depuis le 45e parallèle, frontière avec les États-Unis d’Amérique, jusqu’au détroit d’Hudson, à la latitude 62° 40’. De l’est à l’ouest, dans sa plus grande largeur, la province atteint approximativement 1 600 milles depuis la longitude 57° 07’ au détroit de Belle Isle jusqu’à 79° 33’ 20” ouest à la frontière ontarienne. Au total donc, près de 18 degrés de latitude et plus de 22 de longitude.
Le territoire du Québec est largement ouvert sur de vastes étendues océaniques, maritimes, lacustres et fluviales. De toutes les provinces canadiennes, le Québec possède de loin la plus grande longueur de côtes maritimes sur l’estuaire du Saint-Laurent, sur le golfe du Saint-Laurent, sur l’Atlantique, sur la baie d’Ungava et sur la mer d’Hudson. La massivité du territoire québécois se trouve ainsi atténuée par ces voisinages maritimes qui animent beaucoup de paysages et assurent l’interpénétration de l’eau et de la terre.
Le Saint-Laurent
Long de 2100 milles depuis ses sources du Minnesota jusqu’à Gaspé, le Saint-Laurent est un fleuve énorme.
Son estuaire, large de plusieurs dizaines de milles en plusieurs points, possède des caractéristiques maritimes bien connues: salinité des eaux, marées importantes, brouillards, agitation des eaux variées par leurs températures, leurs profondeurs, leurs salinités, etc. Large voie de pénétration, dégageant des rivages fort contrastés au nord et au sud de son cours jusqu’à la hauteur de Québec, le Saint-Laurent apparaît comme un fleuve unique qui draine la moitié du territoire québécois, reçoit des affluents aux dimensions fluviales comme le Saguenay et constitue l’une des principales articulations géographiques du territoire de la province.
Au demeurant, fleuve qui donne des caractéristiques essentielles non seulement au Québec mais à tout l’Est du Canada et à l’ensemble de l’Amérique du Nord.
En amont de Québec, le Saint-Laurent, plus étroit, reste un fleuve à gros débit mais régulier, traversant lacs et rapides, recevant encore desaffluents de taille fort respectable comme l’Outaouais, le Saint-Maurice, le Saint-François, la Chaudière. Cette section du Saint-Laurent est la plus domestiquée, celle où l’on entretient des chenaux pour la navigation, celle où se trouvent les plus grands ports, les villes importantes et les grandes concentrations industrielles, celle, enfin, où les travaux de canalisation ont permis de relier efficacement l’intérieur de l’Amérique du Nord localisé autour des Grands Lacs au reste du monde en passant par la partie québécoise du fleuve.
Le Saint-Laurent a joué un rôle humanisant extraordinaire, en fixant le peuplement et en assurant les relations, et il a ainsi, malgré sa propre immensité, contribué très efficacement à la victoire sur la massivité du pays.
Les lacs
Il faut aussi mentionner le nombre incalculable de lacs qui parsèment l’intérieur du territoire et « habitent » en quelque sorte la plupart des paysages intérieurs du Québec. Ces lacs, dont la plupart sont d’origine glaciaire, se trouvent à la tête des nombreuses rivières et des fleuves ou bien viennent former des renflements en plusieurs points du tracé des cours d’eau.
Entourés des collines boisées des Appalaches ou du Plateau laurentien, ces lacs, ronds ou étirés, aux limites bien définies quelquefois mais aussi souvent imprécises et se confondant avec des zones marécageuses plus ou moins étendues, forment un élément essentiel des paysages québécois de l’intérieur. Utilisés pour le tourisme et la pêche dans le sud de la province, ils servent à emmagasiner le bois coupé pendant l’hiver dans les zones les plus forestières. Souvent même, les barrages naturels qui les ferment vers l’aval ont été utilisés pour de puissants aménagements hydroélectriques. Tous ces lacs jouent donc un rôle économique considérable.
Dans les régions non boisées du nord du Québec, ces vastes et nombreux lacs éclatent de lumière en été, à travers les espaces rocheux et dénudés, ils conservent plus longtemps que la terre environnante les plaques de neige du printemps. Été comme hiver, ils servent de piste aux avions et hydravions.
Le Plateau laurentien
L’immensité du territoire québécois est encore traduite par la vaste étendue du Plateau laurentien qui couvre 90% de la superficie de la province.
Appartient à cette vaste portion du Bouclier canadien tout ce qui se situe au nord du Saint-Laurent, depuis l’Atlantique jusqu’au Cap Tourmente, dans Charlevoix, et au nord de la bordure des Laurentides depuis la Côte de Beaupré jusqu’à la rivière des Outaouais. Plateau de moins de 1 000 pieds en moyenne dans la région des Laurentides et se relevant graduellement jusqu’à plus de 2 000 pieds d’altitude moyenne vers le Labrador. La bordure sud du plateau est relevée et entaillée par les puissants cours d’eau coulant vers le Saint-Laurent. Est ainsi créé un paysage de montagnes aux formes molles et ondulées mais se dressant quelquefois brusquement de près de 3 000 pieds sur les bords immédiats du Saint-Laurent ou dans le massif du parc des Laurentides et dans le nord de Montréal.
Les forêts
La moitié méridionale du Plateau laurentien constitue un vaste domaine boisé où se retrouvent la plupart des forêts commerciales du Québec.
Les peuplements forestiers, relativement homogènes, sont constitués de résineux où dominent les pins, les épinettes et les sapins presque toujours accompagnés des bouleaux.
Dans presque tous les bassins tournés vers le Saint-Laurent, l’exploitation forestière constitue le trait fondamental de l’économie des régions.
Une association géographique étroite existe ainsi entre la végétation, le réseau hydrographique, les sites d’installation hydroélectrique et les points littoraux où se localisent les usines de sciage, de fabrication de pâte et papier dans des centres urbains aux fonctions industrielles et portuaires. Trois-Rivières et Baie-Comeau sont de beaux exemples.
Les ressources minières
Le Plateau laurentien est aussi remarquable par les roches qui composent son sous-sol. Autant les sols sont maigres ou inexistants, autant le soussol est varié et riche. Les roches qui le composent sont anciennes et dures; ce sont, en fait, les plus vieilles roches connues sur la terre. Roches qui, au cours de leur évolution, ont subi toutes sortes de transformations physiques et chimiques de nature à favoriser la minéralisation. Aussi les gneiss et les granites renferment-ils des filons qui ont donné lieu à diverses exploitations minières: cuivre, or, zinc, plomb, etc. Des découvertes géologiques récentes ont permis de repérer un vaste géosynclinal constitué de roches sédimentaires fini-précambriennes et fort riches en oxydes de fer de diverses teneurs.
Ainsi sont nées les exploitations de Schefferville et de Gagnon. La zone minéralisée du géosynclinal se poursuit jusque sur la rive occidentale de la baie d’Ungava et sans doute également à l’intérieur de la péninsule d’Ungava. De vastes horizons sont ainsi ouverts à l’exploitation minière et à la mise en valeur des immenses étendues nordiques du Québec.
(Par Fernand Grenier, docteur en géographie, doyen de la Faculté des Lettres à l’Université Laval, à Québec en 1967 (texte publié dans la revue Le Jeune scientifique, mars 1968).
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