Troupes de la marine française et troupes régulières
«On est souvent porté à confondre les troupes de la marine, ou plus exactement les troupes du détachement de la marine, avec les troupes régulières françaises.
Les troupes du détachement de la marine furent créées dès les dernières années du dix-septième siècle pour servir au Canada. À l’origine, les officiers furent presque tous choisis en France. Quant aux soldats, on les recrutait indifféremment en France et dans la colonie, où on y admettait même des étrangers et plusieurs Allemands servirent dans ces troupes. En 1757, on fusilla sept Allemands, soldats dans les troupes de la marine, pour crime de désertion.
Mais, peu à peu, les jeunes Canadiens, fils de famille, manifestèrent le désir de servir comme officiers dans les troupes de la marine. À la fin du régime français les trois quartes des officiers de ce corps étaient donc nés dans la Nouvelle-France. Ces officiers devinrent même une aristocratie dans la colonie.
* troupes régulières françaises
Tous les fils du premier gouverneur de Vaudreuil commencèrent par servir dans les troupes de la marine. Les dix frères Hertel eurent des commissions d’officiers dans ces troupes. Le roi, pour aider ses sujets canadiens, accordait des commissions de cadets ou d’officiers à des enfants de dix à douze ans. Ne voit-on pas un des fils du gouverneur de Vaudreuil devenir officier à l’âge de six ans !
On désignait improprement les troupes de la marine, en ce sens qu’elles étaient des troupes de terre et non de mer. On leur donnait le nom de troupes de la marine parce qu’elles dépendaient du département de la marine qui, comme on le sait, avait l’administration de la Nouvelle-France.
Les troupes régulières françaises ne servirent dans la Nouvelle-France que de 1755 à 1760. Elles étaient composées de différents bataillons des régiments de la Reine, du Languedoc, de Guyenne, du Béarn, de la Sarre.
Quelques Canadiens, trois ou quatre au plus, servirent comme officiers dans les troupes régulières. Citons parmi ces privilégiés le chevalier de Lanaudière, qui suivit l’un de ces régiments en France mais revint bientôt au pays.
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Il est triste d’avoir à le constater, mais il faut bien l’avouer, il y eut antagonisme entre les troupes de la marine et les troupes régulières. Cela tout le temps du séjour de ces dernières dans la Nouvelle-France. Soldats de France et soldats du Canada faisaient assez bon ménage. Quelques centaines de soldats de Dieskau et de Montcalm épousèrent même des Canadiennes et s’établirent dans le pays. Mais les officiers français se croyaient bien supérieurs aux officiers des troupes de la marine. Ils ne cachaient pas assez leur dédain, leurs critiques et, ajoutons-le, leur jalousie.
De là, des conflits, des rivalités, des récriminations, qui souvent empêchèrent les chefs militaires de la colonie de donner tout l’effort nécessaire pour sauver le pays de l’invasion anglaise.Le dernier gouverneur de Vaudreuil, canadien de cœur et d’âme, tentait de tenir la balance égale entre les troupes de la marine et les troupes régulières. Mais, comme le dit quelque part le commissaire des guerres Doreil, il avait le défaut d’être Canadien.
* troupes régulières françaises
Ne diminuons pas la gloire des officiers des régiments français qui servirent au Canada de 1755 à 1760. Bon nombre d’officiers et de soldats de ces troupes d’élite versèrent leur sang sur le sol canadien. Mais glorifions aussi les officiers et soldats des troupes de la marine. Ils n’avaient peut-être pas le verni des officiers français. Mais sous le rapport de la bravoure, de l’endurance, de la manière de faire la guerre dans les immenses forêts de notre territoire, ils ne leur étaient pas inférieurs. Loin de là.»
(Pierre-Georges Roy, Toutes Petites Choses du Régime français, 1944).
Exercices militaires des troupes de la marine française dans la cour du Musée du fort Stewart. Vidéo tournée par Histoire du Québec.