Biographie de Louis d’Ailleboust de Coulonges et d’Argentenay
Revenu à Québec le 20 septembre 1646, Samuel de Champlain dut repartir pour la France, à cause de ses affaires de succession, le 30 octobre, sans avoir pu remonter jusqu’à Villemarie. Enfin, il revint l’été suivant et rentra le 18 octobre 1647 dans sa chère habitation. « Aussitôt qu’il fut venu, il avertit M. d’Ailleboust qu’en France l’on voulait rappeler M. le chevalier de Montmagny. De plus, il lui dit qu’il (lui, Louis d’Ailleboust) serait nommé au gouvernement du Canada et qu’il fallait qu’il s’en allât en France, et que l’année suivante il reviendrait pourvu de sa commission. Ce bon gentilhomme avertit M. d’Ailleboust de ces choses, mais il était trop humble pour lui dire qu’on lui offert à lui-même d’être gouverneur du pays, et qu’il avait refusé par une sagesse qui sera mieux reconnue en l’autre monde qu’en celui-ci.»
Louis d’Ailleboust partit aussitôt. Il quitta Québec avec la flotte le 21 octobre. Le 20 août 1648, « les vaisseaux de France arrivèrent et nous rapportèrent M. d’Ailleboust pour gouverneur en la place de M. de Montmagny. La joie de ceux de Montréal fut grande lorsqu’ils surent qu’un des associés de la Compagnie venait en Canada pour être gouverneur. »
Charles de Montmagny passa ses pouvoirs à Louis d’Ailleboust et s’embarqua pour la France le 23 septembre 1648.
« Enfin, le 19 mars 1643, jour de Saint-Joseph, patron général du pays, la charpente du principal bâtiment étant levée, on mit le canon dessus, afin d’honorer le fête au bruit de l’artillerie, ce qui se fit avec bien de la joie, chacun espérant bien de voir par après bientôt tous les logements préparés, et en effet de jour en jour on quittait les méchants cabanes que l’on avait faites à la hâte pour entrer dans des maisons fort commodes que l’on achevait incessamment ».
Au début de l’été, « on apprit encore par M. de Montmagny qu’on espérait de grands effets cette année-là de la part de la Compagnie de Montréal, laquelle avait fait de la dépense considérable, ce qu’il ne put dire qu’en général.
Outre cela, il dit qu’un gentilhomme de Champagne, nommé M. d’Ailleboust (Louis d’Ailleboust de Coulonges et d’Argentenay) venait ici avec sa femme, née Barbe de Boulogne, et la sœur de sa femme. De plus, il apprit qu’on avait fait une fondation pour un hôpital au Montréal, mais que pour avoir le détail du tout il fallait patienter jusqu’au mois de septembre que M. d’Ailleboust arrivât ». Maisonneuve eût une telle hâte d’avoir auprès de lui Louis d’Ailleboust, dont il comptait faire son second, qu’il alla le chercher lui-même à Québec en canot dès que l’arrivant y fut signalé.
Par une chance vraiment extraordinaire, les Iroquois n’avaient pas encore découvert l’habitation de Villemarie! Mais cela ne pouvait durer longtemps. Bientôt, en effet, une partie d’Aigners, qui poursuivait une dizaine d’Algonquins, les vit entrer dans la nouvelle habitation. Les Iroquois se retirèrent sans se montrer et coururent porter la nouvelle aux Cinq-Cantons (Cinq-Nations). Trompés par un an de tranquillité, les colons n’étaient pas assez sur leurs gardes. Ainsi de la première attaque furent-il complètement surpris.. Elle se produisit le 9 juin : quarante Iroquois tombèrent brusquement sur six charpentiers ou scieurs de bois au travail, ils en massacrèrent trois sur place, et entraînèrent les autres. L’un d’eaux réussit à s’échapper, mais les deux derniers furent torturés et mangés (l’anthropophagie, on l’a vue, n’était pas rare à cette époque encore chez les Iroquois, et même chez les Hurons).
Dès lors, comme au Fort-Richelieu, comme aux Trois-Rivières, comme aux abords mêmes de Québec, on vécut à Villemarie du Montréal sur le qui-vive. Les attaques furent incessantes durant tout l’été et l’hiver. En mars de l’année suivante, le poste subit un véritable siège par plus de deux cents Iroquois. Le 30 juin, M. de Maisonneuve, à la tête d’une trentaine de volontaires, dut faire une sortie pour débloquer la place. Il paya largement de sa personne et, en couvrant la retraite des siens, faillit tomber aux mains des ennemis.
Une tentative de paix avec les Iroquois eut lieu en 1645. Un interprète, à son tour fait prisonnier, Guillaume Couture, y fut pour beaucoup. Même captifs, les interprètes, à cause de leur connaissance parfaite des langues indigènes, étaient des ambassadeurs incomparables; ils eurent souvent une influence politique indéniable. « Le 5e jour de juillet le prisonnier iroquois mis en liberté et renvoyé dans son pays, comme j’ai dit au chapitre précédent » – raconte le père Barthélemy Vimont, dans la Relation des Jésuites, – « parut aux Trois-Rivières, accompagné de deux hommes de considération parmi ces peuples, délégués pour venir traiter de paix avec Ononthio, et tous les Français et tous les sauvages non alliés.
Un jeune homme, nommé Guillaume Couture, qui avait été pris avec le père Isaac Jogues, et qui depuis ce temps-là était resté dans le pays des Iroquois, les accompagnait. Ayant mis pied à terre (ils arrivent évidemment en canot), il nous informa du dessein de ces trois sauvages, avec lesquels il avait été renvoyé. Le plus remarquable des trois, nommé Kiotsaeton, voyant les Français et les sauvages accourir sur le bord de la rivière, se leva debout sur l’avant de la chaloupe qui l’avait amené depuis Richelieu jusqu’à Trois-Rivières; il était quasi tout couvert de porcelaine (les dix-sept colliers dont il fera présent à Montmagny quelques jours plus tard, en gage de bonne foi). Faisant signe de la main qu’on l’écoutât, il s’écria :
Mes frères, j’ai quittai mon pays pour vous venir voir. Me voilà enfin arrivé sur vos terres; on m’a dit à mon départ que je venais chercher la mort, et que je ne verrais jamais plus ma patrie, mais je me suis volontairement exposé pour le bien de la paix; je viens donc entrer dans des desseins des Français, des Hurons et des Algonquins, je viens pour vous communiquer les pensées de tout mon pays.
Cela dit, la chaloupe tire un coup de pierrer, et le fort répond d’un coup de canon pour marque de réjouissance. Cette fois, c’était plus sérieux. Ce Kiotsaeton, qui était d’une haute stature, était aussi un homme remarquable, très fin et plein d’esprit. Il en résulta que la paix fut solennellement proclamée après plusieurs entrevues et force échanges de cadeaux et de colliers de porcelaine, le 20 septembre, entre les Français, les Algonquins, les Hurons et les Iroquois. Hélas! Paix très précaire qui ne dura qu’un an, car le 18 octobre 1646, les Agniers massacraient le père Jogues et un jeune Dieppois qui l’accompagnait, Jean de la Lande: ils avaient accusé le missionaire de leur avoir amené un démon qui les faisait mourir et détruisait leur blé. En fait, ce “démon” s’appelait microbe de la variole. Dès 1634, la maladie fit son apparition dans le bassin du Saint-Laurent, probablement apportée par les émigrants percherons de Robert Giffard. Elle devait faire d’effroyables ravages dans les villages indiens pendant deux siècles.
Dès le 17 novembre, les bandes de ces irascibles guerriers se remettaient à parcourir les bois en quête de massacres et de déprédations. Ce fut de nouveau l’insécurité.
Lire aussi :