Voyage de 32.000 mille pour oblitérer un timbre
Les philatélistes sont gens très doux. Leur passion patiente et érudite les préserve comme la plupart des collectionneurs des atteintes de la vie trop moderne. On ne les imagine pas d’ardents sportifs. Mais calmement installés chez eux, à leur heure de loisir, devant leur précieux album ou fouinant chez les marchands des timbres, en quête de la vignette convoité.
Pourtant, l’un d’eux vient de démontrer péremptoirement que la passion du timbre peut avoir des effets sur l’intellect de l’individu et oblitérer son cerveau.
Un homme, en effet, a voyagé des États-Unis presque jusque au Pôle Sud pour aller mettre des lettres à la poste.
C’était un obstiné. C’était aussi un philatéliste. Il a accompli plus de trente-deux milles.
L’administration des postes des États-Unis ayant émis en timbre spécial en l’honneur de l’expédition Byrd, notre collectionneur désirait que l’oblitération de ces timbres eut bien lieu dans l’Antarctique.
Il lui eût été sans doute plus commode d’écrire tout simplement à l’un des membres de cette expédition en le priant de lui répondre. Le philatéliste n’a pas voulu cela. Il a fait le voyage. Par la suite, il s’écrit à lui-même. Il a mouillé le collant de ses « chères » vignettes de sa salive. Ensuite, il a vivement repris le chemin du retour pour les retrouver à son arrivée chez lui.
Il est évident que pour accomplir cet exploit dans de telles conditions, il faut être en vrai philatéliste et aimer les timbres. Ceux expédiés par notre voyageur auront sans doute plus tard une grosse valeur. Tout de même, le jeu en vaut-il la chandelle ? Car, pour courir ainsi le monde jusque aux pingouins du Pôle Sud, il est également indispensable de se muni d’une certaine somme.
En autre avis – qui, naturellement, ne vaut que ce qu’il vaut – c’est que ce ne sont pas les lettres expédiées d’un iceberg pour le voyageur philatéliste qui furent le mieux timbrées. Sous ce rapport-là, notre bonhomme aurait fort de se plaindre. Il ne manquera même pas, désormais, à sa propre collection.
(Cette histoire curieuse est arrivée en juin 1935).