L’Europe et la France au XIXe siècle
Les révolutions en Europe 1848 – Le printemps des peuples
Révolutions en Europe : Si l’insurrection parisienne de février provoque en France la chute de Louis-Philippe, 1848 est l’année des révolutions européennes (sauf en Angleterre et en Russie).
La crise économique
Les mauvaises récoltes de 1847 ont provoqué une flambée du prix des denrées alimentaires, réduisant la demande de produits industriels. Or ce secteur est déjà touché par une crise de surproduction qui affecte la production, l’emploi et les salaires; elle provient du développement du machinisme permettant de produire plus de marchandises, alors que les rémunérations salariales, créant la demande intérieure, augmentent beaucoup moins vite.
Le déclin autrichien
En Autriche, une révolution bourgeoise chasse Metternich (13 mars); les Hongrois et les Tchèques réclament leur autonomie; Berlin et Francfort arrachent des concessions au roi de Prusse; Milan, Venise et Rome se soulèvent contre la domination autrichienne ou pontificale. C’est le « printemps des peuples », au sens national et social du terme. Mais l’été qui suit voit le retour à l’ordre, à la suite de la répression armée à Paris, à Vienne et en Italie. Un an plus tard, la république romaine est vaincue par une intervention française rétablissant le pouvoir du Pape Pie IX, alors que l’insurrection hongroise est écrasée par l’armée ruse venant au secours de l’Empereur d’Autriche.
Cependant, si les aspirations populaires de réformes sociales ont désormais bien du mal à s’exprimer en France comme ailleurs, ces événements de 1848 contribuent à remettre en cause l’organisation politique interne des pays européens et annonçant le déclin de l’hégémonie autrichienne : la Prusse affirme sa prépondérance économique en Allemagne du Nord, par l’intermédiaire de Zollverain (union douanière des états allemands), avant d’infliger à l’Autriche la sévère défaite militaire de Sadowa (1866); en Italie, l’intervention de Napoléon III (1859-1860) avait déjà révélé la fragilité autrichienne et ouvert la voie à l’unification italienne qui sera réalisée en 1870.
Le politique et l’économique
Ces divers mouvements ont le plus souvent pris une forme politique, en raison du poids des gouvernements autoritaires ou de la présence étrangère, et du rôle de la bourgeoisie avide de liberté et voulant accéder au pouvoir. Mais la cause profonde et commune de ces événements est avant tout économique. La fin des années 1849 est en effet marquée par une double crise agricole et industrielle caractéristique du système capitaliste en voie de développement.
Dans ces conditions, le besoin de changement devient impérieux et les réformistes libéraux trouvent l’appui des forces populaires pour renverser les anciens pouvoirs et proposer de nouvelles formes d’organisation de la société. Celles-ci ne remettent cependant pas en cause les fondements mêmes de l’ordre économique et n’apportent que des solutions provisoires; et en définitive, les soulèvements populaires ou patriotiques sont partout écrasés. Cela renforcer le crédit de Karl Marx qui avait publié en 1847 le « Manifeste du Parti Communiste » prônant l’organisation de la classe ouvrière et l’union de la classe ouvrière des « prolétaires de tous les pays. »

La monnaie et l’épargne en France au 19e siècle
Préférant traditionnellement la terre et la pierre, les épargnants français son attirés par les placements à l’étranger au détriment de l’investissement productif intérieur.
Le système bancaire
Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour assister à la création des grandes banques françaises : le Comptoir National d’Escompte de Paris, créé en 1848, ne se développe vraiment qu’à partir des années 1860; le Crédit Foncier, le Crédit Industriel et Commercial, le Crédit Lyonnais et la Société Générale, fondés respectivement en 1852, 1859, 1863 et 1861, ne prennent de l’ampleur qu’après 1870, et le Crédit Commercial de France ne voit le jour qu’en 1894.
Par ailleurs, l’entrepreneur français – par souci d’indépendance financière et par peur de ne pouvoir rembourser – hésite à recourir au crédit bancaire. Les banques elles-mêmes préfèrent se cantonner dans la mobilisation des effets de commerce et la distribution de crédit à court terme plutôt que de s’engager dans des opérations de financement à long terme qu’elles jugent incertaines; elles craignent aussi de ne pouvoir faire face à une éventuelle demande massive de remboursements de la part de leurs déposants.
Ainsi, en 1885, les espèces en circulation et les billets de banques représentent encore plus de 80% de la masse monétaire et il faut attendre 1900 pour que cette part soit ramenée à 2/3 environ.
Le comportement des épargnants
Le comportement timoré des épargnants français au XIXe siècle est bien connu : ceux dont le revenu excède la consommation courante préfèrent les placements « sûrs », comme la terre, la pierre, les bons d’État (français ou étrangers), ou à la rigueur les obligations privées, et d’une façon générale les titres à revenu fixe plutôt que la prise de risque dans l’achat d’actions.
La masse monétaire en France, augmente de 1830 à 1913 de 3.0 à 9,4 (monnaie métallique), de 0.2 à 5.7 (billets) et de 0.2 à 12.1 (dépôts bancaires) en milliards de francs, selon M. Saint Marc, « Histoire monétaire de la France » (1800 – 1980), et « Annuaire statistique de la France ».
C’est ainsi que, durant les années 1830 – 1850, les avoirs immobiliers représentent environ les 2/3 du patrimoine des épargnants français, mais environ 55% de 1860 à 1870, cette part continuant cependant à se réduire progressivement durant le dernier tiers du siècle (environ 50% de 1885 à 1900, et 46% vers 1910).
De plus, vers le milieu du siècle, la part des rentes et obligations s’élève encore à plus de ¾ du total des valeurs mobilières françaises détenus par les épargnants et à plus de 2/3 en 1913; au début du XXe siècle un tiers du total des valeurs mobilières est constitué de titres étrangers, le plus souvent garantis par les États.
Mais l’épargne en France ne s’oriente qu’avec réticence vers le financement direct des entreprises productrices, cela ne provient pas seulement du comportement « spontané » des ménages. Cela s’explique aussi par la constitution tardive du système bancaire français, et l’attitude de ce milieu face au monde de la production.
On comprend alors que la croissance des investissements soit faible durant le XIXe siècle, en particulier dans l’industrie : d’après R. Cameron, la progression de la formation de capital serait d’environ 2 à 3 % par an de 1820 à 1850, de plus de 5% de 1851 à 1857; elle est négative (-2% en moyenne) de 1858 à 1882, et n’augmente que d’environ 1% de 1882 à 1897.
Mais la faiblesse des investissements s’explique aussi par les placements à l’étranger, dont l’exportation de capitaux atteint 1,3 milliards de francs en comparaison avec 0.1 milliards en 1844-1852, selon M. Levy-Leboyer, F. Bourguignon, « L’économie française au XIXe siècle, », Economica, 1985, p.72 et p. 293.
Les sorties de capitaux
Après 1850, la France a suivi les traces de l’Angleterre pour devenir en 1914 le second pays exportateur de capitaux, avec 45 milliards de francs, ce qui représente le 8,7 des 44 milliards de dollars placés dans le monde contre 18,3 milliards pour la Grande-Bretagne.
Quels sont les effets de ces sorties de capitaux sur le dynamise interne de l’économie française? Il est certains que l’investissement et l’industrialisation auraient été plus importants en France si l’épargne nationale avait été directement utilisée en dépenses productives. Remarquons toutefois que certaines périodes de sorties massives de capitaux sont aussi celles d’assez forte croissance intérieure; d’autre part, les investissements à l’étranger (et en particulier dans les chemins de fer) se sont accompagnés d’exportations de matériels français (rails, locomotives, wagons, ponts métalliques); enfin, après 1870 le revenu de ces placements fait plus que compenser les nouvelles sorties de capitaux : ainsi, la France bénéficie d’une entrée nette de revenus lui permettant de financer une partie du déficit de ses échanges de marchandises avec l’extérieur. Cela peut aussi contribuer à expliquer la reprise de la croissance de la fin du siècle, ainsi que la remontée des prix, dans la mesure où ces revenus augmentent la demande intérieure de biens de consommation et de production, et stimulent ainsi l’activité intérieure.
Lire aussi :