Légendes anciennes
Bien que ne possédant sur l’Asie et l’Afrique que de connaissance assez vagues, les Européens du Moyen Âge étaient fascinés par ces continents. Du fait de leur rôle dans la Bible, dont les Rois Mages étaient issus, l’Afrique source des richesses du Roi Salomon, constituaient des notions familières à tout Chrétien. Les histoires concernant ces régions, que l’on se racontait de génération en génération, faisaient partie de l’héritage des Européens. Exagérés par les conteurs du Moyen Âge, comme Sir John Mandeville, c’est sous des apparences de terres merveilleuses que ces récits fabuleux présentaient l’Afrique et l’Asie aux hommes du XVe siècle.
Une légende voulait par exemple qu’il existât quelque part en Afrique une rivière roulant des flots d’or, qui se déversait d’ailleurs dans un lac aux eaux bouillonnantes que nul ne pouvait attendre sans perdre la vie. Une autre légende racontait qu’il existait quelque part, perdu au milieu de ces continents aussi fantastiques un pays renfermant d’innombrables trésors, gardés par des dragons, sans cesse survolé par des oiseaux sans pattes, qui ne vivaient que dans les airs.
Il existait quelque part des moutons gros comme des bœufs. Des géants capables de patauger dans les océans et d’empoigner un vaisseau d’une main. Aussi il existait des femmes aux prunelles faites de pierres précieuses, dont un seul regard pouvait tuer le voyageur. Il y avait des hommes aux pieds si grands qu’ils pouvaient, dans certaine position, servir de parasol.
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Il existait aussi des légendes chrétiennes. L’une de ces légendes, née au XIIe siècle, s’était répandue. Elle voulait que le prêtre Jean, un despote chrétien d’une puissance et d’une richesse également fabuleuses, régnât sur un royaume localisé primitivement en Asie. Puis transporté quelque part en Afrique. Jusqu’au XVIe siècle, un espoir demeura tenace. À condition qu’une puissance européenne réussisse à entrer en communication avec le Prêtre Jean, l’Afrique se convertirait au christianisme.
Ces légendes s’épanouissaient parce que l’observation directe était impossible. En fait, l’Europe ignorait pratiquement tout de l’Afrique et de l’Asie. Certes, quelques commerçants avaient atteint les Indes, mais, par la suite, toute tentative de pénétration au-delà de la Syrie et de la Palestine fut mise en échec, d’abord, par les Perses et ensuite par les musulmans.
Il fallut attendre 1250 pour que le colossal empire mongol, qui s’étendait de la Chine jusqu’en Europe, permît aux Chrétiens de traverser ses territoires. En ce moment, de nombreux voyageurs profitèrent de l’ouverture de ce rideau asiatique. L’un d’entre eux, Marco Polo, un marchand vénitien, rapporta un compte rendu si remarquable de son périple et de son séjour à la cour de Kubilay Khân, vers la fin du XIIIe siècle, que « Le livre du Million », son journal de route, devint le plus populaire des récits de voyage jusqu’aux nos temps.
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Un siècle plus tard, les Ottomans mirent un terme aux voyages européens en abaissant le rideau. Brouillées par les renseignements rapportés par Marco Polo, les légendes asiatiques accrurent leur emprise sur les Européens.
Un voile plus impénétrable encore recouvrait l’Afrique. Les commerçants européens et asiatiques pouvaient commercer, négocier de l’or et des esclaves dans quelques ports de l’Afrique du Nord. Pourtant ils n’avaient jamais été autorisés à s’enfoncer à l’intérieur des terres du continent africain.
Telle était la situation globale vers le milieu du XVe siècle.