Le cordonnier à Québec
Les dernières décennies du XIXe siècle à Québec ont été marquées par une période de déclin dans le domaine des affaires industrielles et commerciales. La construction navale était déjà chose du passé et le trafic du bois avait considérablement diminué. De plus, le port maritime de Québec était supplanté par celui de Montréal. Bref, la ville de Québec vivotait.
Heureusement, c’est alors qu’apparaît l’industrie de la chaussure, avec sa sœur jumelle, l’industrie du cuir. Ces deux industries ont fait la prospérité des Québécois jusqu’aux années 1940.
Avant l’implantation de la cordonnerie mécanique, la fabrication des chaussures relevait uniquement de l’artisan. Le maître-coordonnier savait faire, de ses propres mains, toute la chaussure, depuis la semelle jusqu’à l’empeigne. Il était tailleur, monteur, couturier, polisseur…
Bref, un cordonnier, c’était un ouvrier dans toute l’acception du terme. Il était assis sur son petit banc, avec son tablier de cuir, les manches de chemise retroussées au-dessus des coudes, les paumes des mains recouvertes d’un morceau de cuir pour lui permettre de tirer avec force sur son ligneul. Il travaillait, un poinçon dans la main gauche, le marteau dans la droite, la bouche remplie de pointes, et cognant sur sa semelle du matin au soir.
À son petit banc était fixé, à portée de main, un casier sur lequel était rangé tout son outillage: marteaux, pinces, chevilles de bois et d’acier, couteaux, pierre à aiguiser, «on ne perd pas son temps quand on aiguise ses outils», dit le proverbe.
On y voyait aussi du fil de lin, un morceau de brai pour cirer son fil et des soies de cochon pour raidir les bouts du ligneul. Il y avait encore des alênes, des morceaux de vitre, du papier sablé, des pots de colle et de vernis, un morceau de bois pour polir, etc.
À côté du cordonnier, par terre, il y avait un seau contenant de l’eau pour faire tremper le cuir à semelle, un poteau sur lequel il fixait sa forme en bois ou en fer, enfin une courroie passant sous le pied et servant à maintenir la chaussure sur son genou. Sur les tablettes étaient rangées les différentes formes.
Tel était l’assortiment d’outils que maniait le cordonnier pour faire sa chaussure. Outillage très simple, mais qui permettait à un ouvrier habile de faire une belle pièce d’ouvrage.
Opérations :
Voici comment procédait le cordonnier: D’abord, il taillait ses semelles, ses talons et ses renforts. Il taillait ses empeignes et en assemblait les différentes pièces, en les cousant.
La seconde opération consistait à monter l’empeigne sur la forme. C’est alors que la pince courbe entrait en jeu. Puis il moulait son empeigne sur la forme en la fixant avec des chevilles qu’il tenait généralement dans sa bouche et qu’il enfonçait dans la fausse semelle.
Une fois le montage terminé, le cordonnier posait la semelle, soit par l’enchevillement, soit par la couture. C’est alors que l’ouvrier, armé de son alêne et de son ligneul, cousait la semelle à l’empeigne. Entre cette semelle et la fausse, il ajoutait quelquefois une semelle en liège qui protégeait contre l’humidité.
La dernière opération était le finissage. En tenant sa chaussure solidement appuyée contre sa poitrine, le cordonnier «trimait», découpait avec son couteau le rebord de la semelle et la rasait avec un morceau de vitre ou du papier sablé pour le rendre uniforme. II vernissait de noir ce rebord, et, avec un fer chaud, il lui donnait du reluisant. Avec son couteau, il finissait aussi les talons et les polissait de la même manière.
Pour le finissage de la semelle, il employait une colle à farine pour boucher les pores du cuir et lui conserver sa couleur naturelle. Puis il la «glaçait» en la frottant énergiquement avec un morceau de bois.
Telles étaient les diverses opérations nécessaires pour faire une bonne et belle chaussure. D’habitude, un cordonnier en faisait un lot d’une douzaine, avant de recommencer un autre lot d’une pointure différente.
Hélas! pourquoi faut-il que cette chaussure faite à la main ait disparu?
(d’après Albert Jobin, Histoire de Québec, 1948, Éditions St-Jean-Bosco).
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BOnjour,
Je vous invite à illustrer votre propos par l’automate de cordonnier, ayant appartenu à Alphérie (Alphée) Ouellet (juillet 1912- mars 1975 ), cordonnier installé, entre 1938 et 1942, au 23 côte Ste-Claire à Québec. Cet objet conservé au M-usée de la civilisaton porte le no d’inventaire : 89-60 . Lien https://collections.mcq.org/objets/53827
Bonne journée