Des épisodes de la vie de Louis-Joseph, marquis de Montcalm
L’éducation de Montcalm
Louis-Joseph, marquis de Montcalm, naquit le 28 février 1712, au château de Candiac, près de Nîmes. Sa famille, une des plus anciennes de Rouergue, savait répandre son sang pour la France ; « la guerre, suivant un vieux dicton du pays, est le tombeau des Montcalm ».
L’éducation de l’enfant fut confié à un maître célèbre dans l’enseignement, Louis Dumas ; c’était l’inventeur du bureau typographique, curieux procédé qui, dans des mains habiles, a plus d’une fois donné de prodigieux résultats, témoin, le frère cadet de Louis-Joseph, mort à sept ans, parlant l’hébreu, le grec et le latin. À peine entré dans sa quatorzième année, le jeune Montcalm quitta l’école pour l’armée, mais sans cesser l’étude. Du camp d’Otrebach, en 1734, il écrit à son père : « J’apprends l’Allemand et je lis plus de grec, grâce à la solitude, que je n’en avais lu depuis trois ou quatre ans ».
À vrai dire, ce goût des langues anciennes, il le cultiva toute sa vie. Peu de lettrés ont possédé l’antiquité mieux que cet homme de guerre, qui, par ce trait, comme par une indomptable énergie, ressemble plus aux capitaines du XVIe siècle, qu’à ceux de son temps. Montcalm et le Canada français.
(Charles de Bonnechose).
Montcalm et sa femme
Au risque de dépoétiser un peu notre héros, nous avouerons qu’il ne fut pas ce qu’on appelait au dix-huitième siècle un homme sensible. Sévèrement élevé et soldat dès l’âge de treize ans, il paraît avoir introduit dans sa maison quelque chose qui ressemblait à la discipline militaire ; il fut un peu mari et père sans phrases, comme il était soldat.
Cependant cet homme si laconique, si absolu, si maître, s’incline profondément devant une grande figure qui plane sur sa vie, la marquise de Montcalm Saint-Véran, sa mère. Vis-à-vis de sa femme, « sa très chère et très aimée », il ne se montre d’abord qu’époux fidèle et protecteur. Mais à mesure que le ciel s’assombrira, à mesure que l’espérance mourra dans son cœur, des soupirs étouffés sortiront de ses lettres : d’année en année l’exilé deviendra plus tendre, plus expansif, jusqu’à s’écrier une fois : « Mon cœur, je préférerais le plaisir de t’embrasser à celui même de battre le général Abercromby ».
(Montcalm et le Canada français. Par Charles de Bonnechose).
Montcalm et la société de Québec
Pendant les dernières années du régime français, le salon de madame de Lanaudière fut un des plus recherchés de la capitale. « La petite rue du Parloir, dit M. l’abbé Casgrain, était un des principaux centres où se réunissait le beau monde de Québec. On y recherchait surtout deux salons surtout : celui de madame de Lanaudière et celui de madame de Beaubassin. Toutes deux renommées pour leur élégance et leur esprit. Les charmes de la conversation de madame de Beaubassin semblent avoir eu particulièrement de l’attrait pour Montcalm, car son salon était celui qu’il fréquentait le plus souvent.
Ailleurs, comme chez l’intendant, ou chez madame Péan, il se désennuyait, quelquefois il s’étourdissait ; chez madame de Lanaudière, il s’intéressait, mais chez madame de Beaubassin, il s’attachait. La condescendance ou la politesse l’entraînaient ailleurs ; ici c’était l’amitié.
(La famille Dcschamps de Boishébert. Par P.-G. Roy)
Montcalm jugé par un sauvage
Montcalm avait une très petite taille, et une figure agréable, qu’animaient des yeux extrêmement vifs. Un chef sauvage, étonné que celui qui faisait des prodiges ne fût pas de grande stature, s’écria, la première fois qu’il le vit :
« — Ah ! que tu es petit ! mais je vois dans tes yeux la hauteur du chêne et la vivacité de l’aigle ».
(Histoire du Canada. F.-X. Garneau).
Un hommage de Montcalm
Montcalm expira à quarante-sept ans, le 14 septembre au matin. On l’enterra le soir du même jour, au bruit de la canonnade et à la lueur des flambeaux, dans l’église des Ursulines. La seule à Québec qui ne fut qu’à moitié détruite par les projectiles. La tradition veut que son corps ait été déposé dans l’excavation formée par l’explosion d’une bombe anglaise. Le fait n’est pas prouvé. Mais qu’importe ! Montcalm n’a-t-il pas été enseveli, comme il l’avait juré, sous les ruines de la Nouvelle-France ?
Dans son agonie, il s’écrie : « Ma consolation est d’avoir été vaincu par un ennemi aussi brave ».
(Montcalm et le Canada-Français. Charles de Bonnechose)
Mort de Montcalm et de Wolfe
À la bataille des Plaines d’Abraham, une balle frappe d’abord Wolfe au poignet, une seconde puis une troisième l’atteignent à la poitrine. Alors il chancelle : « Soutenez-moi, dit-il, que le soldat ne me voie pas tomber ». On l’emporte ; le mourant entend dire : « Ils fuient » ! — « Qui » ? demande-t-il ? — « Les Français », lui répondit-on. — « Je meurs heureux », murmure le héros. Il expire après avoir donné l’ordre de couper la retraite à l’ennemi par la vallée de Saint-Charles.
Pendant ce temps, Montcalm le général de l’armée vaincue, revenait lentement à cheval, soutenu de chaque côté par un grenadier, et entrait, tout sanglant, à Québec, par la porte Saint-Louis. Deux fois touché au milieu de la mêlée, il avait, en ralliant les tirailleurs, pendant la retraite, reçu une balle dans les reins.
« Combien de temps à vivre ? demanda-t-il au chirurgien qui sonde sa blessure. — Quelques heures seulement, mon général. — Tant mieux, je ne verrai pas les Anglais à Québec ». Puis il s’étend paisiblement sur son lit de mort. L a journée du soldat a été rude, mais la campagne finit. Ramesay, gouverneur de Québec, lui demande ses ordres : « Mes ordres, répondit-il, je n’en ai plus à donner ; j’a i trop à faire en ce grand moment, et mes heures sont très courtes. Je vous recommande seulement de ménager l’honneur de la France ».
(Montcalm et le Canada français. Par Charles de Bonnechose).