La guerre de 1812

La guerre de 1812 : quelques faits d’armes

Au mois d’octobre 1812, on apprit que 15,000 Américains commandés par Dearborn se dirigeaient sur Montréal.

Un détachement de 2,000 hommes, s’étant aventuré jusqu’à Odelltown, fut repoussé par les Voltigeurs de Salaberry sans engagement sérieux. Dearborn, à cause de la saison avancée, on était au 20 novembre, retourna en son pays, mettant fin à la campagne de 1812, qui avait été violente dans le Haut-Canada seulement.

À l’automne de 1813, le gouverneur Prévost reçut nouvelle que l’ennemi rassemblait ses forces à la frontière du Bas-Canada pour une attaque contre Montréal. Il se rendit dans cette ville, où le major général de Watteville exerçait le commandement en chef. Prévost prit la direction de la défense de la ville et chargea de Watteville d’aller au-devant des Américains.

Après avoir concentré, à Burlington, environ 4,500 soldats réguliers et un corps de miliciens, le général Hampton envahit le territoire canadien au milieu d’octobre.

Après avoir culbuté un de nos avant-postes, Hampton gagna la rivière Châteauguay où il campa, le 25 octobre 1813.

Le lendemain, Hampton, avec le gros de son armée, longeait la rive nord, lorsque l’avant-garde se vit barrer le chemin par de Salaberry à la tête de deux compagnies des Voltigeurs et d’une compagnie des Glengary Fencibles écossais, avec G. McDonell, commandant en second, et des sauvages, sous les ordres de Lamothe. Un détachement d’infanterie légère américaine se heurta aussi sur la rive sud à une compagnie des bataillons d’élite, dirigée par les capitaines Daly et Bruyères. La bataille s’engagea sur les deux rives vers onze heures du matin et dura environ quatre heures. L’infanterie ennemie se jeta hardiment contre les positions du colonel canadien et fut reçue non moins vigoureusement par Voltigeurs et Fencibles, tous francs-tireurs, postés derrière des abattis. De Salaberry avait placé dans les bois environnants des trompettes, dont les appels, mêlés aux cris des sauvages, donnèrent à l’ennemi l’illusion d’une nombreuse armée dispersée dans la forêt.

La perspective de voir se dresser devant lui des régiments nouveaux empêcha Hampton de se jeter à plein corps dans la mêlée; et le décida à retraiter. L’engagement de son avant-garde lui avait coûté soixante-dix morts et plusieurs blessés. Du côté canadien l’on compta cinq morts et deux capitaines, un sergent et treize soldats blessés. (Archives Canadiennes: Série Q, vol. 122, pp. 255 à 261.— Rapport de l’adjudant général, Edward Baynes).

La bataille de Châteauguay ne fut en réalité qu’un engagement entre les quelque centaines d’hommes du lieutenant-colonel de Salaberry et les premières colonnes du général Hampton. Mais la courageuse résistance des Canadiens et des Ecossais détermina l’ennemi à rebrousser chemin et sauva Montréal de l’invasion étrangère.

Dans une lettre adressée, le premier novembre, à l’adjudant général, de Salaberry raconte la préparation et la journée de cet épisode militaire, d’une importance relative, mais dont les conséquences furent durables, puisqu’il fut suivi de 125 ans de paix canado-américaine. (Canadian Antiquarian Journal, 1899. No 2, p. 83 — Lettre du colonel de Salaberry à Fadjudant-général, Edward Baynes, 1er novembre 1813).

« Quand il fut rapporté, le 21 dernier, à l’église de Châteauguay que, dans la nuit, l’ennemi avait surpris l’avant-poste sur le chemin Peper, on m’exprima le désir de me voir prendre de l’avant avec mon corps vers English River. Remarquant, dès mon arrivée, que l’intention de l’ennemi était apparemment de descendre la rivière Châteauguay, pour se diriger sur Montréal, je ne perdis aucun temps pour faire avancer les troupes et choisir les trois positions les plus avantageuses et les fortifier le mieux qu’il m’était possible (n’ayant que quelques haches), et je distribuai les troupes pour les défendre. J’ordonnai aussi d’élever le fameux abattis, situé à deux milles en avant de ces positions, où je me rendis le 26, et d’où je reconnus que l’armée américaine était en marche. Sur quoi je mis la dernière main à mon plan de défense de chaque côté de la rivière Châteauguay. De cet endroit (l’abattis) après un sérieux et obstiné engagement de quatre heures avec l’ennemi, je réussis à l’empêcher de pénétrer dans le pays, comme il en avait l’intention et, en définitive, je le forçai à se retirer dans ses anciennes lignes, cinq milles en arrière; ayant perdu 70 tués et 16 prisonniers, sans compter un grand nombre de blessés, 150 fusils, six tambours, etc., etc., qui tombèrent entre nos mains. Il est vrai que le général de Watteville a inspecté mes positions et les a approuvées, ainsi que les ordres donnés par moi pour les défendre.

Mais toutes les dispositions prises pour rencontrer l’ennemi, le 26, le furent de mon chef et par moi-même. Personne n’est intervenu auprès de moi et pas un seul officier de rang supérieur ne s’est présenté avant la fin du combat. Il est vrai que j’ai été habilement secondé par le lieutenant-colonel McDonell des Glengary Fencibles, qui avait pris position au gué, deux jours avant, et par tous les officiers commandés par moi. (6 Ces officiers étaient les capitaines G. McDonell, Ferguson, J,-B. Duchesnay, J. Duchesnay, les adjudants Hobden, Daly et O’Sullivan et Lamothe, commandant des sauvages). Je me suis placé en avant de l’abattis avec l’idée de commencer la défense du pays.

Je jugeai que la position était bonne, d’où je pouvais avoir une vue de la colonne ennemie, que je savais être en marche. C’était une entreprise presque désespérée. Elle a réussi, et l’ennemi, au lieu de se diriger sur Montréal, s’en est retourné à Four-Corners. »

Le nombre exact de ceux qui prirent part à l’affaire n’est pas connu. Mais l’on sait qu’il se composait de deux compagnies des Voltigeurs canadiens, d’une compagnie des Glengary Fencibles écossais et d’une compagnie du 3e bataillon d’élite, en tout peut-être 300 ou 400 hommes. Avec cet effectif restreint, de Salaberry réussit à barrer la route de Montréal à environ 7,000 Américains.

L’entreprise était audacieuse et sa réussite en fit un événement militaire glorieux et d’une extrême conséquence.

Et pourtant le mérite du commandant canadien ne fut pas tout de suite reconnu et le général de Watteville en eût d’abord le crédit.

Mais un témoin oculaire de ce beau fait d’armes en publia un récit anonyme détaillé, dans lequel il rétablissait la vérité des faits. Ce témoin n’était autre que l’adjudant O’Sullivan, devenu plus tard juge en chef de la province. D’autre part, le lieutenant-colonel G. McDonell écrivait dans une lettre à sir Henry Terrens, datée du 14 janvier 1817: Ayant commandé en second à la bataille de Châteauguay, je puis vous affirmer sur mon honneur que le mérite du choix de la position et la manière de conduire l’action appartiennent entièrement au lieutenant-colonel de Salaberry, qui, dans l’un et l’autre cas, n’a été guidé que par son jugement seul. Le major général de Watteville n’est arrivé sur le champ de bataille qu’après la défaite de l’ennemi et après avoir été prévenu par moi-même que nous étions chaudement engagés avec l’ennemi.

Le lieutenant-colonel de Salaberry a eu la bonne fortune, en cette circonstance d’infliger une défaite à 7,000 hommes de troupes régulières.

En reconnaissance de ces services, Prévost demanda d’envoyer des drapeaux au cinq bataillons d’élite et le prince régent, en 1814, donna l’ordre d’envoyer des drapeaux à la milice incorporée. Les Voltigeurs durent attendre quelques années de plus pour qu’on se rappelât qu’ils avaient été le facteur principal de la victoire. Us reçurent alors cinquante âcres de terre chacun, et les Écossais de McDonell cent acres. Tous furent gratifiés de la demi solde à la conclusion de la paix.

À l’annonce de la victoire anglo-allemande à Waterloo, on organisa à Montréal une souscription publique pour venir en aide aux veuves et orphelins de ceux qui étaient tombés dans les Flandres. Cet acte de charité terminait la guerre canado-américaine.

Il semble que l’histoire doive réunir dans une commune louange de Salaberry et Hampton. Sans doute, la défense glorieuse du colonel canadien est bien dans la tradition de l’héroïsme militaire; mais le geste du général américain, pour être moins brillant, n’a-t-il pas commencé cette ère de paix qui dure depuis 125 ans entre nos deux pays ? On peut bien se demander sans scandale quel est celui des deux gestes qui a été le plus utile au Canada.

Fleurs en hiver
La nature. Photo de Histoire du Québec.ca.

Laisser un commentaire

Exit mobile version