La justice en Nouvelle-France

La Justice en Nouvelle-France : Quatre sentences des temps immémoriaux… (1664-1667)

Le 12 juillet 1664 : Deux joyeux noceurs

Justice en Nouvelle-France : Les dénommés Labrière et Lafleur apprennent à leurs dépens qu’il est périlleux de se promener en ville en état d’é… hic!… ébriété avancée.

La veille de la comparution, soit le 11 juillet 1664, c’est le procureur général lui-même qui est témoin de la bacchanale de l’un des fêtards et « étant à la basse ville (Place Royale), il vit le nommé Lafleur, habitant de la Pointe de Lévis, beaucoup gâté de boisson » . Quant à l’autre, Labrière, ce sont des témoins qui ont dénoncé son comportement au procureur général.

Les deux sont condamnés alors à payer chacun une amende de dix livres qui sera versée « aux pauvres de l’Hôtel-Dieu de cette ville ».

Ce Labrière est Pierre Lenormand dit Labrière, originaire de Montagne et décédé à Hôtel-Dieu de Québec en 1707. Au moment de sa cuite, il est célibataire puisque son mariage avec Catherine Normand aura lieu en septembre 1665. Aucun détail sur Lafleur, le jugement ne précise pas son prénom.

Le 25 juillet 1664 : Ce que femme veut

Le 20 juin 1664, Madeleine Macart présentait une requête à la cour pour la séparation légale de ses biens de ceux de son mari, Charles Cadieu dit Courville. Le but n’est visiblement pas la dissolution de leur mariage car ils auront plusieurs enfants après 1664. Mais des malheurs accablent la famille et les créancier rôdent. Jean Lesueur, Jacques Lamothe et Louis Péronne.

Macart veut probablement protéger la survie matérielle de sa famille « attendu que son mari a contracté plusieurs dettes », et, pour les honorer, « il serait contraint d’aliéner et de vendre le peu de biens » qu’ils ont ensemble. D’ailleurs, l’épouse mentionne deux catastrophes :

« Les inondations de la rivière qui ont renversé leur maison et le manque de payement de prêts qu’ils ont consentis à des Amérindiens. » Elle exige de « reprendre ce qu’elle aura apporté en mariage ».

On l’imagine bien, l’opinion des créanciers diverge de celle de Macart et ils s’opposent « à la dite séparation attendu qu’elle n’était demandée qu’en vue de les frustrer de leur légitime créance et demandent qu’elle soit déboutée de ses prétentions ».

Tout ce beau monde revient au tribunal d’appel le 25 juillet 1664. La cour a « déclaré la demanderesse séparée quant aux biens d’avec ledit Cadieu son mari ».

Jean Lesueur est prêtre; il est aussi le chapelain de l’Hôtel-Dieu de Québec. Jacques de Lamothe est un marchand.

Natif de Normandie, Charles Cadieux dit Courville, armurier, épouse Madeleine Macart vers 1652 à La Rochelle. Le couple vivra à Québec puis à Beauport; ils auront dix enfants.

Le 23 avril 1665 : Un cabaretier contesté

Des citoyens se regroupent pour demander au tribunal de condamner à une amende le cabaretier Gabriel Lemieux et son épouse qui vendent leur vin plus cher que le permet la loi. À l’époque, un cabaret est une maison où l’on sert à boire et à manger.

Les demandeurs sont frustrés, car le couple vend le vin plus chers que le tarif établi par règlement, soit vingt sols le pot. Pour trouver « que Gabriel Lemieux et sa femme avaient outrepassé lesdits arrêts », le groupe fait comparaître des témoins.

Précisons ici que ce genre de cause ne constitue pas un fait isolé et il est fréquent que des citoyens demandent l’aide du tribunal pour diminuer l’appétit des marchands relativement aux prix des produits, dont celui du vin. Dans un jugement daté du 18 mars 1665, il est stipulé que plusieurs cabaretiers fraudent leurs clients en vendant le vin trop cher. Dans un autre jugement, datant également du 18 avril 1665, on apprend qu’un groupe de mécontents poursuit Marguerite Corriveau, épouse de Jean Maheux, parce qu’elle vend son vin vingt-quatre sols le pot au lieu de vingt sols.

Dans la présente cause, le témoin Pierre Creteil affirme que, durant les trois dernières semaines, « il a été quérir du vin à pot chez lesdits Lemieux, trois ou quatre fois, lequel vin il a payé vingt-deux sols le pot, d’autant qu’ils ne voulaient lui en donner à moins ».

Le second témoin, Jacques Lozier, a vécu la même expérience : « Il a été quérir, depuis douze ou treize jours, un pot de vin chez Gabriel Lemieux, lequel il paya vingt-deux sols. »

On entend par la suite la version des accusés. Marguerite Lebœuf, épouse de Lemieux, témoigne en premier. Elle est formelle: jamais elle n’a vendu un pot de vin plus cher que vingt sols! Mais, vers la fin de son témoignage, elle ne fait sûrement pas plaisir à son mari en avouant se souvenir de trois transactions à vingt-deux sols le pot. À son tour, Gabriel Lemieux dit avoir vendu des pots de vin à vingt-deux sols, mais seulement une dizaine de fois et surtout parce qu’il « avait acheté le vin bien cher » chez son fournisseur.

En raison de preuves accablantes, le couple est reconnu coupable et on condamne « Lemieux et sa femme à dix cus d’amende »; on les prévient que s’ils récidivent le coût de l’amende sera alors mémorable.

Natif de Normandie, Gabriel Lemieux épouse Marguerite Leboeif à Québec, le 3 septembre 1658. Lors du procès, Lemieux a 39 ans et son épouse, 25 ans.

Le 26 avril 1667 : Une fausse accusation d’adultère?

Le 26 avril 1667, Gabriel Lemieux et Marguerite Lebœuf seront de retour au tribunal, cette fois-ci dans une présumée affaire de mœurs.

Lemieux dépose une requête exigeant que cesse l’enquête dont fait l’objet son épouse. Dans le domicile conjugal, elle aurait commis le crime d’adultère. En fait, l’adultère est un crime très grave et les peines ne sont pas légères.

Lemieux explique « qu’il est averti qu’il y a instance criminelle contre Marguerite Lebœuf, sa femme, à la requête du procureur général, pour raison de quelque malversation qui tend à la convaincre du crime d’adultère ». Le mari plaide que cette thèse est impossible puisqu’il aurait été le premier à s’en rendre compte et « qu’il a toujours bien vécu depuis qu’il est marié avec elle et sans reproche ». Il est vrai qu’à cette période le couple vit d’énormes problèmes financiers et que des créanciers les harcèlent. Selon le mari, cette histoire est un complot, « une pure calamité suscitée par des gens qui sont ses ennemis de son repos et celui de sa femme ».

Le mari gagne sa cause et la cour met un terme à cette affaire.

Par Guy Giguère, La Scandaleuse Nouvelle-France, histoires scabreuses et peu édifiantes de nos ancêtres, 1958.

Pour compléter la lecture :

Secteur des palais Québec Justice en Nouvelle-France
Secteur des palais de Québec. Crédit photo : Histoire-du-Québec.ca.

Laisser un commentaire