Situation historique des juifs au Canada
André Champagne nous apprend qu’au tournant du XXe siècle, avant la révolution bolchévique de 1917, un grand nombre de Juifs arrivent au Canada de la Russie impériale. Ils sont originaires de Lituanie, d’Ukraine, de Roumanie ou de Pologne. Ils passent par chez nous dans le but de gagner les États-Unis, car c’est l’économie nord-américaine qui les attirée Mais comme Montréal, à cette époque, offre des emplois qui leur conviennent, plusieurs de ces immigrants restent chez nous.
Mais ce n’est d’hier que des Juifs sont venus au Canada. Déjà, vers 1752, on peut relever leur présence à Halifax. Après la Conquête de 1760, ils vivront ici en permanence.
Aaron Hart
L’historiquen et archiviste juif Louis Rosenberg nous fait découvrir que le premier Juif qui va immigrer au Québec est un officier de l’état-majour du général Amherst. Il arrive à Montréal en 1760 avec les conquérants. Son nom : Aaron Hart. Il part s’établir aux Trois-Rivières et deviendra plus tard seigneur de Bécancour. D’autres officiers de l’armée anglaise se fixent de façon permanente et participent aux guerres indiennes. Parmi les plus importants, citons Emmanuel de Cordova, Hananiel Garcia, Isaac Miranda et Samuel Jacobs. On apprend aussi qu’un autre capitaine d’origine juive, Alexander Schomberg, commandait la frégate Diana qui, en 1760, empêcha les Français de reprendre la capitale.
Le premier groupe juif à s’installer pour de bon à Montréal fait partie de la communauté hispano-portugaise. Plusieurs noms importants sont à retenir. Jacob Frank, qui devient un des plus importants négociants de fourrures indépendant de l’époque. Henry Joseph, qui fonde avec d’autres la marine marchande canadienne et qui est le premier à faire du commerce avec l’Angleterre en utilisant des bateaux canadiens. Son fils, Jacob Joseph, est l’un des fervents promoteurs de la première ligne téléphonique au Canada. Il travaille aussi à la construction de lignes ferroviaires. On doit à Jesse Joseph, un autre membre de cette famille, la création des premières compagnies de gaz à Montréal. Il s’intéresse aussi à l’établissement de lignes de tramways à Montréal. Et nous n’oublions pas l’ingénieur Sigismond Mohr, qui, le premier, réussit à introduire le système d’énergie hydro-électrique au Canada après avoir installé l’éclairage électrique à Québec.
L’émancipation politique
Louis-Joseph Papineau, le patriote dont la politique va aboutir aux soulèvements de 1837-1838, revendique l’émancipation politique de ses compatriotes juifs au Canada. En effet, en 1807, Ezekiel Hart, fils d’Aaron, est élu député des Trois-Rivières à l’Assemblée législative du Bas-Canada. Élu, oui, sauf que la majorité des députés lui refusent la permission de siéger. Simplement parce qu’il insiste pour prêter serment suivent le rituel juif, c’est-à-dire tête couverte et main sur l’Ancien Testament plutôt que sur l’Évangile.
Comme nous le rapporte Robert Prévost dans « Il y a toujours une première fois » : « En 1825, la communauté juive compte environ 90 citoyens. Elle demande l’autorisation de tenir ses propres registres d’état civil. Une loi à ce sujet est adoptée en 1830 et sanctionnée par Londres. En mars 1831, John Nielson, député du parti de Papineau, présente un projet de loi qui accorde aux Juifs les mêmes droits et privilèges qu’à tous les citoyens du Bas-Canada. On adopte la loi en deuxième lecture le 18 mars et en troisième, le lendemain. Elle sera sanctionnée à Londres le 5 juin 1832. Par cette loi, c’est dans la province francophone que, pour la première fois et dans tous l’Empire britannique, les Juifs obtiennent le complet affranchissement politique. La législature accorde aux Juifs la permission d’exclure du serment d’office les mots : « Je fais serment sur la foi d’un chrétien. »
Avocats, professeurs et médecins
En novembre 1824, Aaron Ezekiel Hart devient le premier juif à être reçu avocat au Canada. Le mois suivant, un lointain cousin, Thomas Storrs Judah, est à son tour admis au Barreau. Viendront ensuite le frère de Thomas, Henry Hague Judah (en 1828), et d’autres cousins d’Aaron Ezekiel : Aaron Philip Hart (en 1830), Elzear David (en 1832) et Moses Samuel David (en 1837). Un frère d’Aaron Ezekiel, Adolphus Mordicai Hart, est aussi reçu avocat, en 1836.
Philip Hart, qui étudia à l’Université McGill et obtint son diplôme en 1835, fut le premier médecin juif au Canada.
En 1848, Alexander Abraham De Sola, descendant d’une famille judéo-portugaise, est engagé comme professeur à l’Université McGill, à Montréal. C’est la première fois en Amérique qu’un ministre de la religion juive obtient un tel poste. C’est le même homme qui fonda à Montréal la première école juive.
(Source : Marcel Tessier raconte, chroniques d’histoire, Éditions de l’homme, 2000. Tome 1).
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