Journaux et publications entre 1760 et 1940

Journaux et publications de Montréal entre 1760 et 1940

Dans une ville de l’importance de Montréal, l’éducation postscolaire est le complément nécessaire de l’économie éducative. De fait les maisons d’enseignement, quelles qu’elles soient, n’en donnent que les éléments fondamentaux et comme dans l’abstrait; tandis que les institutions, que nous allons décrire, continuent l’éducation, mais cette fois de façon concrète, dans l’ordre des faits et de la vie pratique.

De tous les facteurs d’éducation, le journal et la revue sont les plus populaires, les plus répandus, sinon les plus effectifs. Ils agissent incontestablement sur l’opinion publique et contribuent à la longue, selon qu’ils sont indépendants ou serviles, à former ou à fausser la mentalité du peuple. En tout cas, ils reflètent l’esprit d’une époque.

Voici un court historique des périodiques de Montréal depuis les débuts.

Journaux et revues du siècle dernier n’avaient pas l’importance (en volume et tirage) de ceux d’aujourd’hui; mais, eu égard au chiffre de la population et surtout grâce à leur indépendance d’idées, il est bien sûr que leur in fluence sur la société devait être bien plus effective.

À Montréal, au premier temps de la cession, le groupe français, soit quatre-vingt-dix pour cent de la population, a été le premier à bénéficier d’un journal: la « Gazette Littéraire », fondée par deux Français, Joutard et Mesplet, en 1777. Ce fut là une création de la propagande révolutionnaire américaine au pays. Malheureusement le caractère frondeur de cette feuille força les éditeurs bientôt à la supprimer. La publication en fut ensuite reprise, dans la note plutôt littéraire et de caractère bilingue, en 1795, par Thomas Turner, qui la passa à E. Edwards en 1804.

Durant cinquante ans, c’est tout ce que le Montréal français connut de publications, et aucun organe politique et social ne fut créé pour diriger ou former l’opinion. Quand, vers 1830, apparurent de nouvelles publications françaises, les Anglais de la ville avaient déjà pour les renseigner et répandre leurs idées la « Montreal Gazette » et le « Daily Herald »; ce dernier avait été fondé par William Gray en 1811.

Dans la période suivante, d’environ cinquante ans, soit de 1820 à 1870 à peu près, parurent les journaux et les revues suivants, sans qu’il nous soit possible d’indiquer la durée de chacun. La « Montreal Gazette » et le « Montreal Daily Herald » sont les pionniers des journaux montréalais, mais parurent ensuite la « New Montreal Gazette », le « Spectator », journal bilingue, fondé par un Irlandais vers 1814 le « Vindicator », autre feuille sympathique aux Canadiens, le « Montreal Magazine », le « Canadian Review », le « Christian Sentinel », feuille de propagande religieuse, le « Canadian Miscellany », de caractère littéraire, le « Morning Courrier », le « Canada Times », le « Commercial Messènger », le « Times & Commercial Advertiser », le « Montreal Transcript », le « Canada Baptist Magazine », enfin le « Temperance Advocate », et peut-être d’autres que nous ne connaissons pas. La plupart de ces publications n’eurent qu’une existence éphémère.

Quant aux publications françaises de la même époque, elles furent beaucoup moins nombreuses; mais d’une assez bonne tenue et souvent intéressantes.

La « Minerve » est le pionnier des journaux politiques français de Montréal. Commencée en 1834 par Ludger Duvernay, la publication en dura près d’un siècle. Avec des fortunes changeantes, la (( Minerve » fut souvent le défenseur des intérêts canadiens, à l’époque des troubles et de l’union législative. Sur la fin, le journal devint l’organe du parti conservateur et défendit la confédération.

Après la « Minerve » parurent la « Bibliothèque Canadienne » (revue littéraire), l’« Ami du peuple », 1’« Aurore des Canadas », sous l’Union, le « Courrier ».

La « Revue canadienne », publiée chaque mois, connut aussi une existence quasi séculaire. L’ »Etendard », qui dura quelques années, à la fin du dernier siècle, fut toujours l’organe du parti libéral.

La « Patrie », fondée par Honoré Beaugrand, en 1878, est aujourd’hui le doyen des journaux français; la « Presse », lancée par Trefflé Berthiaume, en 1884 est le plus répandu des journaux français d’Amérique; le « Canada », le « Devoir », fondé par M. Henri Bourassa en 1909, « l’Illustration », avec la « Patrie » et la « Presse » forment aujourd’hui le journalisme français quotidien de notre bonne ville de Montréal, ayant une circulation moyenne d’environ 300 mille copies par jour. D’autres publications hebdomadaires ont aussi cours, mais ne s’adressent généralement qu’à un public spécial. Telles sont le « Quartier latin », journal des étudiants, le « Monde ouvrier », 1’« Autorité », le « Petit Journal », « Radio-monde », la « Voix Nationale », le « Jour », etc.

Parmi les journaux, aujourd’hui disparus, mais qui eurent dans le temps de l’importance et dont quelques-uns méritaient de durer, mentionnons le « Pays », feuille doctrinaire fondée par Godefroi Langlois et qui vécut une vingtaine d’années, le « Nationaliste » lancé par Olivar Asselin, et qui servait de tribune au mouvement nationaliste, l’« Ordre » et son successeur la « Renaissance », également mis au jour par Asselin, l’« Action », hebdomadaire fondé par Jules Fournier, après la disparition du « Nationaliste ».

Dans le monde des revues, les publications anglaises ou américaines ont surtout la faveur du public. Nous n’avons à notre actif que la « Revue trimestrielle », publiée sous les auspices de l’École des Hautes Études commerciales. Parmi les magazines populaires illustrés, paraissent encore la (( Revue moderne », le « Samedi », la « Revue Populaire » et quelques autres.

Dans le passé, nous avons eu la « Revue de Montréal », de durée éphémère, le « Monde illustré », la « Canada Revue », célèbre surtout par ses difficultés avec l’autorité ecclésiastique. (En 1892, l’Ordinaire du diocèse jeta l’interdit sur cette revue, ce qui donna lieu à un retentissant procès, dans lequel les tribunaux reconnurent le droit des autorités religieuses. — En 1918, le « Pays » était à son tour condamné, mais la publication n’en fut arrêtée que quelques années plus tard.)

Parmi les journaux anglais de 1875 à nos jours, mentionnons le « Montreal Witness » (disparu), le « Sunday Sun », journal irlandais catholique (disparu), le « Standard », illustré hebdomadaire, le « Montreal Daily Star » et le « Daily Herald ».

Il ressort de ce bref exposé que la population française est bien servie par son journalisme quotidien tant par le nombre, que par le volume et le tirage des journaux. Mais si l’on y regarde de plus près, on ne manque pas de constater que quelques-uns sont moins des tribunes d’idées que des médiums de publicité commerciale, surtout anglaise, s’adressant à la clientèle française.

Ce caractère particulier des grands journaux peut affecter leur attitude et leur liberté d’expression, dans les questions politiques, sociales ou autres. Le journal a pour but premier de renseigner le public sur les activités quotidiennes, les mouvements nouveaux et les courants d’idées.

Son attitude peut susciter d’heureuses initiatives. Comment le pourra-t-il s’il est lié par l’influence inopportune et intéressée de ses annonceurs, dont dépendent ses succès financiers ?

D’autre part le manque de revues sérieuses, dont c’est la fonction de répandre des idées et d’en discuter la valeur, ajoute à notre carence d’éducation par les périodiques, abandonnée presque totalement aux publications anglaises et américaines.

Voir aussi :

éducation postscolaire
Kiosque à journaux. Photo du début du XXe siècle. Image libre des droit.

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