Jésuites et Récollets au Canada au XIXe siècle
La cession du Canada à l’Angleterre mettait en péril l’avenir de l’Église catholique. Le traité de Paris reconnaissait sans doute aux habitants leur liberté religieuse, mais la liberté de l’Église, elle, n’était assurée qu’en « autant que le permettaient les lois de Grande-Bretagne ». À l’époque, cela signifiait tolérance et non reconnaissance légale. C’est bien ainsi que l’interprétèrent les autorités civiles. Le roi et ses ministres s’autorisèrent de cette clause restrictive pour mettre dans la constitution canadienne et dans les instructions aux gouverneurs anglais des dispositions, en vue de substituer avec le temps le protestantisme d’État à la foi catholique romaine. En fait le prosélytisme anglican fut ineffectif, grâce au sens de l’équité naturelle, dont les premiers gouverneurs nous paraissent avoir été doués, grâce aussi à l’énergique détermination du peuple de rester français et catholique.
Jésuites et Récollets
Avant les Sulpiciens, les Récollets et les Jésuites avaient éprouvé les conséquences de la guerre. Ces deux ordres furent supprimés aussitôt après la cession. Il fut toutefois permis aux anciens de rester au pays et d’y mener une sorte d’existence incognito; mais il leur fut défendu de recruter de nouveaux membres. À Montréal, les militaires s’emparèrent d’abord de la maison des Jésuites, puis du couvent des Récollets. En 1780, nous voyons que le général Maclean, chef de la garnison, faisait « représenter des pièces de salon dans le grand vestibule des Jésuites ». Quant à l’église des Récollets, elle servit quelque temps alternativement aux deux cultes, catholique et protestant. Finalement, terrain, chapelle et couvent des Récollets furent échangés comme nous l’avons vu, pour l’Ile Sainte-Hélène en 1818. Toutes ces constructions sont aujourd’hui disparues. La petite rue des Récollets qui débouche sur la rue Notre-Dame, à l’est de McGill, en rappelle seule le souvenir.
Quant aux Jésuites, le gouvernement s’était emparé de tous leurs biens. George III les avait promis au général Amherst, en récompense de ses services à la prise de Montréal, mais l’envoi en possession n’eut jamais lieu.
En 1800, le gouvernement en confia la gérance à une commission composée du juge Osgoode, des conseillers Dunn et Baby et de MM. Haie et Berthelot. Les revenus étaient perçus à Québec par Michel Berthelot, aux Trois-Rivières par le notaire Joseph Badeau, à Montréal par Maurice Blondeau. Ce fond accumulé servit surtout à l’éducation comme le demandait l’Assemblée législative.
L’Institution royale, fondée en 1801, en fut largement dotée et par elle le Collège McGill en reçut plusieurs subsides annuels. Le ministre anglican Bethune du « Christ Church » de Montréal et d’autres ministres du Haut-Canada émirent la prétention d’en recevoir aussi des émoluments.
Finalement, ces biens-fonds furent réunis au domaine de la couronne. Les Jésuites n’en reçurent qu’une faible compensation lorsqu’ils revinrent à Montréal en 1842.
En 1865, l’église du Gésu, situé rue Bleury, juste à côté du Collège Sainte-Marie, fut ouverte au public. D’architecture florentine, le temple est construit sur le modèle de son homonyme à Rome.
Les autres communautés de Montréal du temps, les Sœurs Grises, les religieuses de l’Hôtel-Dieu, si elles furent parfois ennuyées par certains officiers en loi trop zélés, ne furent pas autrement inquiétées par les pouvoirs civils nouveaux.
Aussi de 1760 à 1820 la vie religieuse se continue-t-elle à Montréal comme au temps du régime français. Toute la ville, dont la population augmente sans cesse, ne forme encore qu’une seule paroisse, Notre-Dame, desservie par les Sulpiciens. Lorsqu’en 1821, l’évêque de Québec se choisit trois auxiliaires, le district de Montréal passa sous la juridiction de l’un d’eux. C’est alors que se prépare la merveilleuse expansion de notre église au dix-neuvième siècle.
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