Invasion américaine au Canada en 1775
(Tiré de l’Histoire de Montréal par Camille Bertrand, archiviste, paléographe aux Archives nationales).
La situation politique, compliquée d’intrigues anti loyalistes et américaines, devenait inquiétante pour le gouvernement. D’autant plus que la province avait été imprudemment dégarnie de sa force militaire et que l’invasion américaine paraissait imminente. Carleton, pour parer au danger d’une aussi fâcheuse éventualité, voulut former deux bataillons de volontaires pour la défense du Richelieu et des plaines de Laprairie. « Mais, dit-il, à quelques exceptions près, les Canadiens n’ont pas voulu marcher, malgré tous les efforts du clergé et de la noblesse.
Les rebelles ont obtenu plus d’emprise sur eux. Les sauvages de leur côté ont abandonné la partie, ne voulant rien faire si les Canadiens ne s’en mêlent pas. (Archives canad.: Série Q., vol. II, p. 261. — Lettre de Carleton à lord Darmouth).
Les petites incursions d’Arnold et d’Allen avaient été des coups d’essai, préludant à une campagne pus sérieuse et dont le commandement fut confié, par le Con grès, au brigadier général Richard Montgomery.
Ethan Allen, envoyé cette fois en éclaireur avec un fort détachement de l’armée des rebelles, parut sur la rive sud, en aval de Montréal, et traversa le fleuve vis-à-vis la Longue-Pointe (fin septembre 1775), avec l’intention d’attaquer la métropole. Mais l’alarme avait été donnée à Montréal par un Canadien. On décida de prévenir les desseins d’Allen et le major John Carden, à la tête de quelques réguliers, flanqués de nombreux volontaires, se hâta d’aller à la rencontre de l’envahisseur et de le forcer à se battre avant d’atteindre la ville. L’engagement fut conduit avec énergie de part et d’autre et se termina par la capture du chef rebelle et de trente-cinq de ses compagnons. Allen fut mis dans les fers et envoyé en Angleterre.
Cette première défense de Montréal contre les Américains avait coûté la vie au brave Carden. Aexander Patterson et M. de Beaubassin y avaient aussi reçu des blessures.
On assure que les rebelles, aidés de quelques Canadiens, qui s’étaient joints à eux au débarquement sur la rive nord, pillèrent et dévastèrent les maisons de ceux des habitants et des nobles qui s’étaient joints aux forces du roi pour la défense de la ville. (Archives canad.: Série Q., vol. II, p. 256. — Lettre de Cramahé à Darmouth, 30 sept. 1775. — Carleton affirme que les deux-tiers des rebelles à l’attaque étaient des Canadiens. On sait que le gouverneur à était alors très monté contre la population française, à laquelle il reprochait son indifférence. C.f. Série Q., vol. 11, p. 267. — Lettre de Carleton à Darmouth.
Ce premier succès de l’autorité sur les rebelles en décida plusieurs à rentrer dans les rangs de la milice active.
À ce moment, les chefs anglais de l’opposition au gouvernement se soumettent ou passent la frontière. Après l’échec d’Allen les gens de Montréal, fatigués des intrigues malheureuses de Thomas Walker, prennent d’assaut sa maison et l’obligent à quitter définitivement la ville.
D’autres le suivent en territoire américain. Tout parait rentrer dans l’ordre, quand l’apparition de Montgomery en territoire canadien menace à nouveau la paix de notre ville.
Allen, envoyé d’abord en éclaireur, avait cédé trop facilement à l’ambition de s’emparer seul de Montréal.
Son aventureuse et folle équipée, semble-t-il, avait mis fin à son intention certaine de s’établir à demeure en Canada, destiné, selon lui, à devenir un des États de la confédération américaine. (On comprend alors que, désireux de se mêler à la société canadienne dans un avenir prochain, il ait confié aux Sœurs de la Congrégation l’éducation française de sa fille Margueret, aussi appelée Fanny.
Celle-ci se convertit bientôt et entra religieuse à l’Hôtel-Dieu. Sa mère, dit-on, qui était venue la voir à l’hôpital des Hospitalières, reconnut, dans un tableau de saint Joseph, sur les murs de la chapelle, l’homme qui, dans un songe, lui avait sauvé la vie, alors qu’elle était poursuivie par un bandit. Cf. Antiquariam Numismatic Journal, 1890, p. 165. L’avenir lui réservait un tout autre rôle, comme nous le montre l’histoire du pays.
Montgomery devait bientôt reprendre, et avec plus de succès, la conquête de notre ville, en s’emparant d’abord des postes avancés.
Le 17 octobre, le fort de Chambly est pris sans qu’il y ait combat et toute la garnison, composée d’Anglais et de Canadiens, est faite prisonnière. Carleton, toujours exaspéré des revers militaires qu’il ne sut jamais prévenir ou empêcher, cette fois encore rejette la responsabilité de l’affaire sur les Canadiens: (( Ces misérables gens . . . insensibles à l’honneur, au devoir, à leur propre intérêt. )) Il constate avec autant d’amertume que M. de Rigauville a été attaqué par les habitants à Verchères et fait prisonnier, alors que ses miliciens se débandaient. Tous ces événements, ajoute-t-il, ont été cause d’une constante désertion dans les rangs de la milice et la prise de Chambly ne peut qu’abattre encore les esprits. (Archives canad.: Série Q., vol. 11, p. 267. — Lettre de Carleton à Darmouth, 25 oct., 1775).
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