Origine et développement des institutions financières de Montréal
Tel est l’organisme artériel, pourrait-on dire, de notre vie économique montréalaise; mais, pour animer le système complexe de ce grand corps et le maintenir vivant en toutes ses parties, il faut que le sang y circule librement, en abondance et toujours renouvelé par les pulsations du cœur. Autrement, ce sera le caillot au cerveau avec paralysie partielle ou totale. On peut assez bien assimiler la fonction des institutions financières dans notre vie économique au rôle du sang humain dans l’organisme général de l’homme. N’insistons pas davantage sur l’à-propos de la comparaison et revenons à l’histoire.
En 1836, la ville avait acquis du Séminaire l’emplacement de la première église Notre-Dame, située dans l’axe de la rue Notre-Dame. Mais, à cause des troubles politiques des années qui suivirent, ce n’est que vers 1844 que ce terrain fut incorporé, partie à la rue, partie à la Place d’Armes, en face de la nouvelle église paroissiale.
C’est le vrai point central de Ville-Marie. Tout autour, dans un rayonnement de plusieurs centaines de mètres, se sont installées les grandes institutions financières, les administrations municipales, judiciaires, gouvernementales et les administrations des entreprises industrielles et commerciales. C’est le cœur de la ville.
La Banque de Montréal, dont il a été question ailleurs, fut la première à ériger sur la Place d’Armes un bel édifice de style dorique, surmonté d’un dôme. Elle y transporta ses bureaux en 1848. On y a ajouté depuis de nouvelles constructions de style différent, s’étendant jusqu’à la rue Craig. C’est aujourd’hui la plus grande institution financière du pays.
La Banque du Peuple, fondée en 1835, par des Canadiens, au capital de $300,000., succéda à la précédente, dans l’immeuble de la rue St-Jacques, coin de François-Xavier. Vers 1890, croyons-nous, elle s’installa, à son tour, dans son propre édifice, sur la rue St-Jacques, un peu à l’est de la Place d’Armes, où elle dut cesser ses opérations quelques années plus tard.
La Banque Molson, établie en 1855, aussi rue St Jacques, dura plus de soixante ans, alors qu’elle fut ab sorbée par la Banque de Montréal.
Dans la suite, des établissements similaires, de fondation montréalaise, vinrent s’ajouter à l’actif financier de Montréal. Ce furent d’abord les banques Ville-Marie et Jacques-Cartier, aujourd’hui disparues; puis la Banque d’Hochelaga, fondée en 1873, au capital initial de $750,000.
Après cinquante ans d’existence, la Banque d’Hochelaga absorbe la Banque Nationale de Québec et prend le nom de Banque Canadienne Nationale, dont le capital actuel se chiffre à sept millions, avec un actif global d’environ 160 millions, contre un passif au public déposant de 130 à 135 millions. Elle compte aujourd’hui 203 succursales et 303 agences, à travers le pays.
La Banque d’Épargne de la Cité doit sa fondation à Mgr Ignace Bourget, en 1846. Cette institution, de caractère anglo-canadien, limite strictement ses opérations au territoire montréalais. La dernière création bancaire est la Banque Provinciale. Les autres institutions du genre sont des fondations de l’extérieur, ayant ici de florissantes succursales.
L’organisme bancaire est de primordiale importance et de la plus grande utilité dans l’économie générale moderne.2 Aussi bien, on prévient aujourd’hui la faillite de ces institutions en faisant absorber par d’autres plus solides celles qui sont moins fortement établies. Pour résumer, disons qu’en 1839, le capital, investi dans nos banques montréalaises, s’élevait à 83 millions de dollars avec une réserve liquide de 64 millions. L’actif total était de $1,760,171,895., soit le double de la propriété imposable de la ville.
Toujours dans ce domaine de la finance, les diverses compagnies d’assurance ont pour objet immédiat la protection de leurs assurés, de leurs familles et de leurs biens, en même temps qu’elles font fructifier l’épargne populaire.
La plus importante de ces institutions est la Compagnie d’assurance-vie « Sun Life », fondée à Montréal en 1865 par M. Macaulay. C’est aujourd’hui une institution mondiale, qui compte plus d’un million d’associés et pour trois milliards d’assurances en vigueur, dont les deux tiers sont détenues par l’étranger. File a son siège social à Montréal, où elle a construit l’immeuble le plus vaste qui soit dans tout l’empire britannique. Elle y emploie plus de 2,000 personnes et ses recettes annuelles atteignent 170 millions, trois fois le revenu de la corporation municipale.
Au temps où les banques n’avaient pas encore la faveur du public, lisons-nous dans un rapport bancaire, il y avait peu d’argent en circulation, et l’on pratiquait le troc des marchandises. Le surplus des produits d’un fermier était échangé par le marchand contre ses marchandises. Le marchand était d’ailleurs très accommodant et faisait volontiers crédit. Quand le chiffre des échanges passait en sa faveur, il acceptait un billet promissoire. Venue à maturité, la petite note était bénévolement renouvelée avec intérêt composé; à l’échéance, le créancier voulait bien prolonger les délais, moyennant une petite hypothèque sur la petite terre de l’habitant. Quand cette hypothèque devenait due, le bon marchand raflait le bien-fonds. Quoi de plus naturel ? Le procédé n’est peut-être pas entièrement passé de mode.
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