Influence désastreuse des Européens

L’influence désastreuse des Européens sur les Amérindiens et autres Indigènes

Dans l’ensemble, l’intervention des Européens eut une influence désastreuse sur les modes de vie indigènes. Les Espagnols soumirent les Arawak Taino des Indes occidentales à un régime de travail trop dur pour leur constitution. Lorsque Colomb prit contact avec ces douces peuplades, elles comptaient environ 300 000 âmes. Moins de soixante année plus tard, ces îles n’étaient plus habitées que par cinq cents survivants. En Amérique du Nord, les Français incitèrent diverses tribus de chasseurs carnivores, comme les Algonquins, par exemple, à adopter une alimentation à base de graines, mal adaptée à leur système digestif. De surcroît, l’alcool qu’ils leur fournirent précipita leur déchéance.

Les Européens apportèrent aussi avec eux leurs maladies. Propagés par les vigoureux marins, la variole, les maladies vénériennes dont on ignore l’origine, tuèrent par dizaines de milliers les Indiens nullement immunisés contre ces fléaux. Au Brésil, en obligeant des indigènes nouvellement convertis à porter des vêtements, les Portugais modifièrent leur équilibre thermique et les maladies pulmonaires décimèrent ces malheureux par milliers.

À de telles cruautés plus ou moins volontaires s’ajoutent des actes de sauvagerie délibérés. Ambrose Alfinger, un explorateur allemand qui parcourut le Venezuela en 1530, entravait ses porteurs indiens au moyens de chaînes fixées à des colliers en fer. Plutôt que de perdre du temps à ôter ce collier, on coupait la tête à l’Indien trop épuisé pour continuer à marcher. En fin de compte, Alfinger fut d’ailleurs massacré par les indigènes rendus fous furieux. Aux Marquises, ces merveilleuses îles du Pacifique sud, un matelot logea une balle dans la tête d’un indigène qui, pris de peur, avait sauté à l’eau, un enfant dans les bras; comme seule explication le marin avoua « qu’il avait agi de la sorte pour ne pas perdre sa réputation de bon tireur ».

Sans doute parce que leurs contacts avec les autochtones étaient relativement de courte durée, les explorateurs se montrèrent en général moins cruels que les aventuriers et colons qui leur succédèrent. Toutefois, l’épisode au cours duquel Vasco de Gama fit délibérément tirer sur un bateau contenant des femmes et des enfants est là pour nous rappeler que les actes de cruauté punitifs ou gratuits faisaient partie des habitudes européennes de la Renaissance et que, pour la plupart des explorateurs, tuer quelques infidèles relevait moins du meurtre que de l’extermination de vermine.

L’esclavage ne fit qu’abaisser la condition déjà misérable des indigènes. L’Europe du Moyen Âge – il est bon de s’en souvenir – admettait cette pratique; au XVe siècle, les riches familles italiennes possédaient encore des esclaves originaires d’Afrique ou de Russie et les marchands de la péninsule vendaient aux armées turques ou égyptiennes des jeunes garçons des Balkans. C’est sans sourciller que Colomb expédia des indigènes des Indes occidentales en Espagne pour y servir d’esclaves.

Vers la moitié du XVe siècle, les Espagnols commencèrent à exploiter les ressources minières en or et en argent du Mexique et du Pérou, et les Portugais à créer des plantations de sucre au Brésil. Les Indiens se révélaient trop peu résistants, il fallut importer une main d’œuvre plus dure au travail et l’on inaugura le trafic transatlantique des esclaves de la côte occidentale d’Afrique, une des activités commerciales les plus profitables de l’Âge des Découvertes.

Le trafic des esclaves et aussi le contact des Européens et des indigènes jouèrent un certain rôle dans la naissance de l’anthropologie. Les négriers furent obligés d’étudier les mœurs des tribus africaines, afin de mieux sélectionner leurs victimes. La nudité ou la quasi-nudité de l’indigène intriguait l’Européen, ainsi d’ailleurs que les coutumes locales, et en particulier la polygamie. Bien qu’en partie responsable de la disparition des Indiens Taino, Colomb fut si charmé par leurs habitudes qu’il les nota attentivement, léguant ainsi une précieuse source d’information sur ce peuple. Compagnon de Cabral, Pedro Vas de Caminha traça en 1500 de remarquables portraits des Indiens du Brésil. Fernand Veloso réussit à persuader Vasco de Gama de le laisser séjourner quelque temps parmi les indigènes du cap de Bonne-Espérance pour étudier leur mode de vie et leur régime alimentaire.

Vers le début du XVIIe siècle, François-Xavier Carletti, commerçant et voyageur italien, dénonça les conséquences des cruautés perpétrées dans le Nouveau-Monde par les Espagnols, et qui étaient à son sens désastreuses. Il lui était plus facile d’étudier, disat-il les Indes orientales, « sur lesquelles les Castillans n’avaient pas imposé leur joug ».

Toutefois, le besoin de comprendre les mœurs et la façon de penser des indigènes résulta davantage de la propagation de la religion, au prix d’épreuves et d’erreurs, que de l’action des explorateurs et des commerçants ou des servitudes inhérentes à l’administration des territoires et à la colonisation. Jusqu’au milieu du XVIe siècle, les missionnaires conservèrent l’espoir de faire des indigènes de bons chrétiens et presque des Européens.

Si zélés, ces hommes d’église ne s’arrêtèrent pas à réfléchir sur le fait que coutumes et organisation des peuplades indigènes répondaient à un conditionnement séculaire; ils ne comprirent pas davantage à quel point les divers systèmes religieux étaient différents du leur. Enfiévrés, enthousiasmés par la conversion de tribus entières, ils ne s’aperçurent que plus tard du but des indigènes : complaire aux sorciers blancs venus d’Europe. Selon les normes africaines, il n’y avait aucun mal à superposer une nouvelle forme de magie à celles qui avaient cours.

Tant qu’ils ne surent parler les dialectes, les missionnaires connurent de grands succès et, en 1518, un évêque noir fut intronisé au Congo. Mais, lorsque les prêtres portugais furent au mesure d’expliquer aux indigènes dans leurs propres idiomes que le chrétien devait être bon, même avec ses ennemis, et surtout qu’il ne pouvait posséder qu’une seule femme, l’enthousiasme des Africains décrut rapidement.

De plus, au moment où les missionnaires se trouvaient enfin à même de propager les doctrines sociales du christianisme, la traite des Noirs connut une brusque recrudescence. Face à ces réalités, les Africains convertis revinrent, pour la plupart, à leurs religions ancestrales.

Les missionnaires furent plus heureux auprès des Indiens du Brésil et du Paraguay. Un début malencontreux leur fit choisir, pour traduire le mot Dieu, le terme qui en langage Tupi signifiait tonnerre. Il était accueilli avec tant de respect par les Indiens que les Européens en déduisirent qu’il exprimait l’idée de divinité; il correspondait en fait au démon du tonnerre, un dieu redoutable et plus qu’antipathique. Cette erreur rectifiée, la christianisation suivit un cours paisible. Certes, la présence du prêtre était indispensable, sans quoi les convertis retombaient dans leurs erreurs, mais, dans l’ensemble, les Indiens acceptaient facilement la nouvelle religion. Les missionnaires avaient toutefois retenu une importante leçon. Parce qu’ils s’adressaient à des gens dont la pensé était très éloignée de celle des Européens, l’enseignement chrétien devait être modifié.

D’après L’Âge des Découvertes par John R. Hale et les Rédacteurs des Collections Time-Life, 1967.

modes de vie indigènes
Les missionnaires étudièrent leurs caractères pour mieux comprendre les Chinois et obtenir d’avantage de conversions. Le jésuite Athanase Kircher découvrit que les anciens caractères (représentés ci-dessus dans de larges encadrements) constituaient une forme d’écriture idéogrammatique, dont dérivaient les caractères modernes. La Chine illustrée par Athanase Kircher, Amsterdam, 1670. New York, Public Library, Robert Kafka).

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