L’industrie en Nouvelle-France

La vie industrielle en Nouvelle-France

L’industrie en Nouvelle-France : M. Joseph-Noël Fauteux, professeur à l’École des sciences sociales, économiques et politiques de l’Université de Montréal, a écrit, en 1927, un intéressant essai sur l’Industrie au Canada sous le régime français.

M. Fauteux souligne que ce n’est qu’un demi-siècle environ après la fondation de Québec que l’on s’occupa sérieusement de créer des industries dans la Nouvelle-France. C’est à l’intendant Talon que l’on doit cette initiative. Parmi les soldais envoyés au Canada se trouvent des gens de métier qui aident à la création d’industries. En même temps, Louis XIV et Colbert, son ministre, mettent fin au monopole des compagnies et proclament la liberté du commerce. Ces mesures ne tardent pas à produire d’excellents résultats. Malheureusement, l’effort ne se soutient pas. Talon est l’âme des entreprises qu’il a fondées. Lui parti, celles-ci périclitent, a la fois parce que le roi, aux prises avec l’Angleterre, ne peut plus accorder de secours et parce que les officiers chargés des affaires de la colonie ne partagent pas les idées de Talon ou ne possèdent pas son habileté administrative.

Il en est ainsi jusqu’au commencement du XVIIIe siècle. Sauf quelques rares exceptions, les habitants ne vivent que par le commerce du castor. Vers 1705, cependant, le marché est encombre et le prix du castor diminue. C’est la misère au Canada. Sous la pression de la nécessité, les colons se mettent à l’œuvres pour se procurer les vêtements dont ils ont un lamentable besoin.

Constructions maritimes

En 1628, Champlain avait décidé ses hommes à construire une barque pour aller quérir de quoi subsister. Puis, en 1641, M. de Maisonneuve, fondateur de Montréal, avait fait construire à la terre de Sainte-Foy, deux autres barques qu’il amena avec lui. Mais il faut remonter à Talon pour trouver des entreprises de construction navale organisées systématiquement. De 1735 a 1745, surtout, une grande activité règne dans la colonie.

Tous les ans des vaisseaux sortent des chantiers de Québec, construits pour le roi ou pour des particuliers. Les scieries se multiplient et la manufacture du goudron augmente. Les pêcheries se développent. Mais cette prospérité est factice. On ne tarde pas à le constater quand le roi retire son appui à des entreprises qui ne lui rapportent pas. La construction des navires languit à Québec. On cesse de fabriquer du goudron et rie cultiver le chanvre et le lin.

Les quelques exploitations qui survivent sont emportées dans la tourmente qui arrache la colonie des mains de la France pour la faire passer sous la domination britannique.

Rareté de la main-d’œuvre

M. J.-M. Fauteux a noté que pendant toute la dune du régime français, la rareté de la main-d’œuvre, surtout la main-d’œuvre expérimentée, reste la principale pierre d’achoppement contre laquelle viennent se briser la plupart des tentatives industrielles.

Aussi, les gens de métier sont portés sur la main au Canada. Avant de s’embarquer en France lis dictent leurs conditions. Le roi doit même payer leur passage sur un de ses vaisseaux et leur permettre en outre d’emporter leurs effets sans bourse délier. Dans la colonie, ils sont, en quelque sorte les maîtres. Dans les entreprises de tanneries, par exemple, on se les dispute avec acharnement. Four contourner les difficultés et trouver sur place la main-d’œuvre expérimentée nécessaire a l’expansion industrielle, on fonde à St-Joachim, dans le district de Québec, des écoles spéciales pour instruire la jeunesse. Mais les institutions sont éphémères et trop imparfaitement organisées pour quelles puissent améliorer sensiblement la situation.

Plus de monnaie

À tous ces ennuis, dit encore M. Fauteux, vient s’ajouter l’absence de monnaie. Il fut un temps, dit-on, quand il n’y avait pas mille écus en argent dans la colonie. Les autorités eurent recours à un expédient: elles décidèrent d’émettre une monnaie de carte pour remplacer le numéraire qui faisait défaut.

La politique suivie par le gouvernement français relativement aux affaires de la colonie se prête mal au développement industriel Au début die est favorable a la création de manufactures; plus tard, elle les interdit et supprime même celles qui sont établies, sous prétexte qu’elles peuvent nuire aux manufactures du royaume.

La trop grande importance que l’on attache au commerce du castor nuit encore au succès des établissements. La traite du castor, sur laquelle on comptait pour enrichir le Canada, sert plutôt a le ruiner.

L’industrie minière

Dans le domaine de l’industrie minière. Talon avait découvert ce qu’il croyait être une importante mine de charbon dans la falaise de Québec et il en avait employé des morceaux pour le feu de la forge.

Mais la mine du cap de Québec ne se prêtait pas a une exploitation facile. Partant de la cave d’un habitant, elle se continuait jusque sous le château Saint-Louis. À vouloir pousser les fouilles trop loin on risquait d’endommager le château. Le projet fut abandonné.

À plusieurs reprises, des citoyens entreprenants se mirent en frais d’établir des tuileries.

On mentionne, entre autres, l’intendant de Meutes, en 1685. puis, MM. Landron et Larchévêque qui établirent une briqueterie sur la rive gauche du ruisseau Lairet. Mais ils ne purent trouver tous les ouvriers dont ils avaient besoin. Lantagnac, capitaine dans les troupes canadiennes et neveu du Marquis de Vaudreuil, a établi, en 1728, une tuilerie à Québec. Elle se trouvait quelque part à une lieue au dessus et du même côté que la ville. L’établissement n’eut pas une longue durée.

L’exploitation forestière

Dans le domaine de l’exploitation forestière, certains faits tendent a démontrer, selon J.N. Fameux, que, au moins vers le milieu du XVIIe siècle les habitants de Québec se livraient à l’industrie du bois, non seulement pour leur propres besoins, mais encore en vue de l’exploitation. En 1653, la colonie était assez bien organisée pour que certains habitants pussent expédier du merrain en France. Une dizaine d’années après, Nicolas Chesneau fournit aux charpentiers envoyés par le roi en 1663 les planches nécessaires à la construction de petits bateaux. Puis la colonie se livra durant un certain temps à la fourniture des mâts de navires aux ports de France. Sur les terres de La Malbaie en avait découvert des pins rouges de 70 à 75 pieds de long et de 30 à 35 pouces de diamètre, propres à faire des mâts aux plus forts vaisseaux qui fussent en France. On en abattait également à la Baie St-Paul et à l’Île aux Coudres.

Les premiers Canadiens s’intéressèrent également à d’autres branches de l’industrie et au commerce et notamment à la fabrication du goudron, de la potasse è aux meuneries, à la boulangerie, aux brasseries, au sucre d’érable, aux salines; aux tanneries; aux métiers à tisser, à la fabrication de la colle, aux pêcheries, aux chapelleries et autres.

La fin d’une industrie

M. Pierre-Georges Roy, a recueilli dans le Bulletin des Recherches Historiques quelques notes et documents mettant en lumière l’attitude du gouvernement français relativement aux affaires de la colonie de la Nouvelle-France, attitude qui déroute l’observateur contemporain. Pierre-Georges Roy décrit la fin prématurée d’une industrie qui promettait d’être florissante : l’industrie de la chapellerie.

On découvre que ces 1651, Honoré Langlois, dit Lachapelle, venu de Paris à Montréal comme soldat de la garnison, s’était adonné au métier de chapelier. Puis, dans la lignée des gens de ce métier, ou fait la connaissance de David Pauperet marchand-chapelier de Québec, au debut du XVIIIe siècle.

On sait également que Talon avait créé à Québec un atelier pour la fabrication des chapeaux et des souliers. Cette manufacture eut d’ailleurs le sort des autres établissements fondés par l’intendant: après son départ, elle ne tarda pas pas à péricliter. (J.-N. Fauteux en parle également dans son essai sur l’industrie au Canada sous le régime français. Il y eut aussi, quelques années plus tard, un certain Jean Quenet, qui ramena de France quelques ouvriers pour sa fabrique de chapeaux. On mentionne, à la fin du XVIIe siècle Étienne Bedut et Philippe Bastien.

Or. le 9 février 1700. un arrét du Conseil d’Etat accordait aux habitants du Canada moyennant le paiement du quart en espèces au fermier du Domaine d’Occident le privilege de vendre leurs castors en peau, en poil ou en chapeaux, dans la Hollande, la Suède, le Danemark, les Îles Anséatlques, les ports de la mer Baltique et de la Moscovie.

Devant les progrès constants de cette industrie, les industriels français les actionnaires de la Compagnie des Indes entreprirent une premiere démarche auprès de Louis XV et obtinrent en 1735 qu’il interdit l’exportation hors de la Nouvelle-France de chapeaux de castors à demi foulés.

Non contents de ce premier succès, ils revinrent à la charge quelques années plus tard et amenèrent le roi à décréter la prohibition pure et simple de la fabrication du chapeau en Nouvelle-France.

Ce fut la fin d’une industrie qui aurait pu prendre des développements considérables puisque le feutre de poil de castor jouisait alors d’une grande vogue et qu’il pouvait de travailler ici dans d’excellentes conditions.

La colonie naissante comptait, à la mort de Champlain, à peine 150 habitants. Le cap aux Diamants est devenu le noyau d’une région économique de 173 milles carrés s’étendant sur les deux rives du Saint-Laurent, et comprenant 30 municipalités dont la population est évaluée actuellement à plus de 500.000 habitants.

Québec dessert actuellement une zone qui comprend 12 comtés ; elle exerce sou influence sur une vaste région qui couvre tout l’Est de la province de Québec. Ce territoire renferme des richesses immenses et comprend une population d’environ 1.500 000 habitants.

(Texte paru dans le quotidien Le Soleil, le 3 juillet 1958).

Pour compléter la lecture :

Rue de Québec.
Une rue de Québec. Photo d’Anatole Vorobyev.

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