De Hugues Capet à Philippe Auguste
La construction d’un royaume (987-1223)
Premiers Capétiens : En 987, le pouvoir réel de Hugues Capet se limite aux frontières de son domaine: l’Île-de-France. En 1214, Philippe Auguste sera un roi triomphant à l’autorité étendue sur un royaume agrandi.
Les premiers Capétiens (987-1180)
Force et faiblesse des premiers Capétiens
On a coutume d’insister sur la faiblesse des rois de France aux XIe et XIIe siècles, faiblesse qui explique pourquoi les grands laissent la dynastie capétienne se maintenir au pouvoir, alors qu’ils ont contesté celui des Carolingiens au Xe siècle. Ce pouvoir est-il pourtant beaucoup plus faible que celui d’un Louis XI menacé par la Ligue du Bien public, d’un Henri III contesté par les Guise, ou d’un Louis XIV enfant devant fuir Paris? Toujours est-il que Hugues Capet sait s’opposer victorieusement à son rival malheureux, le prétendant carolingien Charles de Lorraine, après avoir défendu Paris contre l’Empereur d’Allemagne Ottan II (978).
Hugues Capet (987-996)
Duc des Francs, il est élu roi de France en 987 (pour succéder à Louis V, le dernier Carolingien), grâce à l’appui de l’archevêque de Reims, Aldabéron. Ses contemporains et ceux qui l’ont amené au pouvoir ne se doutent sûrement pas de l’importance de ce choix. Il s’agit, surtout pour les grands du royaume favorables à Hugues Capet, de faire reconnaître leurs droits dans la désignation du souverain. Le peuple du royaume, quant à lui, est partagé entre l’inquiétude de l’approche de l’un mille et la satisfaction de commencer à vivre dans des conditions plus satisfaisantes, grâce à l’affermissement des bases du renouveau économique.
Cet événement peut paraître d’autant plus banal que le nouveau souverain descend de deux anciens rois, Eudes et Robert le Fort, qui ont su faire leurs preuves. Pourtant, et ce fut peut-être le seul geste important de son règne, Hugues Capet imite son prédécesseur Louis V en faisant élire et sacrer de son vivant son fils aîné, associé ainsi à l’exercice de son pouvoir. Il en sera désormais ainsi jusqu’à Philippe Auguste qui mettra fin à cette pratique.
Robert le Pieux (996-1031)
Tout en conquérant la Bourgogne, il consolide la paix au sein du royaume en luttant contre les « seigneurs pillards », et en favorisant l’application des principes de la « Paix de Dieu » que l’Église s’efforce de faire reconnaître.
Henri 1er (1031-1060)
Il est mois heureux dans sa rivalité avec le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, qui le bat à Mortemer (1054) et à Varaville (1058). Mais le regard de Guillaume se porte avant tout sur l’Angleterre et non sur le Royaume de France. Ces défaites son donc sans conséquences pour le pouvoir capétien.
Philippe 1er (1060-1108)
Philippe 1er entreprend une politique d’extension du domaine royal, en s’emparant du Gâtinais, du Vermandois, d’une partie du Vexin, de Bourges. Il est par contre battu en Flandre (à Cassel en 1071), puis son fils, le futur Louis VI, mène contre Guillaume le Conquérant, qui a envahi le Vexin, une nouvelle guerre dans cette province (1097-1098). C’est durant le règne de Philippe 1er qu’a lieu la première croisade (1095-1099).
Louis VI (1108-1137), Louis VII (1137-1180)
Durant les deux règnes suivants, les conflits armés restent rares : Louis VI continue à pacifier l’Île de France, parfois troublée par les exactions de seigneurs en mal de pillage, et obtient l’aide des grands vassaux pour forcer l’Empereur d’Allemagne Henri V à se retirer de la Champagne qu’il avait envahie en 1124; Louis VII poursuit la politique d’expansion vers l’Est, en occupant à son tour la Champagne (1142) et brûle Vitry au passage; il participe à la deuxième croisade. Le fait majeur du règne de Louis VII, lourd de conséquences pour les siècles à venir, est la répudiation de la reine, Aliénor d’Aquitaine, qui a apporté ce fief au royaume. Le plus grave est qu’elle se remarie aussitôt avec Henri Plantagenêt (1152), qui deviendra roi d’Angleterre deux ans plus tard : l’Aquitaine devient ainsi fief anglais et les souverains britanniques vassaux des rois de France pour ces territoires.
Le rôle du roi
Avec l’arrivée des Capétiens en France, comme avec la restauration du principe impérial en Allemagne (Otton 1er se proclamant Empereur en 962), prennent fin des rivalités liées à l’héritage carolingien. Ce n’est sans doute pas un hasard si ces rois et les grands sans lesquels ils ne peuvent rien, se préoccupent surtout désormais de consolider leurs propres pouvoirs plutôt que de s’engager dans des conquêtes aléatoires. L’ébauche d’une croissance économique en est à la fois la cause et la conséquence : si l’on peut trouver des revenus croissants dans son fief, à quoi bon se risquer à guerroyer chez de puissants voisins?
De ce fait, la fonction royale s’est en grande partie détachée de celle qui en fait un pourvoyeur de territoire, et en propriétaire du royaume. Le fait de réserver le titre royal à l’aîné des fils montre bien que le royaume ne peut plus être divisé comme un bien privé; si le roi possède des territoires qui lui rapportent des revenus comme tout seigneur, il est aussi le garant de l’ordre politique et social, le bras séculier de l’Église, une sorte de représentant laïc de Dieu sur terre. Il se situe donc au-dessus des grands seigneurs, qui ont besoin du symbole royal dont ils tiennent leur légitimité, comme le peuple a besoin de son image protectrice.
Philippe Auguste (1180-1223)
Toutefois l’autorité royale est d’autant plus respectée que le souverain, par son rayonnement propre, son aptitude à défendre le royaume, à maintenir la paix, à faire entendre raison aux récalcitrants, sait être à la hauteur de sa mission. C’est précisément le cas avec Philippe II Auguste, dont le long règne (1180-1223) est riche en événements importants, et fait franchir une étape décisive au rôle de la fonction royale.
Un roi conquérant
Marié à Isabelle de Hainaut, qui lui apporte l’Artois (1180), il mate une révolte féodale et annexe les comtés d’Amiens et de Montdidier (1185). Mais sa préoccupation principale est de lutter contre la puissance inquiétante des rois d’Angleterre, désormais dotés de fiefs continentaux. C’est ainsi qu’il soutient la révolte des fils de Henri II contre leur père, l’oblige à lui céder une partie du Vermandois et marie sa fille à Jean Sans Terre, un des fils d’Henri II. Philippe Auguste participe aux côtés de Richard Cœur de Lion, devenu roi d’Angleterre, à la troisième croisade, en 1190. Mais il rentre le premier (1191) et profite de l’absence de Richard pour occuper le Vexin normand et les comtés d’Aumale et d’Eu. Revenu en Angleterre, après sa captivité en Allemagne (1192-1194), Richard entre en guerre contre la France. Il bat Philippe Auguste à Fréteval (1194) et à Courcelles (1198), mais il est tué en Limousin (1199). Cette mort sauve Philippe, qui reprend les hostilités contre Jean Sans Terre, nouveau roi d’Angleterre. Philippe Auguste le reconnaît roi en échange du Vexin normand, d’Évreux et du Berry (1200, paix du Goulet). Mais Jean Sans Terre ne s’étant pas présenté pour rendre hommage au roi de France, Philippe Auguste lui confisque ses fiefs, et entreprend la conquête de la Normandie (prise de Château Gaillard et de Rouen en 1204), de la Touraine, du Maine, de l’Anjou et du Poitou.
Bouvines
Philippe doit alors faire face à une redoutable coalition, entre Jean Sans Terre, l’Empereur d’Allemagne Otton IV et les Comtes de Flandre et de Boulogne. Victorieux, ils se seraient partagés le royaume de France. Mais Philippe Auguste écrase les Germano-Flamands au Nord, à Bouvines, alors qu’au Sud son fils, le futur Louis VIII bat Jean Sans Terre à La Roche-aux-Moines (1214). A,il échoue dans une tentative de main mise sur l’Angleterre (expédition de Louis VIII en 1216), ses victoires continentales ont permis une extension considérable des territoires royaux, Philippe Auguste conservant ses conquêtes, auxquelles s’ajoutent l’Auvergne et la Champagne.
Un administrateur
Son règne de quarante-trois ans n’est pourtant pas celui du conflit permanent. Philippe Auguste n’est pas simplement combattant; c’est aussi un administrateur qui met en place les officiers du roi, baillis et sénéchaux, veille à la mise en valeur de ses domaines, confie aux Templiers la gestion du Trésor Royal, aide le développement urbain et le mouvement communal en accordant des Chartes de franchise et des privilèges aux marchands (comme à Paris); il renforce aussi la défense du royaume en construisant ou développant les enceintes de protection ou les places fortes. En définitive, son pouvoir est tel qu’il ne juge pas bon de faire couronner son fils Louis VIII de son vivant, rompant avec cette précaution qui durait depuis deux siècles.
Louis VIII (1223-1226)
Si Philippe Auguste, préoccupé par le problème anglais, ne participe pas à la « croisade des Albigeois », il n’en est pas de même pour son fils. Le règne de Louis VIII voit en effet se poursuivre la rébellion des seigneurs du Languedoc contre l’autorité du représentant du roi Amaury, fils de Simon de Montfort, Louis VIII. Louis VIII intervient personnellement et prend Avignon, fief du comté de Toulouse, en 1226.
Règnes longs et stabilité du pouvoir
Durant presque deux siècles, de la mort de Hugues Capet (987) à l’avènement de Philippe Auguste (1180), la France n’a connu que cinq rois, chacun régnant au moins trente ans (et même quarante-huit ans pour Philippe 1er). Cela constitue un puissant facteur de stabilité politique, d’autant qu’ils laissent tous un héritier mâle en mesure de leur succéder (il en sera d’ailleurs ainsi jusqu’à Philippe le Bel). Les grands vassaux perdent donc l’habitude de se poser des questions à propos de l’héritage royal et de se déchirer pour l’accession au pouvoir ou le partage des territoires.
La croisade des Albigeois
C’est durant le règne de Philippe Auguste que débute en 1209 la triste « Croisade des Albigeois », marquée par le sac de Béziers, la prise de Narbonne, le siège de Carcassonne, puis la bataille de Muret (1213), près de Toulouse, où Simon de Montfort bat le comte de Toulouse et son allié le roi d’Aragoт. Le pouvoir royal ne voit pas d’un mauvais œil la fin d’une indépendance de fait du comté de Toulouse, où l’autorité royale sera désormais affirmée. C’est aussi l’occasion de se réconcilier avec le pape, après ses démêlés conjugaux qui lui ont valu d’être excommunié en 1200.
Mais « l’hérésie et la résistance cathares se poursuivront jusqu’à la prise de Montségur en 1244, sous le règne de Saint-Louis.
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