Historique de la rivière Saint-Maurice : Portrait historique du Saint-Maurice
Affluent le plus important du fleuve Saint-Laurent après l’Outaouais et le Saguenay, la rivière Saint-Maurice prend sa source dans le réservoir Gouin, à environ 400 kilomètres au nord de Trois-Rivières. Le bassin hydrographique d’environ 43 000 kilomètres carrés canalise les eaux d’une quinzaine de cours d’eau tributaires. Des rapides et des chutes y synchroniseront le développement d’installations hydroélectriques et l’émergence de villes industrielles. Entre les hautes terres boisées du Bouclier laurentien et les basses terres du Saint-Laurent, le parcours du Saint-Maurice, embarrassé par plusieurs barrages correspond davantage aux exigences d’un réservoir qu’aux charmes tranquilles d’une rivière. Pendant plus d’un siècle, en effet, et jusqu’à récemment, il a surtout assumé le transport de quelque 3 milliards de « pitounes » ou billes de bois vers les scieries et les moulins à papier de la Mauricie.
Le premier Européen à voir le Saint-Maurice est Jacques Cartier. À l’automne 1535, Jacques Cartier rentrant d’Hochelaga remonta la rivière sur une courte distance. Cartier la baptise Rivière de Fouez, sans préciser si son choix rendait hommage à la famille de Foix, proche du gouverneur de Bretagne, ou s’inspirait du mot foi, alors prononcé « foué ». Quoi qu’il en soit, le toponyme Fouez se perd à la fin du XVIe siècle, remplacé par « 3 rivières », orthographié ainsi une première fois en 1601 sur la carte de Guillaume Levasseur. L’appellation serait du cru de François Gravé Du Pont, l’homme de confiance de Champlain chargé de remonter le fleuve jusque-là quelques années auparavant. Champlain adoptera en 1668 la forme simple Les Trois-Rivières ou Rivière dite les Trois Rivières, en scellant la promesse de concéder une seigneurie à Maurice Polin de La Fontaine, procureur du gouvernement de Trois-Rivières. Cette référence à des îles partageant en trois segments l’embouchure du cours d’eau persistera jusque vers 1730-1740. S’impose ensuite le Saint-Maurice qui honore Maurice Poulin dont la seigneurie anonyme, concédée en 1676 à sa veuve, est décrite dans le jugement rendu par l’intendant Michel Bégon en 1723 : le fief Saint-Maurice est situé sur la rive ouest de la rivière vulgairement nommée fleuve du Saint-Maurice. Le nom algonquin de la rivière, Metabroutin, est mentionné dans la Relation des Jésuites en 1635. Il ferait allusion à une « décharge du vent ». Les Abénaquis, quant à eux, évoquaient la Madôbaladenitekw, la rivière qui finit. À la fin du régime français, le toponyme rivière Saint-Maurice est d’usage courant et s’étendra à la Mauricie vers le milieu du XXe siècle.
L’histoire de la Mauricie est étroitement liée à l’utilisation de la rivière Saint-Maurice. Alors que l’exploitation forestière prend son envol, vers 1850, avec l’installation des premières papetières, la rivière assure l’acheminement du bois par flottage. Le puissant potentiel hydroélectrique du cours d’eau soutient plus tard le développement industriel régional avec un tel succès que les villes de Shawinigan et de Trois-Rivières se retrouvent momentanément au rang des capitales mondiales de l’industrialisation. Le réservoir Gouin demeurera longtemps le plus grand réservoir artificiel du globe.
Ces grandes ressources resteront au cœur de l’économie régionale de la Mauricie lorsqu’elle s’apprêtera à changer de cap. Fini le flottage des billes de bois sur la rivière à la fin des années 1990. On s’efforcera de mettre en valeur le potentiel récréotouristique du Saint-Maurice. La mosaïque des lacs et des rivières de la Mauricie jouit d’une bonne renommée grâce aux nombreux clubs de chasse et de pêche fondés durant les années 1880. Ces clubs sélects ont par la suite encouragé la protection des territoire par la création d’un parc national du Canada, de réserves fauniques, de ZECs et de pourvoiries.
La vallée de la rivière Saint-Maurice et les terres du bassin versant portent jusqu’à nos jours les stigmates des diverses étapes de leur développement; d’abord la mise ç profit des richesse forestières, puis l’utilisation du potentiel, minier et la canalisation de la puissance hydroélectrique au profit de l’industrie. Plus récemment, la restauration des écosystèmes et la mise en valeur des sites naturels concrétisant la nouvelle orientation économique de la région basée sur le contrôle des ressources naturelles. La coupe du bois persiste toujours autour du réservoir Gouin.
De précieuses ressources au pays de la drave
Dès la seconde moitié du XIXe siècle, l’exploitation forestière dessine l’ébauche du peuplement original de la région : en effet, les forestiers s’installent avant l’arrivée des colons. L’économie agroforestière naîtra quand le commerce du bois aura révélé le potentiel agricole de la terre. Les pionniers, à la fois bûcherons et agriculteurs, répartiront alors leurs activités au gré des saisons. Le XIXe siècle préside donc l’organisation des grandes coupes de bois, du flottage de la pitoune et assure la prolifération des chantiers sur les rives du Saint-Maurice. Des localités embryonnaires s’articulent autour de ce schéma à Mont-Carmel (1858), à Saint-Boniface (1859), à Sainte-Flore (1862), à Saint-Tite (1863), à Saint-Thècle (1873).
Au tournant du siècle, l’incorporation des villages de Grand-Mère (1898) et de Shawinigan Falls (1901), et celle de la ville de La Tuque (1908) complètent le tableau.
À l’époque, la journée de travail dans les chantiers de coupe dure au moins onze heures. Les draveurs s’échinent de 4 heures du matin à 20 heures le soir. Les ouvriers sont à la tâche aussi longtemps qu’il y a du bois à retirer des ruisseaux et des affluents. On s’attaque presque exclusivement aux géants, des pins plusieurs fois centenaires dont la taille et le diamètre promettent chacun plusieurs billots. Vers 1850, le diamètre moyen des billes acheminées sur le Saint-Maurice est de 50 à 60 centimètres; dans les années 1920, les billots de plus de 75 centimètres ne font pas exception.
Une fois préparés, les billots sont déposés sur la glace, à la décharge des lacs dans lesquels ils ont emboîtés par une estacade, jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment d’eau pour assurer la flottabilité du bois qui empruntera successivement des lacs, des ruisseaux et des rivières affluentes dans sa descente vers le Saint-Maurice. Le glanage des billots enlisés dans les anses ou sur la grève a lieu du mois de juin au mois de novembre. Ainsi rendus au courant, les billots risquent ensuite d’être écorchés au passage des chutes. Pour aider la descente du bois jusqu’à Trois-Rivières, le gouvernement entreprend, en 1846-1947, la construction de digues de retenue pour les billes et de glissoires d’évitement des rapides.
Les cages ou « cribles » qui dévalent le Saint-Maurice mesurent en général de 15 à 18 mètres de long. Sans doute, moins imposantes que celles longues de plus de 1 kilomètre, qui descendent le fleuve Saint-Laurent à la même époque, elles exigent tout de même l’incroyable agilité du draveur de billots du Saint-Maurice pour arriver à bon port. À la fois robuste, secret et dur à la tâche, le forestier mauricien du XIXe siècle est aussi un homme simple qui s’émerveille et s’amuse de peu, comment témoigne le folklore inspiré par la vie des chantiers, scandé par la voix et les bottines à clous de ses héros.
(Rivières du Québec, Découverte d’une richesse patrimoniale et naturelle. Par Annie Mercier et Jean-François Hamel. Les éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides).
Canton d’Ingall
Dans l’interfluve séparant la rivière Windigo et la rivière Pierriche, affluents de la rive gauche du Saint-Maurice, ce canton se situe à quelque 65 km au nord-ouest de La Tuque. Sa dénomination rappelle la grande expédition du Saint-Maurice, de 1829, dirigée par le lieutenant anglais Frederick Lennox Ingall. L’expédition fit l’objet d’un rapport comprenant une étude géologique de la région ainsi qu’un catalogue élaboré de la faune et de la flore. John Adams et H. Nixon participèrent à l’expédition et à la rédaction de ce rapport qui, soulignant la médiocrité des conditions d’implantation de l’agriculture, insistait sur l’importance des ressources forestières et énergétiques. Ce toponyme est signalé comme nouvelle dénomination dans « Nomenclature des noms géographiques de la province de Québec » (1916) de la Commission de géographie.
Canton de Olscamps
Situé en plein cœur des Laurentides, ce canton est traversé du sud-ouest au nord-est par la rivière Vermillon, affluent du Saint-Maurice qu’elle rejoint près de Rapide-blanc, à une quinzaine de kilomètres en aval. En 1916, la « Nomenclature des noms géographiques de la province de Québec » présente Olscamps comme une nouvelle dénomination et précise « d’après l’abbé Olscamps, missionnaire à Weimontaching en 1840 ». Or, en 1840, Jean-Baptiste-Narcisse Olscamp (1816-1876) terminait ses études de théologie et ne sera ordonné prêtre que l’année suivante. Missionnaire dans la région de la baie des Chaleurs de 1842 à 1854, il deviendra curé de Saint-Stanislas de Champlain en 1854 et y prendra sa retraite à partir de 1869. Son frère, Théodore Olscamp (1828-1878), pionnier de la Grande-Anse, située un peu plus bas sur le Saint-Maurice, fut très connu dans la région. Sa mémoire y est célébrée par une complainte qui rappelle les tragiques événements de 1878 alors qu’il devait périr en essayant de sauver sa femme, Élisabeth Leblond, et un tout jeune enfant, noyés dans le Saint-Maurice. Jean Holzeau, établi à Beauport peu après la Conquête, provenait vraisemblablement de Strasbourg ; ce militaire démobilisé est l’ancêtre canadien des Olscamp, patronyme de souche allemande orthographié Holzeau, Holzcamp, Alscamp et Olscamps, notamment.
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