Portrait historique de la rivière Saguenay
Un lac grand comme le monde, une grande et une petite décharges, voilà la rivière Saguenay prête à s’échapper de sa source pour rouler jusqu’à Tadoussac, à environ 200 kilomètres au nord-est de Québec. Longue de 160 kilomètres, la rivière Saguenay draine un bassin versant de 88 000 kilomètres carrés, irrigue, entre autres, les localités d’Alma, de Jonquière, de Chicoutimi et de La Baie. Son début moyen de 1760 mètres cube culmine à plus de 3 000 mètres par seconde pendant la crue printanière.
Au cours de la préhistoire, certaines tribus appartenant à la traditions algonquine occupaient déjà les environs du Saguenay et pratiquaient un commerce intérieur, durant l’été, aux confluences des rivières tributaires. Ce réseau embryonnaire servit plus tard à l’implantation de comptoirs en même temps que débutait la colonisation du pays. Tadoussac fut, dès 1600, sous l’autorité de Pierre Chauvin, l’un des premiers postes de traite de la Nouvelle-France.
Plus tôt, dans la première moitié du XIVe siècle, le Saguenay est déjà porteur de légendes et de promesses mirifiques. Les Iroquois de Stadaconé (aujourd’hui, Québec) en parlent comme d’une région immensément vaste et riche. Jacques Cartier rêvera d’en conquérir les trésors évoqués par les fils du chef Donnacona, Domagaya et Taignouagny. Emmenés en France par Cartier au terme de son premier voyage, ceux-là lui ont tant vanté les ressources du Royaume de Saguenay que l’endroit devient l’objectif d’un deuxième voyage amorcé en mai 1535. Bien qu’il n’en ait finalement exploité que l’embouchure, Cartier laissera plusieurs écrits sur le Saguenay, nom qu’il associe de prime abord au territoire traversé par la rivière :
« Il y a une rivière fort profonde et courante, qui est la rivière et chemin des royaumes et terres du Saguenay, ainsi qu’il nous a été dit par nos deux hommes du pays. Et cette rivière est entre de hautes montagnes de pierre nue, où il y a peu de terre, nonobstant il y croît une grande quantité d’arbres, et de plusieurs sortes, qui croissent sur ladite pierre nue comme sur une bonne terre. » (Extrait reformulé d’après Le Saguenay historique, #2, collection « Mon pays », Montréal, Fides, 1940, p.10.
Comme le découvreur en eut l’intuition, l’étymologie du mot Saguenay provient du terme amérindien saki-nip qui signifie « eau qui sort » ou « source de l’eau ». Quelques variantes graphiques du toponyme Saguenay apparaîtront transitoirement au fil des siècles pour se conformer plus tard à la graphie retenue par Cartier. Les récits de voyages de Samuel de Champlain illustrent certaines variations de l’époque; le fondateur de Québec orthographie en effet le nom de trois façons : Sagenay (1603), Sacqué (1609) et Sacquenay (1615) avant d’adopter pour le bon le terme Saguenay. On notera que Champlain a lui-même apposé à la rivière le genre masculin, qui le Saguenay a conservé depuis.
Pendant longtemps, la seule ressource accessible du royaume fut la fourrure. Durant la seconde moitié du XVIIe siècle, Tadoussac domine le commerce des pelleteries en Amérique du Nord. Basques, Normands, Brentons et autres Européens transigent avec les Montagnais du Saguenay, qui traitent à leur tour avec les autres nations autochtones. Tadoussac connaîtra, avec l’arrivée des Jésuites en 1640, une intense activité religieuse; on maintiendra néanmoins au fil des deux siècles suivants sa fonction première de poste commercial.
Au moment où la traite des pelleteries s’essoufflera, les besoins de l’Empire britannique en produits forestiers stimuleront l’essor industriel ainsi qu’un mouvement d’immigration vers le milieu du XIXe siècle. Les premiers véritables habitants de la région sont des membres de la Société des Vingt-et-Un, aussi appelée Société des Pinèdes, qui érigeront les camps forestiers de l’Anse-Saint-Jean et de la baie des Ha! Ha!. Même si leur établissement ne devait durer que le temps d’exploiter la forêt, plusieurs familles étirèrent leur séjour. Le gouvernement et la Compagnie de la Baie d’Hudson s’inclinent devant le fait accompli : ou autorise officiellement la colonisation de la région. La vie économique se développe autour des quais de Bagotville et de Grande-Baie et les madriers de bois prennent la direction de l’Angleterre par l’entremise du richissime William Price.
On n’attendra plus très longtemps pour que les activités du royaume se diversifient. Au tournant du XXe siècle, l’industrie des pâtes et papiers s’implante au Saguenay et, peu après, dans la région du Lac-Saint-Jean. Le potentiel énergétique du bassin saguenéen favorise, au début des années 1920, l’avènement de l’industrie de l’aluminium qui connaîtra un boom lors de la Seconde Guerre mondiale, puis de la guerre froide.
Pendant ce temps, le tourisme se développe autour des « bains de mer » de Tadoussac, surtout après la construction de l’hôtel Tadoussac en 1866. Cette station de villégiature deviendra une porte d’entrée sur le Saguenay, beaucoup grâce à la compagnie de navigation Richelieu & Ontario. Parallèlement, le Lac-Saint-Jean s’ouvre au tourisme vers 1888 par l’entremise du chemin de fer qu’utilisent les visiteurs pour se rendre à Roberval, attirés par la beauté naturelle du lac et par la pêche à la ouaniniche. À partir de cette époque, des hôtels, des parcs, des centres d’interprétation et des musées se concertent, organisant peu à peu un réseau muséal et patrimonial original. Le Saguenay fournit derechef une voie d’accès privilégiée pour l’accueil des croisières qui se multiplient. Le fjord, la rivière et le lac ont inspiré une filière récréative qui fait redécouvrir aujourd’hui cette région fière de ses produits naturels, culturels et écotouristiques.
(Source : Marcel Tessier raconte… Chroniques d’histoire, tome I. Éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides, 2000).
Lac Poulin-De Corval
Grande étendue d’eau de près de 28 km carrés de superficie, le lac Poulin-De Corval, se trouve à environ 60 km au nord-est de Chicoutimi. Il se décharge à son extrémité nord par la rivière Poulin, longue de 5 km, dans la rivière aux Sables, l’un des affluents du réservoir Pipmuacan. Cette appellation rend hommage à l’arpenteur Louis Poulin de Courval, né à Trois-Rivières en 1854 et décédé en 1940 à Victoriaville. Au cours de 1892, il avait effectué des travaux d’arpentage dans le canton de Tremblay, au Saguenay.
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